Parfum de poussière (De Niro's Game)
de Rawi Hage

critiqué par Aaro-Benjamin G., le 9 juillet 2008
(Montréal - 55 ans)


La note:  étoiles
10,000 mots pour 10,000 bombes tombées sur Beyrouth
L’auteur connait bien le Liban puisqu’il y a vécu neuf ans de guerre civile. Une guerre sale dans un pays déchiré dont les territoires sont convoités autant par les chrétiens, les juifs, les palestiniens et les syriens. À travers les personnages de George et Bassam – deux amis d’enfance devenus adultes – Rawi Hage décrit la cohabitation complexe des gens de la région.

Bassam, le narrateur, rêve de voir Roma. Mais, il se sent attaché à cette terre blessée, peut-être en raison de cette amitié véritable avec George? Les deux compères sont contraints à voler le casino pour se faire un peu de fric. Bientôt, cette guerre les enrôle, volontairement dans le cas de l’un et malgré lui pour l’autre. Machiavel disait « Tout n’est pas politique, mais la politique s’intéresse à tout. » Ce roman démontre comment les seigneurs de la guerre en arrivent à s’approprier le destin de jeunes hommes et voler leur avenir, même lorsque ceux-ci tentent de fuir les milices.

L’aspect ‘thriller’ rappelle un peu Khadra. Et bien que ce bouquin rivalise avec les meilleurs romans d’espionnage, ce n’en n’est pas réellement un. La guerre y est exposée dans toute sa laideur, incluant le massacre de Sabra-Shatila en 1982. Le style de l’auteur est lyrique. Des phrases simples et syncopées. Lorsqu’il veut nous faire vivre une scène comportant un abus de substance, un délire ou de la torture, il entame une sorte de litanie afin de nous plonger dans la tête du narrateur.

Un premier roman compact, fringant et gonflé à bloc. Sous le couvert de l’histoire d’une amitié bafouée, une puissante démonstration de l’irrationalité des conflits armés qui s’éternisent et deviennent… un mode de vie.

(Prix IMPAC international, Prix des libraires du Québec)
- lu en version originale -

En France, chez Denoël, rentrée d’automne 2008.
Au Québec, chez Alto, déjà disponible sous le titre "Parfum de poussière"
Adieu toutous et cabots 8 étoiles

La guerre civile au Liban a opposé les chrétiens aux musulmans. Les deux jeunes protagonistes appartiennent à la faction chrétienne de Beyrouth. Malgré les bombes qui réduisent leur quartier à des amas de poussière, ils tentent de tirer leurs marrons du feu en volant l'argent des machines de jeux ou en vendant de la drogue. Rien ne peut rompre les activités illicites, même quand les attaques sournoises menacent la vie de la population. L'argent n'est pas seulement le nerf de la guerre, c'est aussi celui de la survie.

Ils sont chanceux de s'en tirer à aussi bon compte. L'insouciance de leur âge les porte à défier la fatalité, mais voir leurs parents et leurs connaissances mourir l'un après l'autre en innocentes victimes les amène à se questionner sur leur conduite délinquante. Devant ce conflit qui s'éternise sonne alors l'heure des choix : combattre ou partir. Bassam ne se reconnaît plus dans son pays alors que l'on accourt de partout, en l'occurrence de la Syrie, de l'Afrique, d'Israël pour prêter main-forte aux différents clans. Il devient ainsi indifférent à la cause de la chrétienté libanaise. Dans ce contexte, il ne trouve pas mieux que de fuir sans papiers vers la France tandis que son ami Georges s'engage dans la milice. L'exil n'est pas une panacée. Bassam se retrouve aussitôt dans la lorgnette de ses compatriotes établis à Paris, qui espèrent le convertir à la cause en combattant l'ennemi de l'extérieur. Son destin dépend de nouveau de visées étrangères à sa volonté. Pour protéger son intégrité, il doit revenir à la case départ : quitter ou rester

L'écriture très pédagogique rend limpide les aléas d'une guerre civile vécue au quotidien. L'auteur ne s'arrête pas à la psychologie de ses personnages et aux enjeux politiques qui s'affrontent. Il éclaire plutôt le comportement que l'on adopte en période de crise. Son œuvre ne répond pas cependant à toutes les normes de l'art romanesque. Elle emprunte plutôt la voie de la chronique des incidents qui ont poussé son alter ego à quitter le Liban. Ce récit simple ne manque pas de lyrisme. Les envolées poétiques tissent de longues énumérations pour rendre compte, parfois avec un certain humour, de la vie en accéléré des personnages, obligés, par exemple, d'abandonner leurs animaux de compagnie : " Toutous orphelins, bichons de luxe dressés à être propres, bassets portant prénom français et nœud papillon rouge, caniches frisés au pedigree impeccable, cabots chinois ou génétiquement modifiés, clébards incestueux agglutinés en bandes qui couraient les rues par dizaines, unis sous le commandement d'un bâtard charismatique à trois pattes. "

Moins achevé que La Danse d'Issam de Paule Noyart sur le même sujet ou de Visage retrouvé de Wajdi Mouawad, ce roman de Rawi Hage illustre quand même très bien la folie de la guerre. Né à Beyrouth, l'auteur habite aujourd'hui à Montréal.

Libris québécis - Montréal - 82 ans - 6 août 2014


QUELLE BOMBE!... 9 étoiles

Alors là, disons tout de suite et d'entrée de jeu... quel livre!...
Pour un premier livre c'est une véritable bombe!

Je ne reviendrai pas ici sur l'histoire elle même déjà abondamment commentée sur CL, mais le style de l'auteur, avec ses phrases tranchantes, dures, touchantes, abominables, fulgurantes, magnifiques, inspirées... est absolument à lire, pour découvrir une écriture absolument hallucinante de beauté!...

Croyez-moi sur parole, ce livre vaut le coup d'être découvert et lu, rien que pour la beauté époustouflante de ses phrases et de son écriture.

Et si je ne mets pas 5 étoiles c'est juste dû à la baisse d'intensité entre la première partie (absolument fantastique!...) au Liban et la deuxième partie du livre, quand le héros arrive à Paris, parce que le livre perd ici de sont intérêt et tourne un peu en rond, avec des actions répétitives et une histoire dont on a du mal à suivre l'intrigue, et surtout à y croire!..
Le livre reste malgré tout cela d'un niveau époustouflant!...
Disons aussi pour terminer, et que bien que l'auteur s'en défende, je reste à croire qu'il y a ici une grande part d'autobiographie, notamment dans la première partie!...

Un des meilleurs livres que j'ai lu depuis longtemps!...

Rappelons au passage que ce livre a obtenu le "Petit Nobel" à savoir le prestigieux prix International IMPAC Dublin literary Award en 2008, "coiffant" entre autres au poteau des écrivains comme Yasmina KHADRA, Javier CERCAS ou encore Andreï MAKINE, c'est dire la qualité du livre!..

Septularisen - - - ans - 5 août 2014


Sale guerre 7 étoiles

Il n'y a certainement aucune guerre propre, mais ici l'auteur livre ce que l'on n'apprend pas des guerres : pas de faits d'armes sauf le massacre de Sabra-Shatila qu'on pourrait voir dans les journaux TV bien tranquilles dans notre canapé.
Non, De Niro's Game présente la guerre dans son quotidien le plus laid, le plus triste. Des voisins qui meurent, des appartements éventrés, des trahisons, des meurtres sous couvert de guerre, des désirs de pouvoir, de vengeance...
L'Homme ne sort pas grandi de cette histoire mais je pense que l'auteur, si, car il a su vraiment montrer la guerre telle qu'elle est à des personnes comme moi qui ont la chance de ne l'avoir jamais connue.
Ce n'est pas le meilleur roman de guerre qui soit, mais il vaut le détour et comme les autres, je suis tombée dessus par hasard et remercie d'ailleurs ma bibliothèque de l'avoir mis en avant !

Saperlipop - - 42 ans - 12 janvier 2009


Frères ennemis? 7 étoiles

Je ne peux pas dire que j’ai aimé ce livre, mais je ne peux pas dire non plus que je ne l’ai pas aimé. Ce qui est sûr, c’est que si on ne me l’avait pas proposé, je ne l’aurais sans doute jamais lu et je suis contente de l’avoir fait, car il m’a appris certaines choses sur la guerre du Liban que j’ignorais totalement, étant donné que j’étais une petite fille dans les années 80.

En ce qui concerne le roman proprement dit, je n’ai pas totalement accroché à l’histoire. Pourtant, il se lit assez facilement et n’est pas très long (environ 260 pages)
Au début, le style m’a parfois semblé un peu lourd. Dans les premières pages, chaque substantif est affublé d’un adjectif, ce qui alourdit considérablement la lecture. Mais au fil du roman, cela s’améliore et la narration devient plus fluide.
Ensuite, les personnages sont particulièrement désagréables et antipathiques. Aucun n’est attachant. Je reconnais que le contexte de la guerre n’est pas favorable au sentimentalisme, mais chaque personnage semble faire la course à qui sera le plus vil, le plus violent et sans le moindre remord.
Le dernier reproche que je ferai à “De Niro’s Game” est que j’ai parfois souffert d’ennui au cours de ma lecture, mais dans l’ensemble, ce livre se lit bien.

Vous devez vous dire, à lire ces quelques lignes, que je n’ai pas du tout aimé “De Niro”s Game”. Et pourtant, non. Je ne peux pas dire ça. Même si je lui trouve certains défauts, je lui trouve aussi des qualités. La première, et qui est une qualité cruciale en littérature, est celle de nous surprendre ! Eh oui, j’ai été, et ce à plusieurs reprises, surprise au cours de ma lecture. Rawi Hage parvient à construire son récit de telle manière que le lecteur croit que certains événements se sont passés de telle ou telle façon, pour nous apprendre par la suite que non, que la “réalité” est tout autre. La fin, également, est surprenante. Sans parler des diverses révélations qui émaillent le récit et qui, bien entendu, sont des clés pour l’explication finale.
La deuxième qualité, que j’ai évoquée plus haut, est de nous enseigner quelque chose. Encore une que je trouve non négligeable.

Féline - Binche - 46 ans - 5 octobre 2008


Deux amis, deux destins 10 étoiles

J’ai bien failli ne pas lire ce livre mais le titre m’ayant attiré, bien m’en prit car c’est une histoire vraiment passionnante que nous livre ici Rawi Hage pour son premier roman.

Pour résumer l’histoire, nous sommes à Beyrouth au Liban et la guerre civile fait rage. Les bombes pleuvent sur la ville semant la mort et la destruction. Les habitants tentent tant bien que mal de survivre et de continuer leurs activités quotidiennes malgré le manque d’eau et de nourriture. Bassam Al-Abyad travaille au port et vit avec sa mère dans un immeuble épargné par les bombes pour le moment. Son meilleur ami Georges travaille quant à lui au casino. Les deux jeunes hommes font les quatre cent coups ensemble dont de menus vols et des larcins mais l’escalade de la violence et de la guerre les entraîne dans une spirale de violence qui les emmène à commettre des actes plus graves. Bassam, qui en a assez de cette vie, rêve de quitter le pays pour l’Europe alors que Georges qui ne tarde pas à s’engager dans la milice chrétienne, rêve de remporter la victoire sur le terrain.

L’écriture est dense, nerveuse et dure. En effet, le récit est très dur et l’auteur n’épargne pas le lecteur en décrivant les horreurs de la guerre civile. Une véritable pluie de bombes sème la mort et la destruction parmi la population civile.Je n’en dis pas plus car cette histoire mérite qu’on la lise et qu’on la découvre page après page dans toute son horreur. Je suis ressortie littéralement bouleversée. À lire absolument et de toute urgence !

Plusieurs termes en langue arabe parsèment le récit mais un lexique est inséré en fin de volume.

Rawi Hage qui est né à Beyrouth, a survécu à neuf années de guerre civile avant d’immigrer au Canada en 1992. Il vit à Montréal.

« Georges et moi, on se faufilait dans les embouteillages. On roulait sur les trottoirs, dans les ruelles, au milieu de la voie, d’un côté à l’autre des routes non pavées, soulevant des nuages de poussière qui allait se déposer sur les vitrines ou sur les cuisses lisses et nues des femmes ; tout le monde la respirait, on voyait le monde à travers la poussière laissée par les fossoyeurs, les démolitions, les murs écroulés, les fronts pieux des chrétiens inclinés pour le Jeudi saint. La poussière nous aimait tous de la même façon ; c’était notre amie, la fidèle compagne de Beyrouth. »

« Plus de dix mille bombes étaient tombées et j’étais coincé entre deux murs, face à ma mère qui tremblait comme une feuille. Elle avait refusé de descendre à l’abri tant que je ne l’y accompagnais pas. Moi, je ne voulais rien savoir de me cacher sous terre. Descendant d’une longue lignée de vaillants guerriers, je ne voulais mourir qu’à l’air libre, debout sur la terre avec ses boues fertiles, la chanson du vent dans les oreilles ! »

Dirlandaise - Québec - 69 ans - 29 septembre 2008