Cris dans la bruine
de Yu Hua

critiqué par Dirlandaise, le 2 juin 2008
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Enfance à Nanmen
Un jeune garçon devenu adulte raconte ses souvenirs d'enfance et d'adolescence au sein d'une famille marquée par le comportement violent et fantasque du père. Difficile de résumer ce récit car ce sont des bribes de souvenirs, des petits bouts de vie narrés sans tenir compte de la chronologie. L'écriture de Yu Hua est toujours aussi lumineuse et agréable à lire et ses talents de conteur m'ont encore une fois séduite. Les thèmes de la famille et des relations entre ses membres, de l'amitié et de l'amour naissant forment la trame de cette chronique pour le moins mouvementée. Tout est raconté à travers les yeux d'un enfant qui observe son environnement d'un regard critique et qui découvre la dureté de la vie et surtout la lacheté, la cruauté et la brutalité de l'être humain envers ses semblables.

La famille du narrateur se compose du père, de la mère et de trois fils. Le père a un caractère instable et parfois, il se laisse aller à la violence physique envers son fils et aussi envers son propre père devenu un vieillard incapable de travailler donc considéré comme un parasite. Certains passages sont très durs. Notre jeune garçon doit supporter ce père qui boit et trompe sa femme avec la prostituée du quartier. À l'âge de six ans, il est vendu à un couple sans enfants dont la femme est obsédée par le peur de l'humidité et qui frôle la maladie mentale. Il restera six ans avec eux avant de devoir réintégrer sa vraie famille. Il se fera deux amis à l'école primaire qui finiront par le trahir honteusement.

C'est la vie ordinaire qui est racontée avec ses petits drames, ses mesquineries, ses moments de court bonheur, ses angoisses, ses trahisons. La fin comporte un évènement spectaculaire qui viendra influer sur le destin de cet enfant extrêmement sensible et attachant, considéré comme pas grand chose par son père et qui souffre cruellement du manque d'amour et de chaleur humaine.

Un très beau récit déployé d'une façon simple et harmonieuse par l'écriture talentueuse de Yu Hua.

"À cet instant, je vis distinctement son visage qui avait subi les ravages du temps et dont les rides apparaissaient nettement. Quand elle posa sur moi son regard qui avait perdu sa fougue juvénile, ce fut comme si une poussière sombre flottait vers moi. Elle se détourna et marcha vers le puits, exposant sans pitié à ma vue ses fesses tombantes et sa taille épaisse. Ce fut à ce moment que je m'éloignai. Le chagrin qui me submergeait n'était pas dû à ma disparition de la mémoire de Feng Yuqing, mais plutôt au fait que pour la première fois, j'assistais de mes propres yeux au cruel flétrissement de la beauté."