La photo
de Marie Desplechin

critiqué par Shelton, le 22 avril 2008
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Une petite photo et c'est terminé... Un sourire...
Il y a quelques années, j’ai eu le plaisir et l’honneur de réaliser la première interview radio de Marie Desplechin. Certes, à l’époque, elle n’était connue et appréciée que d’un petit cénacle, ceux qui lisaient des livres pour enfants… Sur quel ouvrage nous sommes-nous rencontrés pour la première fois ? Peut-être pour « Et Dieu dans tout ça ? » mais je ne me souviens plus exactement. Ce qui est certain, par contre, c’est qu’il y eut plusieurs rencontres, plusieurs discussions et qu’un jour elle m’a avoué que je lui portais chance… En fait, elle avait du talent réel d’écrivain mais le grand public ne le savait pas encore… Aujourd’hui, elle a enfin de la reconnaissance, celle qu’elle mérite et qui est totalement justifiée quand on lit, par exemple, ce petit ouvrage « La photo » qui est paru en 1985.
Quoi de plus banal qu’un cliché de quelques amis qui se sont retrouvés un jour, en fin de week-end, qui ont posé et sont rentrés chez eux… Nous en avons des dizaines et des dizaines des souvenirs jaunis de cette sorte… Mais, que se passerait-il si nous donnions la parole, ne serait-ce qu’un instant, à chacun des acteurs, volontaires ou pas, de cet instant immortalisé ? C’est que Marie Desplechin a écrit, le point de vue de Séréna, Peter, Yasmina – euh, ou Jasmine, je crois qu’elle préfère –, Mélanie, Marc ou Edouard… Quelques mots pour que chacun puisse donner sa vérité et il faut bien reconnaître que les variantes sont bien réelles… Comme dans la vie, celle de tous les jours… On a beau vivre des évènements identiques, du moins le pense-t-on, chacun en immortalise qu’un aspect et c’est le cliché de chacun que nous livre Marie dans ce petit texte de grande qualité illustré par Eric Lambé…
Séréna la photographe était en week-end avec Peter le chanteur mais ce n’était pas un véritable couple, Mélanie avait invité, au dernier moment, à l’arrache serait-on tenté d’écrire, Yasmina pour deux jours en Normandie sans savoir ce que cela ferait remonter à sa mémoire, Marc était là pour appuyer sur le déclencheur de l’appareil et Edouard, personnage assez énigmatique et quelque peu dérangé – à moins que ce soit lui qui soit dans le vrai – s’est invité en fond de photo en faisant dépasser sa tête de la haie de fond de jardin…
Mais, qu’est-ce qu’une photo, au fond ? Un instant pris à chacun ou un énorme mensonge qu’il est impossible de décrypter quoi qu’il arrive ? C’est Edouard, dans son délire verbal qui dit probablement les choses les plus sérieuses sur la photo :
« Je ne sais pas ce qu’il veut que j’en fasse, les photos, non-mercii, qu’il les garde, elles puent la mort. Tous les gens qui sont sur les photos finissent par mourir et les photos restent. Je lui ai dit, tes albums photos, c’est un cimetière, tu ferais mieux de t’occuper de ton jardin. Je lui ai dit, ce ne sont même pas des œuvres d’art, comme les tableaux par exemple, les tableaux, ça c’est quelque chose. Photographe, c’est bon pour les branleurs. C’est quand même trop facile, ce n’est pas un travail honnête d’appuyer sur un bouton pour dire qu’on en a fini avec son boulot… »
C’est donc un excellent petit texte que je vous invite à découvrir ainsi qu’un grand écrivain si vous ne la connaissiez pas encore.