Vivre !
de Yu Hua

critiqué par Dirlandaise, le 7 juin 2008
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Le vieillard et son buffle
Premier roman de Yu Hua qui a fait l'objet d'une adaptation cinématographique du réalisateur Yimou Zhang dont le film a été selectionné au Festival de Cannes 1994.

Un jeune homme parcourt la campagne chinoise profonde afin de recueillir des chansons populaires. Il fait la rencontre d'un très vieux paysan accompagné d'un non moins vieux buffle. Le jeune homme engage la conversation et le vieillard ne tarde pas à lui raconter sa vie. Issu d'une famille chinoise propriétaire terrienne aisée, Fugui profite d'une enfance heureuse et privilégiée. Mais, devenue jeune adulte, la passion du jeu s'empare de lui et il ruine sa famille, la précipitant dans la misère et la honte dont elle n'arrivera jamais à se relever. Curieusement, ce malheur sauve la vie de Fugui car la situation politique de la Chine change et tous les riches propriétaires terriens sont emprisonnés, torturés ou exécutés. Notre héros échappe donc à cette rafle mais il n'est pas au bout de ses peines...

Ce livre bien que ne comportant pas un nombre de pages très élevé est une véritable fresque familiale qui s'étend sur plusieurs décennies et met en scène une famille chinoise paysanne qui lutte pour sa survie malgré un grande pauvreté. En effet, Fugui épouse Jiazhen, issue elle aussi d'une famille aisée mais qui doit bien vite oublier le faste d'antan pour se plier au système communiste qui oblige les paysans à fournir une quantité de travail quotidien afin d'accumuler des points de mérite. C'est toute une époque de la vie dans la campagne chinoise sous la férule de Mao qui est exposée par le biais de ce récit touchant de Yu Hua. La vie est dure pour les pauvres que sont devenus Fugui et Jiazhen. Deux enfants naîtront mais connaîtront-ils une vie meilleure que leur parents ?

Un récit magistrale écrit d'une façon simple et extrêmement touchante par cet écrivain chinois que je ne me lasse pas de lire et relire tellement son talent de conteur m'enchante. Yu Hua sait si bien décrire les grandes misères et les petites joies de la vie. Malgré un côté légèrement pessimiste, il conserve un ton joyeux et serein car après tout, c'est ça vivre !

"Les fumées des cuisines s'élevaient au-dessus des maisons du village et disparaissaient dans les derniers rayons du soleil couchant. Les femmes rappelaient leurs enfants à la maison. J'entendis grincer la palanche d'un homme qui passa devant moi, chargé de deux seaux remplis d'excréments. Petit à petit, le calme revenait sur les champs. Les rayons pourpres du couchant s'estompaient à l'horizon. L'obscurité se faisait petit à petit, le rideau du soir n'allait pas tarder à tomber. Immense, la terre s'étendait nue et musclée devant moi. Il me sembla entendre son appel, pareil à celui des femmes cherchant leurs enfants. La terre annonçait la nuit."
une vie chinoise 10 étoiles

Quarante ans de la vie d'un paysan chinois, ayant traversé les épreuves qui ont marqué chaque habitant de l'empire du milieu : la guerre entre communistes et nationalistes, la collectivisation forcée, la grande famine de 1961 et la sinistre révolution culturelle. Quarante années de privations mais aussi de joies, vues à travers le prisme d'un "naïf", Fugui, qui ne cessera de s'adapter à toutes les vicissitudes de la vie, de rebondir face aux malheurs qui frapperont successivement toutes les personnes chères à son cœur. On pleure beaucoup à la lecture de ce récit, rapporté par un jeune étudiant parti dans la campagne chinoise à la recherche de chansons populaires, selon le procédé narratif cher à Stefan Zweig. Mais le ton est vrai et les petites joies de ces êtres si accordés l'un à l'autre rendent le récit attachant. Un véritable cri d'amour pour le peuple chinois, avant la fuite en avant de l'ère Deng Xiaoping.

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 21 juin 2015


Une leçon de vie 7 étoiles

Fugui, enfant gâté et unique héritier d’une riche famille, dilapide sa fortune au jeu. Condamné à la dure vie des paysans chinois, il apprend bien vite l’humilité et tire la leçon de ses errements pour prendre en main son destin et celui de sa famille. Paradoxalement cette déchéance le sauve quand survient la Révolution chinoise puisqu’il n’est pas dans le camp des riches propriétaires. Avec sa femme dont l’amour inébranlable le soutient, ses enfants puis son petit fils, il va traverser le siècle et subir la Révolution culturelle, la famine, la bureaucratie, la maladie, les morts.
Avec force et résignation, Fugui continue à lutter et trouve l’énergie et l’optimisme de rebondir dans cet univers de cruauté stupide et de désespoir. Contrairement au héros du Pousse pousse de Lao She, il garde la capacité à goûter aux plaisirs simples pour que la déchéance sociale ou physique ne devienne pas une déchéance morale.

Romur - Viroflay - 51 ans - 17 mars 2012