L'enlacement
de François Emmanuel

critiqué par Sahkti, le 13 juin 2008
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
"Ha c'est vous"
Ana Carla Longhi est belle, mystérieuse, tourmentée également.
En visite au Belvédère, elle perd connaissance devant le tableau "L'enlacement" de Egon Schiele. Une défaillance qui se déroule sous le regard intrigué et bienveillant du narrateur qui l'accompagne. Est-ce la puissance qui se dégage du tableau? Ou bien le rapport qu'Ana entretien au corps? Voire une plongée trop violente dans des secrets jamais explorés?
Lorsqu'elle reprend pied, elle le voit, lui dit "Ah c'est vous", comme si sa présence était une évidence, comme si ce narrateur dont nous savons peu faisait partie intégrante de la vie de Ana Carla.
L'amour peut alors prendre place de manière brûlante, un peu comme si la force du lien existant entre ces deux-là rendait toute description de cette histoire ardue, presque impossible.

Et François Emmanuel y parvient. Parce qu'il est François Emmanuel. Parce qu'il écrit superbement. Et parce que cette sensibilité des sentiments, elle coule avec fluidité de sa plume tout au long de ses romans.
Travail d'orfèvre, donc, pour décrire la complexité d'une telle relation, pour se glisser dans la peau d'Ana qui entame cette histoire à travers les paroles des autres, pour esquisser la pureté de sentiments lorsqu'ils ne s'expriment que dans une chambre d'hôtel en toute clandestinité.
François Emmanuel réussit à donner une saveur très particulière à une situation pourtant banale: une liaison extraconjugale, les difficultés relationnelles, l'apprentissage des corps... du très connu et déjà vu que tout cela mais voilà, on trouve ici une particularité propre à l'auteur qui fait toute la différence.
Une manière de décrire, de raconter, en longueur et en rondeur, avec élégance, beaucoup de dignité, de la sobriété aussi... bref, autant d'éléments qui rendent son écriture si belle et si riche. Magnifique, oui. Comme le personnage d'Ana Carla. Comme la naïveté de son amour.
Une lecture que je ne peux que vous recommander.
Bien sûr... 6 étoiles

Bien sûr il y a la correspondance corps-texte, le souhait de l’héroïne de nouer une relation qui se situe au-delà du corporel et qui ne satisfait qu’à moitié l’écrivain-narrateur, le goût des voix, les descriptions d’Anna Carla Longhi, l’irruption soudaine de la sexualité par le viol de la jeune fille qu’elle fut et qui, semble-t-il, plombera toute la vie future du personnage. Et aussi le style tout en circonlocutions des phrases emmanuelliennes… Malgré cela, je n’ai pas été capté, charmé, il m’a manqué quelque chose. Certes François Emmanuel nous raconte une relation peu commune mais, en même temps, les atermoiements de l’héroïne rendent compte d’une indécision de l’auteur qui, à mon avis, ne réussit pas le tour de force de sublimer une histoire donnée (avec des thèmes communs : le texte salvateur, la violence) comme dans son remarquable « La Question humaine ».

Des belles phrases, oui, comme celle-ci : « Elle y arriverait en retard, vêtue de superpositions beiges, ton sur ton, comme une mariée désinvolte. »

Kinbote - Jumet - 65 ans - 3 octobre 2008


Un roman tout en nuance... du velouté ! 9 étoiles

L’enlacement est le titre d’une œuvre picturale d’Egon Schiele. C’est plus connu dans le sens d’une étreinte ! Mais les deux acceptions sont ici de mises car elles expliquent l’occasion et les effets de ce titre.
François Emmanuel, cet écrivain belge, psy de profession, a de bonnes références dans la littérature française grâce à La passion Savinsen et La question humaine. Il faut ajouter que, dans la famille, il y a des noms prestigieux : Bernard Tirtiaux, son frère, et Henri Bauchau, son oncle.
Ana Carla Longhi s’évanouit devant une peinture, L’enlacement, au Belvédère à Vienne. Le narrateur, auteur de romans et lecteur de salon court à son secours et puis… une liaison se noue ; une liaison hors du commun, toute en délicatesse, plutôt platonique où le sexe est sublimé. Il se crée entre les deux êtres une passion où l’auteur devient l’écrivain des états d’âme de son héroïne qui se dévoile progressivement. Il la conduit ainsi dans une perspective de rédemption.
Lire des romans de François Emmanuel procure à chaque fois ravissement et rêve. L’auteur suggère les situations et il ne reste plus au lecteur que d’imaginer, de rêver. La langue très pure se répand tantôt en de longues périodes descriptives tantôt en un ramassé qui fait rebondir l’action. Pas de dialogues avec tirets mais l’usage du style indirect permet, dans une ambiance feutrée, d’intérioriser l’expression des interlocuteurs.

Ddh - Mouscron - 83 ans - 11 août 2008