Un léopard sur le garrot : Chroniques d'un médecin nomade
de Jean-Christophe Rufin

critiqué par Pascale Ew., le 9 mai 2008
( - 57 ans)


La note:  étoiles
Rufin se raconte professionnellement
Jean-Christophe Rufin raconte ici son histoire professionnelle, ses amours et ses désillusions sur la médecine, l’humanitaire, la politique, les universitaires, etc. Il donne de lui l’image d’un médecin compatissant, profondément humain, d’un romancier passionné, mais aussi d’une personne très instable. En effet, il change d’affectations et de casquette sans arrêt ; il passe d’interne surmené de travail à conseiller ou assistant dans un ministère où il n’a rien à faire ; il emprunte des voies universitaires très différentes (médecine, sciences politiques), pour ensuite les comparer. Et le lecteur a parfois l’impression qu’au-delà de cette soif d’apprendre, de vivre des expériences enrichissantes et variées, l’auteur cherche sans cesse sa voie sans jamais être totalement satisfait d’une seule.
J’ai beaucoup apprécié au début quand J-C. Rufin décrit et dénonce toutes les dérives de la médecine et ses artisans, de l’inhumanité de cette race qu’est souvent le personnel médical face aux patients enfoncés dans leur impuissance. Par contre, le côté privé de la vie de l'auteur est passé quasiment sous silence et aurait mérité au moins quelques phrases. Je regrette que la chronologie du récit soit parfois un peu floue. Mais en résumé, je préfère les romans de Jean-Christophe Rufin, même si le style littéraire de ce livre est très agréable à lire.
« Chroniques d’un médecin nomade » 7 étoiles

Courte autobiographie parue en 2008 qui montre l’homme, le médecin, l’écrivain, le tout juste ambassadeur de France à Dakar, et qui justifie le titre, un vers tiré d’un poème de Léopold Sédar Senghor, « Ethiopiques » ;
J’errais, cavale du Zambèze,
courant et ruant aux étoiles
Rongée d’un mal sans nom,
Comme d’un léopard sur le garrot.


De fait, l’homme Jean-Christophe Rufin court partout, à l’instar d’un couteau suisse se révèle multi-fonctions, depuis le médecin qu’il est devenu à celui qui a fait carrière dans l’humanitaire puis essayiste, romancier et ambassadeur.
Il se dévoile sans prétentions dans cet ouvrage et met à nu certains passages compliqués, humainement parlant, concernant l’éclosion et la croissance de « Médecins sans Frontières ».
Il donne son opinion sur le monde de la médecine, de l’hôpital plutôt, et de l’attitude de certains « mandarins », son opinion sur l’Afrique, un continent qui lui tient particulièrement à cœur, et singulièrement l’Ethiopie. L’Afrique qui le verra naître à une nouvelle mission, plutôt inattendue si l’on y songe bien ; Ambassadeur de la France, à Dakar, Sénégal.

»- Il va pleuvoir, Excellence.
Du côté de Gorée, de gros nuages, fondus dans le plomb menaçant du ciel, se festonnent de blanc quand des éclairs les illuminent. Assis sur la pelouse devant ma nouvelle résidence, je me sens perdu entre deux masses effrayantes : derrière moi, l’immense palais blanc dont je suis plutôt le prisonnier que le maître et devant, au-dessus de la mer, la tempête tropicale qui s’avance. Je lève le nez et regarde le majordome africain en veste blanche qui m’attend, sans expression. Pourquoi diable m’a-t-il appelé « Excellence » ? »


C’est écrit dans une belle langue, celle à laquelle nous a accoutumé Jean-Christophe Rufin, il est question d’évènements qui ne sont pas précisément de micro-évènements et qui peuvent nous concerner, à un titre ou un autre … Bref, tout pour rendre l’ouvrage aimable. Au sens premier du terme.

Tistou - - 68 ans - 24 septembre 2021


Jean-Christophe Rufin se raconte avec simplicité et modestie 9 étoiles

Jean-Christophe Rufin se raconte avec la simplicité et la modestie propres aux grands hommes.

Son autobiographie qui couvre 30 années de sa vie nous mène de ses différentes pratiques de la médecine (privée, hospitalière, humanitaire) à sa récente nomination au poste d’ambassadeur de France au Sénégal.

L’auteur nous familiarise avec les arcanes des ONG, leurs débats et dilemmes internes.

Nous assistons également à l’apparition de son goût pour l’écriture, puisqu’il est notamment l’auteur d’un essai (L’aventure humanitaire) et de 2 romans (L’Abyssin et Rouge Brésil) qui lui ont ouvert l’accès aux prix littéraires. J-Chr. Rufin nous décrit les esprits de chapelle régnant dans ce domaine si particulier et dont il s’est tout naturellement distancié.

Cette autobiographie nous est pour nous, lecteurs, une belle leçon de vie …

Ori - Kraainem - 88 ans - 20 février 2010


Un humanisme sincère 8 étoiles

C'est, à mon avis, ce qui marque le parcours de JC Rufin. Ses pages sur la médecine moderne, technique et efficace, qui a succédé à l'écoute attentive du malade, sont criantes de vérité, et de conviction : "La redoutable secte des urgentistes commençait son règne" nous fait naturellement penser à l'ineffable Dr Peloux...

Le récit des premiers pas de "Médecins sans frontières" ne manque pas d'intérêt non plus, on n'a pas forcément eu connaissance des luttes internes entre Kouchner et Malhuret ! Mais JC Rufin raconte tout cela très simplement sans acrimonie aucune. Il ne travaille pas pour Le Canard enchaîné ou Charlie-Hebdo...

Comment il a fini par être nommé ambassadeur de France au Sénégal, il s'en explique simplement, et s'en réjouit.

Je ne me sens pas frustré de ne pas avoir de détail sur sa vie intime, cela n'a que peu d'importance pour ce récit. Qu'il continue à nous enchanter par ses romans, c'est mon souhait personnel.

Tanneguy - Paris - 85 ans - 30 août 2009