L'Amérique au jour le jour : 1947
de Simone de Beauvoir

critiqué par Béatrice, le 9 juin 2008
(Paris - - ans)


La note:  étoiles
Manhattanick signifiait « l’île de l’ivresse »
A Santa Fe les danses des Indiens, à New Orleans les banlieues des ouvriers du coton, à Reno les salles des jeux, à LA le parc d’attraction désolé, la nuit, à San Francisco la baie bleue et or, à Huston les villas des rois du pétrole, à Charleston les jardins d’azalées et les vestiges du marché des esclaves, à NY le théâtre chinois, les soirées intello, Louis Armstrong à Carnegie Hall, Sidney Bechet dans un petit bar désert.

« Comme j’ai hâte de partir en liberté sur ces routes », avoue-t-elle, avide de tout voir. Au début elle s’émerveille, s’étonne, tâtonne, cherche ses repères, se pose des questions. Dans la deuxième partie elle est à l’aise au point de regretter de partir, ses analyses se font plus denses, ses diagnostics plus pointus.

Tantôt éblouie, tantôt critique : « Washington, cette ville où l’Histoire s’est pétrifiée en ennui ». « Williamsburg (une destination touristique) est une des plus tristes mystifications dont j’aie jamais été victime ». Elle croise du beau monde, explore les bas-fonds (à Chicago, guidée par N. Algren), se penche sur la question noire et sur la condition des intellectuels. Sur les campus universitaires, le goût pour la spéculation, la conscience politique et le débat d’idées sont absents, regrette-t-elle ; les étudiants s’enferment d’une manière très scolaire dans leur spécialité. Même s’ils sont critiques vis-à-vis de certains excès (on est à la veille du Maccarthysme), ils font preuve d’inertie et de fatalisme.

Ca se passe au lendemain de la guerre, les Américains portent de regards condescendants sur la France exsangue. «Mais que pouvons-nous faire pour vous ? Est-ce que nous ne vous envoyons pas assez de lait condensé ? » On dirait qu’ils croient pouvoir régler le sort de l’Europe à coups de boîtes de conserves ». « La France s’amuse à l’Existentialisme ? Un pays économiquement pauvre et qui prétend penser ». Ou bien : « Quand il y aura la guerre entre la Russie et l’Amérique, de quel côté se rangera la France ? Voilà une question que j’ai entendue souvent. »

Ce riche journal de voyage est le fruit d’un séjour de quatre mois, Simone de Beauvoir y faisait une tournée de conférences. Regard pénétrant, discours limpide, le bouquin n’a pas pris une ride. La seule chose qui m’a déplu est la couverture, elle fait vieillot.