Gargantua
de François Rabelais

critiqué par Bookivore, le 15 mai 2008
(MENUCOURT - 42 ans)


La note:  étoiles
Gargantuesque !
Oui, je sais : le titre de cette chronique n'est vraiment pas original. Mais je n'en vois vraiment pas d'autres. Car ce second roman de Rabelais, suite (sans en être une, vous allez bientôt voir pourquoi) de "Pantagruel", est vraiment grandiose et imposant.
Ne vous fiez cependant pas à la pagination : comme pour les autres rabelaiseries éditées chez Folio, on a ici une page de texte accompagné d'une page d'annotations (gauche : annotations, droite : texte). Par conséquent, et en y retirant les préfaces et dossiers, on se retrouve avec 300 pages de roman, ce qui est peu.

"Gargantua" est encore plus too much que "Pantagruel". Le roman raconte la 'vie trèshorrificque du grand Gargantua, père de Pantagruel' (titre du livre). Oui, ce livre aborde donc les évênements antérieurs à ceux de "Pantagruel", c'est une sorte de préquelle, en gros.

Dire de ce roman qu'il est grandiose serait le sous-estimer gravement. Il est plus que grandiose : il est tout simplement chefdoeuvresque (ne cherchez pas ce mot, je viens de déposer le brevet). Je le conseille à tous ceux qui désirent plonger dans un grand bac de fantaisies, de paillardise, de bonne humeur.
Par contre, étant donné qu'il est, comme les autres romans, écrit en vieux français, c'est assez difficile à lire de nos jours. Comme Jean-Charles de Fontbrune le disait à propos des "Centuries" de Nostradamus, écrit dans ce même vieux français, 'qui, aujourd'hui, est bien capable de lire dans le texte du vieux français, je vous le demande, pas grand monde'.

Avec "Gargantua", on découvre la vie d'un géant hors du commun, papa d'un autre géant hors du commun. Ce sera la seule vraie incursion dans la vie de Gargantua, vu que les livres suivants ("Le Tiers Livre", "Le Quart Livre", "Le Cinquième Livre") seront basés sur Pantagruel.

Un monument truculent. Faisz ce que vouldra...
Car grand tu as 6 étoiles

Comme tout élève sérieux, j'ai étudié les écrits de François Rabelais (Pantagruel et Gargantua) et autres auteurs du XVIè siècle en classe de seconde. Mais étudier n'est pas forcément lire, je m'étais contenté des extraits du Lagarde et Michard… J'ai donc entrepris la lecture de ces classiques de la littérature française.
Or, me voici quelque peu désappointé. Il est indéniable que ces romans ont été révolutionnaires à leur époque, sans doute plus que n'importe quel autre écrit par la suite. Il était hautement risqué de publier ces livres iconoclastes (qui rompaient radicalement avec tout ce qui avait été écrit précédemment) dans le carcan très catholique apostolique romain de la France tout juste post moyenâgeuse. Mais pour un lecteur adulte du vingt-et-unième siècle, seul l'intérêt archéo-littéraire ressort. Les récits semblent maintenant un peu fades, ennuyeux, et répétitifs. Et encore, possédant une version bilingue (Français moyen / Français moderne), j'ai lu la version en langue ancienne, ce qui ajoutait de la truculence. Bien m'en a pris d'ailleurs ! Les Éditions de Londres se targuent d'une nouvelle traduction originale (2014)... Elle est pour le moins souvent incongrue : il faut être complètement samuelétiennisé (stade dépassant la paul-lousulitzérisation) pour traduire la très compréhensible phrase "Gargantua consulta ses gens" par la psittacique "Gargantua échangea avec ses gens" et la non moins évidente "Gymnaste se offrit d'y aller" par l'erronée "Gymnaste s'offrit pour y aller" !!! (je me contente de ces deux exemples significatifs !). Mais comme le dit si bien Rabelais, "A cul de foyrard* tousjours abonde la merde."
* foireux…

Homo.Libris - Paris - 58 ans - 5 décembre 2021


Le gigantisme rabelaisien 10 étoiles

Rabelais enchante et amuse son lecteur grâce à cet univers de géants qu'il a créé. Gargantua est fils de Grandgousier et de Gargamelle et sa naissance est déjà exceptionnelle et parodique. Ses premiers mots sont une invitation à boire et donnent le ton du roman. Comme cela est précisé dans le prologue, il faudra aller au-delà des apparences, comme le soulignent les nombreuses métaphores utilisées dans ces indications adressées au lecteur et "sucer la substantifique moelle". Derrière ces multiples scènes parodiques, amusantes et démesurées, de multiples réflexions peuvent être tirées.

Dans "Gargantua", nous suivons donc ce fils de Géant, lors de ses deux éducations, la première sophiste critiquée, la seconde humaniste et défendue par l'auteur. Puis nous le suivons dans de nombreux épisodes célèbres comme la guerre picrocholine ou cette abbaye de Thélème utopique qui permet de défendre certaines valeurs et de montrer un monde vers lequel nous pourrions tendre. Les épisodes s'enchaînent rapidement et divertissent le lecteur tant l'imagination de l'écrivain est débordante. Chaque chapitre possède un titre explicite qui annonce la programme des pages que le lecteur lira et rappelle certains textes médiévaux qui avaient aussi cette structure. Cela ne déflore pas pour autant cette oeuvre romanesque qui se lira avec autant de plaisir.

Rabelais amuse son lecteur par ces scènes excessives et son humour scatologique, mais Rabelais était médecin et n'hésite pas à évoquer les fonctions premières du corps comme les allusions à la digestion car ce corps nous est bien nécessaire pour vivre. Il n'y a donc aucune gêne à le convoquer et à en rire parfois comme ces abus de nourritures faits par Gargamelle qui vont déclencher son accouchement. Il y a aussi cette réflexion sur l'éducation qui invite à avoir un esprit sain dans un corps sain. Ce dernier n'étant pas secondaire ! Mais derrière cet humour farcesque parfois, le lecteur trouvera aussi des clins d'oeil faits à la littérature comme toutes ces scènes parodiques. Celle avec Frère Jean est très réussie et ne peut être pleinement appréciée que si le lecteur voit quels sont les textes qui ont servi à construire cette scène vive et amusante. Cette oeuvre reflète aussi la pensée humaniste à de nombreux égards, pensée qui se nourrit des textes antiques et qui prône certaines valeurs sans tomber dans une réflexion naïve. Les interrogations sur la guerre en seraient un parfait exemple. Et puis le lecteur perçoit le goût de l'auteur pour la culture et les savoirs : certains penseurs sont convoqués et l'on voit combien les divers arts sont importants pour construire un homme instruit et bien ancré dans son siècle.

Le rire fait donc partie intégrante de cette oeuvre romanesque et n'exclut absolument pas un enseignement.

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 17 avril 2021


Un roi glouton mais un sage philosophe 10 étoiles

Ce géant glouton à la tête de son royaume est porté vers l'humanisme et la soif de connaissances, et non pas seulement de ses oniriques beuveries. En-dehors de ses banquets gigantesques, il fait preuve de sagesse et de pondération, de curiosité et d'ouverture d'esprit. Et c'est cette morale, venue au passage d'Italie où elle est née au Moyen-Age - l'humanisme - , qui lui permet de vaincre le roi Pichrocole, mesquin roitelet fulminant d'ambitions malvenues et de querelles infondées, auxquelles il a fini par donner son nom.
Ce roman relève à la fois de la farce comique que de l'essai philosophique, le mélange des genres étant parfaitement assumé et faisant briller l'auteur dans ces deux domaines, opérant d'une pierre deux coups. Cette oeuvre me fait passer un très bon moment, pour chacune des deux natures qui la composent, pour y rire allègrement et pour être rasséréné d'y méditer des pensées tout à fait plaisantes.

Veneziano - Paris - 46 ans - 6 février 2021


Mythologie française 10 étoiles

Il y a des livres qui font date. Tel est le cas de Gargantua de François-Rabelais.
Écrit en 1534 cette œuvre est toujours lue à notre époque. Je conseille la version comprenant une page avec le texte original et l’autre comprenant sa traduction en français moderne.
Gargantua est une composante de la mythologie française.
Il s’agit de ce géant glouton, bonhomme et jovial, fils de Gargamelle et de Grandgousier. Le nom « Gargan » proviendrait d’un ancien Dieu gaulois.
Trois parties composent le récit : tout d’abord, la naissance, l’enfance et l’éducation de Gargantua (avec son célèbre précepteur Ponocrates).
Puis, arrive la guerre Picrocholine.
Enfin, le texte se termine par la création de l’abbaye de Thélème. Établissement utopique, à rebours des autres, et dont la devise était « fait ce que tu voudras ».
Avec Gargantua, on rencontre quelques personnages savoureux comme les Ducs de Tournemoule, et ceux de bas-de-fesses et de minables. Nous avons aussi le prince de Gratelle (Galeux) et le vicomte de Morpialle (de Morpionnie), ainsi que le prince de Merdaille…
Outre l’histoire, drôle, graveleuse voire même scatologique, Gargantua est un chef d’œuvre de la langue et du style.
Je retiens ici quelques exemples amusants :
Comme dit le proverbe : « à cul foireux, toujours merde abonde ».
Ou encore : « n’est-ce pas mourir en joyeux drille que de mourir la quille raide ? » Qui peut encore s’écrire : « n’est-ce pas falotement mourir quand on meurt la caiche roidde ? » Ou bien encore « qui de nonnain jouit meurt en tendant le vit ? ».

Chene - Tours - 54 ans - 22 mars 2014


3 étoiles! 6 étoiles

Gargantua est un roman écrit par Rabelais qui vient juste après Pantagruel (bon opus que j'avais plus apprécié que ce second volet où on nous conte l'histoire du père de Pantagruel, Gargantua). L'intrigue est relativement fouillée mais est de toute façon utilisée comme un prétexte, une base servant à l'auteur pour développer son point de vue et prenante de manière très aléatoire (l'histoire en elle-même ne m'a pas vraiment intéressé, ce sont plus les thèmes traités qui ont éveillé ma curiosité), peu innovant en effet c'est plus dans l'alternance des registres que Rabelais innove. On passe du registre parodique avec une stigmatisation acerbe de la Sorbonne à un registre proche, la satire qui permet de se moquer ouvertement de ses adversaires grâce à un comique grotesque, d'amplification. Ces deux registres entraînent la polémique avec la critique de l'Eglise. Il me semble que c'est dans cet oscillement entre plusieurs registres que résident l'intérêt de ce livre. Car le style de l'auteur avec ses longues phrases descriptives n'évite pas la lourdeur mais on notera qu'il a un style particulier tiraillé entre sophistication et langage familier. Ce roman est efficace donc dans le fond, dans la dénonciation mais la forme est plus discutable cet humour décalé, grotesque, d'une infinie lourdeur ne me fait pas rire du tout. Et puis les invraisemblances certes voulues finissent à la longue par lasser et rejoignent un peu une sorte d'hermétisme. Un livre donc correct, baroque dans le fond comme dans la forme, humaniste dans sa doctrine, intéressant donc mais parfois redondant.

Js75 - - 41 ans - 4 mai 2012


Une nouvelle édition pertinente & illustrée 10 étoiles

Qui ne connait pas Gargantua ? Géant mythique de la littérature créé par Rabelais. Au 16ème siècle, l’auteur écrit l'ouvrage en mêlant rêve et réalité, ainsi, sous forme de chroniques, on découvre les aventures de Gargantua.

La maison d’édition nancéienne, Au fond du grenier, nous propose des morceaux choisis, tirés du roman de Rabelais, accompagnés d’illustrations de Mr Tifabar. Ce mélange détonnant crée un contraste loufoque et surprenant, et permet au lecteur de redécouvrir la légende de Gargantua. En effet, on perçoit d’emblée le parti pris de moderniser le récit à l’aide d’illustrations contemporaines qui abordent les thèmes de la robotique, la mécanique ou encore des monstres. De plus, la mise en page très souple, où la forme du texte s’adapte aux illustrations, confirme cette volonté d’originalité qui est en parfaite adéquation avec la fantaisie Rabelaisienne.

Ce livre est un régal tant par sa qualité textuelle que par la modernité de ses illustrations qui traduisent la violence des descriptions de l’auteur ainsi que sa truculence.

Saranthe - - 35 ans - 20 avril 2010


Pour lecteurs aguerris 6 étoiles

J'ai clos récemment le Gargantua de François Rabelais, que d'aucuns considèrent comme son chef d'oeuvre. N'ayant pas lu les autres, je pense notamment à Pantagruel (ndlr: le fils de Gargantua pour la petite histoire), je n'ai guère de point de comparaison, mais je veux bien le croire.

Dans son style, l'ouvrage est unique, et je retiendrai notamment l'impressionnant talent de conteur de Rabelais. Les descriptions sont très précises, mais toujours énoncées avec légèreté. En fait, le récit transpire de spontanéité et de fraîcheur. On a l'impression que l'auteur nous balance les phrases comme elles lui arrivent dans le cerveau, et c'est précisément ça qui est bluffant parce qu'une fois couchées sur le papier, elles ont l'air de tout sauf d'une version brouillon.

Je pense que cette impression est principalement liée à la nature des idées, modérées mais sans fioritures ni concessions, que Rabelais souhaitait faire passer à travers ce conte, véritable ode humaniste et épicurienne.

N'en déplaise toutefois à ce génie incontestable de son temps, je ne peux conclure sur une note 100% positive. J'ai essayé d'objectiver un minimum ma critique, mais de mon point de vue personnel, le plaisir n'a, durant cette lecture, pas toujours été à son comble. Très honnêtement, et très humblement surtout, je crois que je suis passé à côté de quelque chose.

J'ai fait l'erreur, par péché d'orgueil sans doute, de vouloir lire Gargantua dans le texte exclusivement. Autant la version en ancien français vaut son pesant de cacahuètes (certains passages sont tordants de rire précisément grâce aux tournures et à l'emploi de certains mots aujourd'hui désuets), autant s'en contenter sans avoir en soutien une version traduite en français contemporain s'est avéré extrêmement audacieux, et au final, pas très payant. Mon édition ne mentionnait que du paratexte, parfois vaseux, ce qui ne s'avéra pas suffisant. Car même si l'on comprend généralement les idées énoncées, il n'en reste pas moins que l'on bute sur les mots en permanence. Bref. A ma grande surprise, j'ai constaté que lire l'histoire d'un mec qui se torche dans des rideaux et passe son temps à boire du pinard, ça n'est pas de la tarte, loin s'en faut.

Une lecture que je qualifierai de "high level". Et qui m'a rendu modeste.

Allez, je termine sur une petite citation qui me fait pouffer à chaque fois, c'est quand Rabelais décrit l'éducation de Gargantua et les exercices physiques que son précepteur lui fait faire:

"Quoy? Ne ay je faict suffisant exercice? Je me suis déjà vaultré six à sept tours parmi le lict davant que me lever. Ne est ce assez?"

C'est dingue, ce Rabelais a vraiment trop copié le style d'expression de Jacquouille la Fripouille dans Les Visiteurs! Je cours de ce pas prévenir Monsieur Sarkozy pour le plagiat dont Christian Clavier vient d'être la victime.

Megamousse - - 41 ans - 19 août 2009


un gargantua ? un gros mangeur 10 étoiles

C'est marrant que la définition du dictionnaire (le Robert) ne retienne que cet aspect de l'oeuvre. Gargantua est un géant alors forcément, il mange plus que nous.
Dans ce livre, tout est dans la démesure aussi bien dans la nourriture que dans les batailles. La scène de combat mettant en valeur Jean des Entommeurs (qui défendait ses vignes contre l'envahisseur) est succulente (je suis tombée dessus à l'oral du bac français) et remplie d'humour. Les membres sont arrachés, le lecteur a les détails du massacre. C'est tellement surréaliste que ça ne peut que faire rire. J'adore ce passage. On voit une énumération de verbes d'actions, des gros plans, des arrêts sur image digne des films à gros budgets actuels (je vais dire dans la même lignée que 300 peut-être).
Il faut quand même voir un autre discours derrière cette histoire. L'auteur fait quand même un éloge de l'humanisme (déjà commencé dans Pantagruel) contre le moyen âge. Même si c'est amusant, on n'évite pas certains clichés. L'éducation était aussi importante au moyen âge (les arts libéraux étaient très importants), la période n'était donc pas si sombre que ça.

Alouette - Seine Saint Denis - 39 ans - 3 novembre 2008