Dagon
de Howard Phillips Lovecraft

critiqué par Bookivore, le 22 mai 2008
(MENUCOURT - 42 ans)


La note:  étoiles
Le monument lovecraftien
30 nouvelles plus ou moins longues, presque toutes sensationnelles, et écrites entre 1905 (alors que Lovecraft avait 15 ans ! C'est sa première nouvelle) et 1937 (année de sa mort). On retrouve ici toutes les obsessions lovecraftiennes, et pas mal de grands classiques du Maître de l'horreur moderne : "Herbert West, Réanimateur" (qui inspirera Stuart Gordon pour les films "Réanimator"), "Dagon", "Les Chats d'Ulthar", "Polaris", "Les Autres Dieux", "Céléphaïs", "La Quête d'Iranon", "Le Livre"...

Les adorateurs de Ctuhulhu, la créature informe et cultissime que Lovecraft a inventé, seront déçus de ne rien trouver le concernant ici. En revanche, il est fait mention du fameux (et fictif) "Necronomicon" de cet 'Arabe fou' Abdul Al-Hazred ("Le Descendant"). Un livre absolument terrifiant que ce "Necronomicon", heureusement qu'il n'existe pas !

Ce recueil de nouvelles est vraiment sublime, même si le style lovecraftien est un peu vieillot par endroits. Il n'empêche, un livre que je conseille à tous les amoureux d'horreur, de Fantasy, et à tous ceux qui veulent découvrir Lovecraft. "Dagon" est nettement plus accessible (mais tout aussi réussi) que le cycle de Ctuhulhu...
L'horreur indicible 6 étoiles

Le recueil contient une trentaine de nouvelles, dont Herbert West qui a donné naissance au film d’horreur culte Le réanimateur. Il y a des histoires que j’ai adorées, mais ce n’est pas mon recueil préféré du maître de l’angoisse et de l’innommable.

J’ai eu un malaise pour les relents racistes de certaines nouvelles (La rue, Red Hook, Juan Romero...), je sais que l’auteur était xénophobe, mais me semble que ce n’est pas aussi perceptible et transparent dans ses autres recueils. En lisant Lui (où il jette son venin sur New York), je me disais que Lovecraft n’aurait pas été fan de West Side Story.

« C’était des étrangers trapus et basanés, avec des visages durs et des yeux étroits, des étrangers rusés, sans rêves et fermés à ce qui les entourait. Ils n’avaient aucun point commun avec l’homme aux yeux bleus de l’ancien peuple des colons, qui gardait au fond du coeur l’amour des prairies verdoyantes [...] »

On peut trouver ça révélateur de l’homme qu’il a été, mais je le lis pour me faire rêver, pour vivre de l’angoisse, pas pour ça.

La nouvelle que je m’attendais à plus aimer, Herbert West réanimateur, a été un désastre. C’est long, ennuyeux et c’est plein de répétitions à chaque chapitre pour bien nous rappeller ce qui s’est passé il y a quelques pages... ça a été publié en feuilletons dans une revue et ça paraît. D’ailleurs, j’ai lu que Lovecraft lui-même détestait cette nouvelle qui n’avait été motivé que par les cinq dollars qu’il recevait par épisode, qu’il n’aimait pas écrire une fin à suspense pour chaque car c’était contraire à ses méthodes de travail.

Enfin, il y a quelques nouvelles qui m’ont vraiment fait frémir. La nouvelle que j’ai aimé le plus est Dans les murs d’Eryx, écrit conjointement avec Kenneth Sterling, un suspense haletant où un homme se perd dans un labyrinthe de murs invisibles construit par des extra-terrestres sur une planète dont les terriens pillent les ressources et tuent les habitants sans scrupule. Génial !

Belle prose, mais ça a été une lecture pénible par moments et j’ai été surprise de la xénophobie à peine camouflée. Reste que je ne regrette pas et que ça en a valu la peine pour les quelques nouvelles que j’ai aimées. Je recommanderais d’autres oeuvres avant, comme Les montagnes hallucinées.

Nance - - - ans - 3 décembre 2013


Le meilleur de la prose poétique de Lovecraft 9 étoiles

Les nouvelles de ce recueil sont pour l'essentiel antérieures à l'écriture des grands textes (L'appel de Cthulhu, La couleur tombée du ciel, Les montagnes hallucinées, etc.) et s'inscrivent, pour la plupart d'entre elles, dans la période "Lord Dunsany", marquée par l'onirisme fantastique. La prose de Lovecraft y est souvent poétique. Elle célèbre le merveilleux et l'étrangeté des rêves, évoque des ailleurs plus beaux et désirables que le monde contemporain, laid, morne et corrompu. Souvent, il y a un personnage unique et solitaire (on sent parfois que Lovecraft songe à lui, perdu dans New York...), qui fuit le monde et accède par l'art, la poésie et/ou le rêve, à un autre univers s’apparentant à une sorte d'univers fantasmé à partir de la Grèce antique et de la campagne anglaise, qui alimentent les rêves d'harmonie et de beauté de Lovecraft. Je songe ici à des nouvelles rédigées comme de longs poèmes narratifs en prose : Céléphais, La quête d'Iranon, La poésie et les dieux, Azatoth, Le bateau blanc, etc.
Certes, comme le soulignent les deux autres critiques, l'horreur et le macabre sont aussi présents dans le recueil, qui contient les prémisses des textes "cthulhiens", où l'angoisse se fait quasi métaphysique. Lovecraft concevait le réalisme fantastique comme une prise de position par rapport à l'univers et cherchait à développer un climat d'inquiétude universelle (au même sens que Kant oeuvrait à définir une éthique universelle) qui ferait sens pour toute intelligence, fût-elle non humaine, confrontée à la finitude de sa condition dans l'espace et le temps. C'est ce sentiment omniprésent de déréliction et cette volonté de dire l'indicible qui donnent à la prose de Lovecraft une dimension poétique qui la hisse au-dessus de toute la littérature fantastique. Dans les nouvelles de Dagon apparaissent clairement la sensibilité d'écorché vif de Lovecraft et les signes précurseurs des grands textes à venir. A lire absolument.

Eric Eliès - - 50 ans - 1 janvier 2012


Florilège sinistre 8 étoiles

Ce recueil d'environ trente nouvelles constitue un aperçu significatif de l'univers de Lovecraft, qui oscille entre l'onirique et l'horrible. La datation des nouvelles permet de constater l'évolution de l'approche de Lovecraft qui tend au fil des années à associer l'horreur et l'inexpliqué.

Fa - La Louvière - 49 ans - 9 septembre 2009