Gargantua suivi de Pantagruel (Livre + 1CD audio)
de François Rabelais, Nicole Claveloux (Dessin)

critiqué par Shelton, le 13 mai 2008
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Découvrir Rabelais et l'aimer, est-ce possible ?
Il y a quelques jours, quelqu’un m’a dit tout le mal qu’elle pensait des aventures de Gargantua. Elle se souvenait qu’il n’était question que de grossièretés, de crotte et de caca, de beuveries et autres cochoncetés… Je ne lui en veux pas car c’est souvent l’image qu’a cet auteur auprès des lecteurs qui n’ont pas été initiés à Rabelais par un véritable lecteur…
Moi, aussi, durant des années, j’ai cru que le chapitre XIII de Gargantua n’était qu’un truc cochon : pensez donc, comment Grandgousier aurait-il pu mesurer l’intelligence de Gargantua à l’invention d’un torche-cul ? Ce morceau me faisait rire, avouons-le, mais je n’en percevais pas encore la profondeur. C’est grâce à mon père qui m’a mis en main très rapidement la version complète des cinq livres de François Rabelais, que j’ai pu progressivement dépasser ce niveau « pipi-caca » et comprendre que Rabelais était, avant toute chose, une réflexion sur l’éducation, la liberté religieuse et la politique.
Restait à savoir comment le faire passer aux jeunes lecteurs ! Le programme officiel de littérature prévoit de parler de cet auteur en classe de cinquième (en tous cas en France). Une fois, en discutant avec une amie professeur dans ce niveau, nous avons parlé de Rabelais un auteur dont elle ne parlait jamais car elle ne se voyait pas en train de parler de cul avec jeunes boutonneux… Je lui avouais ma passion pour cet écrivain et je lui proposais de venir faire une initiation à Rabelais en trois séances de une heure chacune pour ne pas perdre trop de temps sur le sacro-saint programme… Banco ! Je venais de mettre le doigt dans un engrenage terrible car je n’avais jamais fait une telle expérience : parler d’une lecture philosophique avec des jeunes élèves de collège…
La première séance a été consacrée une description, en images projetées, d’une époque. Nous n’avons rien laissé de côté : la renaissance, les arts, les religions, les guerres, les princes, la sexualité, l’éducation des enfants… Pour comprendre Rabelais, il faut s’immerger dans son époque et avec de bonnes images ce n’est pas si compliqué que cela… La fin de la séance a été plus précisément au personnage de Rabelais, ce que l’on sait de lui, sa place dans les ordres, dans la médecine de son époque…
Le seconde séquence a été entièrement utilisée pour lire deux extraits de textes plutôt « pipi- caca ». Le texte a été lu à voix haute pour permettre à plusieurs enfants de dire ces mots qui quand on les fait lire individuellement à voix basse provoquent sourire, jacassement et chahut… Là, passés quelques instants, chacun a pu commencer à se demander pourquoi Rabelais utilisait ce registre de vocabulaire… et ces jeunes collégiens ont montré toutes leurs capacités à réfléchir, à être intelligents…
La troisième séance a permis de passer à une réflexion beaucoup plus intense sur l’éducation des enfants chez Rabelais. Certes, j’avais choisi un texte comme support, mais mon amie a été la première surprise du résultat et depuis, chaque année, elle fait appel à moi pour venir parler de Gargantua et de François Rabelais…
Alors, si vous n’avez jamais été initiés à cette littérature si riche, voici une petite idée : un livre illustré par Nicole Claveloux comportant des extraits de Gargantua et Pantagruel. Ces extraits sont accompagnés d’un disque qui permet d’entendre cette littérature vivre grâce aux voix de Claude Piéplu, Michel Galabru et Jacques Fabbri… Si avec les deux combinés, vous comprenez que Rabelais nous parle encore de nos jours alors vous êtes mûrs pour lire ces cinq livres…
Une excellente introduction à un grand de la littérature française qui ne doit pas être limité seulement à un public adulte. Qu’on se le dise !