La chambre aux échos
de Richard Powers

critiqué par Jules, le 5 août 2008
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Epoustouflant, mais difficile...
Avec « Au temps où nous chantions » Richard Powers nous a offert un véritable chef-d’œuvre. Son écriture était époustouflante de beauté et de justesse, ses études de caractères très approfondies. En outre, il nous donnait une histoire profonde, longue, agréable et facile à lire.

Comment ne pas qualifier « La chambre aux échos » de nouveau chef-d’œuvre… Et pourtant il est, ô combien, terriblement plus difficile à lire !…

Au départ, l’histoire paraît simple. Dans la campagne du Nebraska un jeune homme, Mark Schlutter, a, un soir, un accident terrible avec son camion. Il va se retrouver blessé à la tête et sauvé par un inconnu qui ira avertir, anonymement, les secours. Transporté en clinique il sombrera dans le coma alors que sa sœur, la seule famille qui lui reste, arrivera affolée.

Il a toujours eu une énorme passion pour cette sœur. Une intervention au cerveau va s’avérer nécessaire mais quand il se réveillera et sera sorti d’affaire, il ne la reconnaîtra plus. Celle-ci ne voudra plus le quitter, perdra son boulot et toutes ses économies pour ce faire. A ses yeux elle ne serait qu’un clone de sa sœur Karin et il la traitera comme tel. Il en fera autant avec son chien qu’il adorait, mais ne reconnaîtra plus sa maison non plus ! Par contre, il reconnaîtra ses trois vieux copains et complices de sorties. Ce qui le rend aussi fou c’est de ne rien savoir de la personne qui l’a sauvé… Un très long chemin reste à faire pour lui faire retrouver ce qu’il a perdu de son passé. D’autre part, il s’enfonce dans une logique d’attentat pratiquée contre lui et voit des menaces partout.

Karin va s’adresser à un très grand ponte de la psychiatrie vivant à New York. Celui-ci va faire le déplacement mais ne pourra que constater qu’il est devant un cas qui le dépasse.

Mark acceptera de collaborer avec ce spécialiste, comme il le fera avec l’aide soignante Barbara, et, pour un temps il va redonner toute sa confiance à ses vieux copains. Quant à la pauvre Karin elle finira presque par tomber malade elle-même, pensant qu’il est peut-être vrai qu’elle ne serait que le clone de Karin…

Ce livre est terriblement difficile à lire de par la quantité des termes scientifiques utilisés, les longues descriptions des différentes maladies possibles du cerveau suite à un choc etc.

A se demander comment Richard Powers a fait pour arriver à écrire un tel livre !… Et il est difficilement pensable qu’il n’ait pas passé des mois avec des médecins et des chirurgiens du cerveau pour écrire ces pages. Avancer dans ma lecture ne m’a pas été facile (j’ai pris plus de quinze jours pour lire un petit cinq cents pages !…)

Et cela alors que le sujet est intéressant, que les personnages le sont aussi et qu’il n’était pas pensable de refermer ce livre sans en connaître la fin…

Un très grand livre de plus !
trop c'est trop 5 étoiles

Trop plein, trop de détails sur des histoires périphériques au sujet principal qu'on finit par ne pas savoir identifier tant la chute est partielle et ténue... tout savoir sur la migration de grues, les zones humides en régression et leur défense, la neurologie comportementale, les manifestations neurologiques d'un trauma accidentel, les traitements possibles ou pas, la vie privée d'un ponte de la neurologie en cours de décadence, le poids d'un traumatisé sur la vie de sa soeur, les petits musées en zone rurale et les groupes religieux, les copains de jeunesse etc....
Une lecture laborieuse dont l'intérêt est maintenue par l'attente du dénouement qui s’avérera un pétard mouillé.

Eoliah - - 73 ans - 13 mai 2018


Utiliser et perdre 8 étoiles

Richard Powers a assisté par hasard au rassemblement annuel des grues sur la rivière Platte dans le Nebraska. Et cette vision lui a donné l'idée d'un roman. Pourquoi cette migration régulière des grues du Canada est-elle à l'origine d'un long et touffu roman qui parle d'identité et de libre-arbitre, on s'en doute. Les grues ne choisissent pas , là est leur destin, année après année. A moins que l'homme, ce grand prédateur, n'en décide comme d'habitude autrement.
Et l'homme? Quelle est sa part de choix , à partir du moment où sa propre identité est créée, faite de la rencontre d'une chimie individuelle avec un environnement?

Les grues jouent un rôle important dans la vie de Mark, un des principaux personnages de ce roman. D'abord et surtout, leur père les emmenait , sa soeur et lui, à chaque migration, regarder ce spectacle encore sauvage, et c'est à leur contact qu'a été ancré dans son cerveau ce que le père a dit.
Quoi qu'il arrive, ne jamais oublier l'essentiel, les liens familiaux. Il n'y a plus ni père ni mère, ils sont seuls tous les deux.

Un accident de camion dans des circonstances mystérieuses( mais, bien sûr, on retrouvera ces oiseaux..) laisse Mark dans un état neurologique bizarre, atteint du syndrome de Capgras. Dans ce syndrome, ce sont justement les êtres les plus proches et les plus chers que l'on ne reconnait pas. Et qui est-on, privé de ces repères les plus élémentaires?

Le roman va être une quête à la recherche de cette identité, une difficile reconstruction d'un être. Mais aussi de beaucoup d'autres. En particulier de sa soeur. Et du neuro- cogniticien appelé à la rescousse , qui écrit des livres fort appréciés du grand public, en " vulgarisant " ces syndromes neurologiques, et en oubliant un peu quels drames se cachent derrière ( on pense forcément à Olivier Saks et à L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau - amusant à lire, certainement moins drôle à vivre...)

Comment construit-on des liens, que sont l'amour, la foi, etc à l'époque où les neuro-sciences nous décortiquent tout cela et nous démontrent que nous ne sommes que chimie..

C'est bien sûr l'aspect du roman qui m'a intéressée. C'est brillant ( c'est un scientifique, Powers), et le récit est parfaitement construit.
Il y a également des pages magnifiques sur le thème du sentiment d'usurpation. Qui ne l'a jamais éprouvé ne sera pas frappé comme je l'ai été. Sur l'enfance. Sur les oiseaux.

Maintenant... J'avais beaucoup aimé Le temps où nous chantions dans lequel les thèmes abordés étaient nombreux, mais qui était construit , forcément ,comme une symphonie.
Ici, que cette histoire est longue et alambiquée , que de mots et de pages pour en arriver là! Que de thèmes divers ( je ne devrais pas m'en plaindre, moi qui aime les digressions, mais là, il me semble qu'il y en a un peu beaucoup et qu'il s'égare souvent..) . L'écologie, les universitaires foireux, le rôle d'un scientifique et ses responsabilités, les jeux vidéos, le journalisme, le 11 septembre, etc,etc.

Il n'empêche que l'on ressort de cette lecture en levant un oeil différent sur son entourage . Et sur soi-même bien sûr. Et c'est déjà beaucoup...

Un extrait:

Cette pensée prenait forme en Weber tandis qu'allongé dans l'aube il écoutait un oiseau moqueur lancer la boucle de ses appels chapardés. Ce moi que le moi décrit à lui-même, nul n'en est détenteur. Mensonge, déni, refoulement, confabulation: non pas des troubles mais une signature.. Celle de la conscience s'efforçant de rester intacte. Que valait la vérité auprès de la survie? Flottant, fracturé , brisé, en retard d'un tiers de seconde, quelque chose continuait d'affirmer: " C'est moi". L'eau change toujours mais la rivière demeure.

Le moi était un tableau peint sur cette toile liquide. Une pensée envoie un potentiel d'action se propager le long d'un axone. Un peu de glutamate passe d'un corps cellulaire à un autre, trouve un récepteur sur une dendrite cible et déclenche un potentiel d'action dans la cellule d'arrivée. Mais la véritable décharge survient ensuite: le potentiel d'action dans la cellule réceptrice expulse un bloc de magnésium contenu par un autre type de récepteur; le calcium afflue et l'enfer chimique se déchaîne. Des gènes entrent en action, qui fabriquent de nouvelles protéines, lesquelles remontent jusqu'à la synapse et la reconfigurent. Et tout cela engendre un nouveau souvenir, ce canyon où coule la pensée. L'esprit surgi de la matière. Chaque éclat de lumière et de bruit, chaque coïncidence, chaque trajectoire aléatoire à travers l'espace, corrige le cerveau, modifie les synapses, et en ajoute même , tandis que d'autres faiblissent ou disparaissent, faute de sollicitations. Le cerveau est un ramassis de changements destinés à refléter le changement. Il faut utiliser ou perdre. Utiliser et perdre . Nous faisons un choix, et ce choix nous défait.


La chambre aux échos p 400

Paofaia - Moorea - - ans - 5 décembre 2013


Chef d'oeuvre 10 étoiles

Un des plus beaux romans que j'ai lu ces dernières années. J'en suis ressorti littéralement sonné. L'histoire est passionnante de bout en bout, c'est très bien documenté, la construction du roman est remarquable, et puis quelle justesse dans l'écriture. Il y a tout : polar (il laisse la plupart des romans policiers contemporains à des années lumières de par la qualité de l'intrigue), suspense, érudition, et surtout beaucoup, beaucoup d'émotion.

Tintoretoto - - 48 ans - 9 avril 2009


laborieux 5 étoiles

J'ai eu bien du mal à poursuivre la lecture de ce roman, j'attendais le dénouement final avec l'espoir d'être enchanté, bof ... dès le milieu on a deviné quelque chose, c'est très bien écrit mais presque au scalpel et l'impression qui en ressort est un peu froide, distanciée, les états d'âme mille fois répétés de la soeur de Mark m'ont lassé. Bref, je suis déçu par ce roman annoncé partout comme la 7ième Merveille du 21ième siècle. Les nouveaux auteurs américains new style, Krauss, Safran Foer Foé, Pat Conroy, et maintenant R. Powers, ne récompensent guère des efforts qu'on doit produire pour les lire ! ... Je serais même tenté de mettre P. Auster dans le même sac tant son dernier, "Brooklynn Folie", m'a déçu par rapport à la "découverte de la solitude" !

Lebgi05 - - 77 ans - 27 septembre 2008


Très beau travail d'auteur. 7 étoiles

Mon opinion est très ambivalente....

Le travail d'auteur est tout simplement remarquable. L'histoire est riche, construite et bien écrite. Les personnages secondaires sont fouillés et s'entremêlent à l'histoire du personnage central. Le travail de recherche et de documentation sur le sujet psychiatrique bluffe le non initié.
Vraiment rien à redire....

Sauf que ce roman de grande qualité m'a laissé un petit goût de "pas assez". Quelque chose qui vous fait dire, et ce malgré toutes les qualités indéniables de celui-ci, qu'il ne restera pas ancré dans ma mémoire.

C'est vraiment dommage. J'ai un peu l'impression d'une injustice. Un peu comme si l'on disait qu'un gâteau n'était pas délicieux sous prétexte que "la" cerise dessus avait été omise. N'empêche...

Après réflexion, il est probable que l'écriture recherchée, précise, utilisant un vocabulaire médical, enlève de la spontanéité et le prive de ce petit charme qui laisse une empreinte indélébile.

Paquerette01 - Chambly - 53 ans - 25 août 2008