Le fugitif
de William Somerset Maugham

critiqué par Aria, le 31 juillet 2008
(Paris - - ans)


La note:  étoiles
Aventures malaises
Le docteur Saunders est médecin à Fu-Chou, en Chine, depuis quinze ans. Il a beaucoup bourlingué, il atteint un âge où l’on se fatigue. Ce praticien britannique est réputé en Asie car il excelle dans le traitement des problèmes ophtalmiques.
Kim Ching, riche négociant chinois qui habite sur la lointaine île de Takana, lui demande instamment de venir l’opérer de la cataracte. Après de nombreuses hésitations, le docteur laisse ses patients moyennant une enveloppe confortable et part soulager Kim Ching.
Mais Takana est une île perdue, à l’écart des routes maritimes. Une fois l’opération accomplie, le docteur s’y ennuie. C’est alors que débarquent deux Blancs aux vêtements fripés : le capitaine Nichols, britannique lui aussi et un certain Fred Blake, homme dont la jeunesse et la beauté sont frappantes, mais qui traîne avec lui une mauvaise humeur constante.
Pour éviter d’attendre trois semaines le prochain bateau, Saunders demande instamment au capitaine Nichols de le prendre à bord de son lougre, malgré l’opposition farouche de Blake que Saunders ne parvient pas à s’expliquer.

Ainsi débute un périple auquel le docteur ne s’attendait pas vraiment.
Le lougre fera escale dans une île hollandaise de l’archipel malais et le trio se liera avec quelques habitants européens.
Qui est Fred Blake ? Pourquoi lit-il si avidement les rares numéros d’une gazette australienne, quand il arrive à se la procurer, avant de la faire disparaître pour que ses compagnons ne puissent en prendre connaissance ?

Somerset Maugham fait preuve de son habituel talent de conteur. Il campe des personnages complexes et nous embarque avec maestria dans ces aventures maritimes plutôt angoissantes.
Ce roman, publié par Maugham en 1932, bien que peu connu, est une petite merveille de roman d’aventures, auquel un personnage féminin ajoute «la» touche qui entraînera deux hommes dans le désespoir.
Le style de Maugham est magnifiquement bien rendu par le traducteur. Ses descriptions exotiques sont très belles.

« Quelques Tamils longs et maigres se glissaient sur la chaussée, et dans leur allure furtive se lisait le mystère d’un lointain passé. Des arbres bordaient la rue et divisaient la lumière du soleil en taches irrégulières sur le sol. Leur chignon piqué d’épingles d’or, des Chinoises en pantalons passaient de l’ombre à la clarté comme des marionnettes sur une scène. Parfois, un jeune planteur hâlé par le soleil, coiffé d’un casque colonial à double visière et vêtu de kaki, avançait du pas rapide de l’homme habitué à parcourir des plantations de caoutchouc. Deux soldats indigènes à la peau bistrée se pavanaient dans leur élégant uniforme. La chaleur s’atténuait, et dans l’air doré flottait une langueur qui semblait inviter à l’insouciance.»

William Somerset Maugham (1874-1965) est un grand auteur britannique dont on ne parle guère plus en France. Voici une occasion de le redécouvrir.

Titre original : «The narrow corner»