Sonja à la fenêtre
de Larry Watson

critiqué par Sahkti, le 15 mai 2008
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Croisement de destinées
Il est de ces destins qui vous poursuivent jusqu'à la dernière page et bien au-delà. De ces êtres dont la vie vous colle à la peau et dont vous vous sentez tellement proches qu'ils semblent faire partie de vous.
Ce talent de la proximité, Larry Watson le possède indéniablement et ce n'est pas Sonja, Henry, Ned ou Harriet qui pourront le démentir, êtres de papier devenus palpables en quelques lignes, quelques pages; dont les vies meurtries composent la symphonie humaine de ce magnifique roman.

Sonja et Henry sont mariés. Harriet et Ned également. Ned est un artiste peintre de renom, Henry est cultivateur de pommes. Harriet est habituée aux frasques de son mari, il la trompe au bénéfice de l'Art. Henry a beaucoup plus de mal à accepter que sa femme se mette un jour à poser, nue, pour Ned. Entre temps, des drames ont eu lieu. La mort de John, petit garçon de Henry et Sonja. L'abandon de toute force de vie chez Henry. La présence oppressante de Ned. Le besoin de gagner sa vie. L'envie de s'oublier.

Ces destinées brisées nous sont racontées avec beaucoup de sensibilité, de sobriété également. Larry Watson effectue des aller-retours dans les existences de chacun, passé et présent, une voix et ensuite une autre. Ce mélange doux-amer permet de brosser une vaste fresque mélancolique, teintée de beaucoup de souffrance et de pas mal d'amour.
Larry Watson est un auteur de la durée, des vastes étendues, tant géographiques que temporelles. Il excelle sur le long parcours, prenant le temps de poser personnages et décors, soignant son lecteur pour qu'il l'accompagne aisément dans les méandres de ses histoires.

Je me suis plongée avec plaisir dans ce récit et j'en suis ressortie, émue, admirative devant son talent et la force de son histoire. Un livre que je vous recommande les yeux fermés!
pose en prose 7 étoiles

À la manière d'un mauvais tableau, l'écriture aurait pu être plate, sans relief. Les couleurs et artifices d'un paysage nord-américain n'y auraient rien changé. Les techniques littéraires ne parviendraient pas à dépasser l'encre que l'auteur Larry Watson s'appliquerait à lier ou délier. Insatisfait, l'écrivain installerait sans cesse sur son bureau une nouvelle feuille blanche pour capter ne serait-ce qu'un détail des sentiments de Sonja son héroïne.

À la manière d'un mauvais récit, la peinture aurait pu être plate, sans relief. Les couleurs et artifices d'un paysage nord-américain n'y auraient rien changé. Les techniques picturales ne parviendraient pas à dépasser la couche de vernis que l'artiste Ned Weaver s'appliquerait à étendre. Insatisfait, le peintre installerait sans cesse sur son chevalet une nouvelle toile pour capter ne serait-ce qu'un détail du corps de Sonja son modèle. Le détail est ombre, le détail est profond. Elle pose pour son voisin depuis que Henry son mari, a subit un traumatisme suite à une chute de cheval, et la perte accidentelle de leur petit garçon John.

Car Sonja, cette Norvégienne, porte le mystère en elle ; celui que le peintre saisit seulement s'il ose traduire l'absence au bout de son pinceau ; le mystère que l'écrivain tente de transcrire entre les lignes, les sentiments forgés par cette femme toute en nuances. Pour l'un et l'autre, la réussite s'opère au cours d'une vie, au fil du livre.

Qu'un trait retienne la lumière, qu'un mot suscite l'imagination et voilà que l'insignifiance d'un tableau réaliste absorbe l'esprit, et voilà s'opérer page après page la magie du roman.
Larry Watson est un artiste, Sonja à la fenêtre sa réalisation.
Un ouvrage agréable, une histoire originale.

Que cette approche vous invite à découvrir François Cheng le dit de Tianyi, et vous toucherez du doigt la maitrise de l'art.

Bertrand-môgendre - ici et là - 69 ans - 7 novembre 2008