La foire aux atrocités
de J. G. Ballard

critiqué par B1p, le 22 juillet 2008
( - 50 ans)


La note:  étoiles
Accident Topologique
Il faut le dire d'emblée : ceci n'est pas un roman. Cela ne correspond en fait à aucune forme de littérature clairement délimitée. Ceci est un récit, peut-être, mais qui serait décousu, contradictoire, et dont tous les éléments ne seraient reliés que par des rapprochements psychanalytiques plutôt que par des rebondissements romanesques. Disons que "La Foire aux Atrocités" est un cauchemar éveillé. Et le fait que l'édition ait été préfacée par William Burroughs n'est à ce titre certainement pas innocent.

Pourtant, contrairement à l'auteur de la Beat Generation, Ballard n'aime pas les circonvolutions anatomiques, voire pornographiques. A peine les sécrétions, mais toujours dans une optique où le béton armé l'emporte sur la chair. D'ailleurs, "La Foire aux Atrocités" n'est-elle pas une paraphrase pour désigner le corps lui-même, trop mou, trop dégénérescent pour ne pas être voué aux gémonies ?
Le fait est que les obsessions de Ballard se trouvent ailleurs que dans l'étalement ostensible des corps. Le monde de Ballard semble être une organisation géométrique où se serait figé l'espace-temps, un environnement où les êtres ne seraient que des accidents topologiques n'existant que dans leur relation à l'inconscient ou comme représentation des possibles où se cristallise à un instant précis la triste Humanité.
Dans "La Foire aux Atrocités", donc, des corps sont représentés dans l'espace. Des infirmières en blouse blanche courent sur les parkings déserts au bord de bâtiments en béton armé où des regards les observent à travers des fenêtres métalliques, chargés de haine, d'envies de meurtres, ou au contraire, d'indifférence.
Dans "La Foire aux Atrocités", des complots hygiénistes ou technologiques instillent la méfiance entre les corps représentés dans leurs différentes époques et leurs différents états, plus ou moins vivants ou éveillés.
Dans "La Foire aux Atrocités" affleure la haine du corps qui pourrait échapper à tout contrôle.
Dans "La Foire aux Atrocités", des êtres qu'on suppose revenus de l'espace se meuvent sous le soleil qui les a vu, peut-être, naître, à moins qu'ils ne soient que le fantasme d'un grand Ordonnateur qui aurait, un jour, imaginé leur présence. Mais ils ne sont pas plus réels que les bolides lancés sur les bretelles d'autoroute qui s'écrasent contre les parapets et qu'on expose par la suite dans des galeries d'art lors de grands happenings nihilistes.

"La Foire aux Atrocités", vous l'aurez compris, est extrêmement étrange. Et, il faut bien l'avouer, très peu intéressant. Pour certains, peut-être, il a une portée hypnotique. Pour certains, peut-être, il parle par ses coïncidences glacées, par son réseau de connexions qui trouverait leur image parfaite dans des connexions neuronales existantes ou ayant existé.
Plus prosaïquement, "La Foire aux Atrocités", c'est surtout l'étalement jusqu'à plus soif des obsessions inexplicables de James Graham Ballard. Et il est peu probable que cela puisse parler aux non-fans du Maître.
Personnellement, ce que j'en retire - avec peine, et pourtant on peut dire que je suis fan de l'écrivain -, ce sont, presqu'exclusivement, les notes en bas de page qui donnent un éclairage fugace sur le parcours inconscient ou non de l'auteur : une possibilité d'explication de la constance de ces marottes, mais il faut avouer que c'est bien peu pour aider à maintenir l'attention.
Flashes. 8 étoiles

C'est un livre étrange que celui-ci. Il ne raconte pas une histoire construite, non. C'est un ensemble de... flashes. L'auteur nous entraîne dans des visions, éclatées, sans aucune précision de lieu ou de temps. Le dénominateur commun, c'est qu'on y retrouve des gens célèbres : stars hollywoodiennes, hommes politiques, tyrans, assassins...
Le point commun plus subtil, est le style de Ballard - bien qu'on soit dans une traduction : sobre, détaché, froid, et pourtant il raconte des abominations.
C'est comme si on entrait discrètement dans l'esprit d'un fou, d'un malade, et qu'on y observait ses visions. Un peu comme un miroir brisé, renvoyant dans ses éclats une multitude de reflets, sans pouvoir savoir où se trouve la vérité. Une succession de portraits brossés en très peu de lignes, comme une salve de chevrotines éparpillées. Dense, rapide, bref, et dont on ne repart qu'avec une curieuse impression. Oui, il y a, à force, des lignes qui se dessinent, des thèmes qui reviennent. Mais ça n'est pas un récit construit. C'est juste comme l'intérieur d'un kaléidoscope.

C'est vraiment intéressant. A lire.

Natalia Epstein - - 43 ans - 16 novembre 2015


Etrange 10 étoiles

Un choc, au même titre que "La Machine Molle" de Burroughs, auquel le projet fait penser parfois. Décousu, mais puissant !

Bookivore - MENUCOURT - 41 ans - 24 juillet 2010