Mon petit mari
de Pascal Bruckner

critiqué par Corail, le 27 juin 2008
(Ottawa - 64 ans)


La note:  étoiles
La revanche des pères
" Mon petit mari " égale petit bijou génial.

Comme à son habitude, Pascal Bruckner se donne un coquin plaisir à faire le procès du mariage ou de la vie de couple. Toutefois, il poursuit son accusé avec tant de charme et de souriantes exagérations que même les plus ardents défenseurs de cette institution sacrée le lui pardonneront volontiers.

La toute première page nous souffle le ton de cette allégorie lors de la cérémonie unissant Léon, homme de petite taille, et Solange, une grande rousse plantureuse, en ces termes : " On y voyait un bon présage : enfin la supériorite masculine était mise à mal. "

Mais ce n'est pas uniquement le procès du mariage que Bruckner intente, c'est aussi et surtout celui de l'introduction d'une nouvelle dynamique, la paternité, au sein de cette union. L'auteur n'a pas manqué d'y insérer ce qui constitue pour beaucoup d'hommes toutes les étapes par lesquelles passent les pères.

On peut y discerner, entre autres, la régression de la personae du mari ou conjoint auprès de l'épouse lors de la naissance de chaque enfant.

Plusieurs reconnaîtront aussi les pitreries et galipettes, parfois poussées jusqu'au ridicule, que s'ingénient à réaliser plus d'un père afin d'amuser les enfants et de s'assurer du même coup l'approbation convoitée de la mère.

Le lecteur, sans aucun doute, y distinguera également l'image de la toute-puissante mère, fertile et nourricière source de vie, autour de qui tourne, de qui dépend et sans qui se disloque le mini-univers de la famille. Parmi ces satellites orbitant dans le champ gravitationnel de l'astre maternel, se retrouve, relégué petit à petit au même rang que les enfants, le mari et père. " Solange s'emporta, gifla les quatre enfants avant de les envoyer au lit, expédia Léon dans sa tanière avec interdiction d'en sortir jusqu'à nouvel ordre ". " Quand elle (Solange) le trouva enfin, alors qu'elle éparpillait dehors les miettes de la nappe, Solange le gronda, le consigna dans sa chambre pendant 24 heures ".

Plusieurs autres poudroiements, que nous ne mentionnerons pas, de peur d'en gâcher la lecture pour certains, enluminent cette allégorie et ce, tout particulièrement lors du dénouement.

Enfin, les fans loyaux de Bruckner retrouveront un thème récurrent et fétiche de cet auteur, soit la vénération ou adulation, exprimée avec une espièglerie indéniable, du corps de la femme. Son admiration et souvent, ses longues descriptions du corps féminin qui lassent dans quelques-uns de ses romans, séduisent plutôt dans celui-ci. En cette ère de minceur anorexique, les femmes, pas toutes "parfaites" de forme, s'y voient cajolées, rassurées et entourées douillettement.

Donc, oui à ce roman, pour une lecture légère et truffée d'évidents sous-entendus.
mon père m'a donné un mari. 8 étoiles

Mon père m'a donné un mari.

Nul ne saura pourquoi Léon se mit à rapetisser à la naissance de chacun de ses enfants !
Deux grandes hypothèses peuvent être avancées. Chaque enfant absorbe une telle quantité de besoins qu'il aspire littéralement la matière morale (et dans le cas présent physique) de son géniteur.
L'autre idée serait qu'à chaque nouvel occupant d'une famille, l'homme perdrait du poids dans son rôle de mari au profit du statut de père !
Dans le cas de Léon le figuré a rejoint le réel pour notre plus grand bonheur car ce livre est truffé de bons mots.
Ici l'auteur signe une oeuvre légère avec en arrière plan des situations ciblées et pleines de sarcasme.
je relève que Solange aime donner à ses enfants des prénoms qui commencent par B ! (B comme Bruckner... mais B aussi comme Bartelt qui avait pondu la même idée dans un de ses romans dont j'ai hélas oublié le nom).
Je relève aussi cette comptine pour enfant (vous savez celle où il est dit "Dans mon grand lit je le perdis,
Mon Dieu, quel homme, qu'il est petit !"... où le chat tient un rôle bien particulier.

Ici aussi.

Une après-midi bien agréable !

Monocle - tournai - 64 ans - 12 juillet 2015