Un candide en Terre sainte
de Régis Debray

critiqué par Baader bonnot, le 13 juin 2008
(Montpellier - 40 ans)


La note:  étoiles
une vision pertinente et plutôt objective
Régis Debray est un homme de culture et désire la transmettre sans aucun tabou. A travers ce voyage en "Terre sainte" très enrichissant, il nous montre l'envers du décor, ce que l'on ne voit pas à la télévision ou sous la plume des journalistes spécialistes du Proche-Orient. Portant pour une majeure partie sur le conflit israëlo-Palestinien, il nous délivre des messages alarmistes mais également remplis d'espoir. Mais là où l'on peut critiquer Monsieur Debray, c'est par rapport à l'importance qu'il accorde aux chrétiens d'Orient. Certes, comme il l'affirme, les chrétiens sont un peu des révélateurs de l'état de ces pays car, au moins pour Israël et la Palestine, ils ont un certain recul face aux musulmans et aux juifs. Mais, à mon goût cela fausse un peu la donne par moment car on a l'impression que l'auteur recueille des témoignages de personnes qui ne partagent pas pleinement la vie quotidienne de leurs "compatriotes".
"Un candide en Terre sainte" n'est pas seulement un voyage géographique, les nombreuses références historiques nous transportent également au temps de Jésus. On revit au fil du livre la lente évolution de cette "Terre" où la richesse et l'histoire se sont peu à peu transformés en conflit et bêtise. Il note par ailleurs l'absence de lieux propres à Jésus qui selon lui a influé grandement sur l'implantation et l"imprégnation de la religion chrétienne dans ces lieux. Mais Régis Debray, qui reconnaît ne plus avoir de certitudes avec le temps, met en avant les nombreux paradoxes de ces sociétés instables mais aussi les dilemmes auxquelles elles sont confrontées. Ainsi, comme on aurait tendance à l'imaginer, il n'existe pas une dichotomie bien définie entre peuple Arabe et peuple Juif ou chrétien. Plus le livre nous mène vers les basses couches sociales et plus on s'aperçoit qu'il y a de l'entraide entre ces peuples et que c'est souvent le politique, mêlé au religieux, qui formate les consciences.
Au final, une aventure très enrichissante, dressant un portrait très pertinent du Proche-Orient et de ses problèmes qui apparaissent parfois plus surmontables qu'on ne pourrait le croire. A lire.
un livre honnête 7 étoiles

Le Candide en question, c’est notre Régis Debray national, ex-gauchiste, ex-compagnon de route d’un certain Guevarra et maintenant respectable philosophe athée désenchanté et très vaguement patriote. A la demande de J.Chirac, Debray se retrouve mandaté pour observer sur le terrain comment juifs, musulmans et chrétiens arrivent à cohabiter sur ce petit morceau de planète appelé « Terre Sainte » et quelles pourraient être les perspectives d’avenir de la région. Debray ne pourra pas remettre son rapport au grand gastronome élyséen qui aura quitté les lieux à son retour et se contentera de nous gratifier de ce livre, le plus honnête que j’ai lu jusqu’à ce jour sur la question…
Debray ne se voile pas la face, ne prend pas l’arbre pour la forêt ni les vessies pour des lanternes, il se contente de nous raconter très honnêtement ce qu’il a vu au cours de sa mission. Et cela n’a pas grand-chose à voir avec ce qu’on a l’habitude de nous montrer dans les médias muselés. La vérité qui ne ménage personne est à la fois surprenante, dérangeante et rebutante.
C’est un voyage au bout de la haine ordinaire, recuite et inexorable qui nous amène à nous poser les vraies questions… Par exemple : A long terme, le « vaillant petit état hébreu » sera-t-il encore viable, disons dans 50 ans, pourra-t-il tenir aussi longtemps que le royaume latin de Jérusalem alors que la galopante démographie palestinienne ne peut que le submerger ?
A court terme, la colonisation sauvage et la parcellisation des territoires palestiniens n’interdit-elle pas toute possibilité de véritable création d’un état palestinien indépendant ? On amuse le téléspectateur avec l’expulsion de 800 colons juifs à Gaza alors qu’on en implante 20 000 en Cisjordanie dans le même temps, mais hors caméra.
Les chrétiens de Palestine et du Liban pourront-ils se maintenir encore longtemps vu qu’ils émigrent par milliers chaque année et que personne n’en parle ? Debray fait remarquer que ce sont les seuls qui peuvent permettre un dernier dialogue et empêcher le cataclysme final et personne ne les appuie.
Dans la mesure où il est toujours bon de savoir ce qui nous attend à moyen ou long terme, ce témoignage, à la fois chronique de voyage et méditation personnelle est assez intéressant si l’on fait abstraction des dérives théologico-philosophiques de l’auteur et si l’on accepte son style pour le moins « filandreux »…

CC.RIDER - - 65 ans - 21 juin 2008