La mort du moine
de Alon Hilu

critiqué par Spiderman, le 29 juillet 2008
( - 61 ans)


La note:  étoiles
Discriminations fatales
Un fait historique majeur revisité sous un angle gay est le thème central de ce roman historique couronné en Israël par le prix du Président 2006
L'affaire de Damas est, avec l'affaire Dreyfus, l'un des événements centraux de l'histoire juive du XIXe siècle. Elle demeure un élément de référence actuel vivant dans la mémoire des habitants du Proche Orient du XXIe siècle : feuilleton égyptien récent, publications «scientifiques » syriennes, allusions internationales lorsqu'un enfant palestinien est tué par des balles israéliennes sous les caméras de France 2 le 30 septembre 2000 (affaire Al Doura) sont trois exemples d'exploitation antisémite de ce « fait divers » tragique.
En 1840 à Damas, un moine catholique disparaît sans laisser de traces, à la veille de la Pâque juive.
Les soupçons se portent « automatiquement » sur les Juifs de la ville et un déchaînement de passions religieuses, économiques, politiques va se déclencher sur une ville majeure de l'empire ottoman en déclin.
Alon Hilu apporte une nouvelle vision de ces faits, toujours inexpliqués, même si sur la tombe du père Tommaso, on peut toujours lire qu'il a été « assassiné par les juifs ».
On suit avec un intérêt soutenu une véritable intrigue psychologique, politique et policière avec de rares moments de tendresse et de partage sensuel pour un garçon qui vit comme un handicap insurmontable son attirance pour les hommes.
Dans sa traduction, Emmanuel Moses utilise une langue un peu chantournée, mais fluide et agréable. Le narrateur est Aslan Farhi, qui passant de la première à le troisième personne, se présente comme coupable de ce meurtre. Au coeur de sa confession, une mésestime complète de lui-même, dans un contexte de rivalités séculaires entre les adeptes des trois monothéismes réunis dans une « cocotte
minute » où l'homophobie ambiante est l'étincelle qui va déclencher un déluge antisémite qui atteindra, via leurs délégations consulaires, la France et la Grande-Bretagne et touchera toute la diaspora juive au moment où le sionisme est en train de prendre une forme politique de plus en plus concrète.
C'est un vrai voyage dans le temps et dans l'histoire des mentalités qui est offert au lecteur, une réflexion profonde sur les discriminations croisées, la réalité ou la fiction d'une solidarité entre homosexuels, au-delà des appartenances ethniques et religieuses et la permanence des haines racistes, antisémites ou homophobes.