Babbitt
de Sinclair Lewis

critiqué par ALF, le 19 avril 2008
(Ondres (40) - 44 ans)


La note:  étoiles
Un grand écrivain, et l'un de ses plus grands romans
Juste avant de décrocher le Prix Nobel de littérature en 1930, l'américain Sinclair Lewis a eu le temps de publier deux romans désormais considérés comme majeurs : Main Street en 1920 et Babbit deux ans plus tard.

Au travers de ce dernier nous est dépeinte l'existence de George F Babbit, la quarantaine, agent immobilier de son état, marié et père de trois enfants. Un type tout ce qu'il y a de plus banal en somme. Et c'est justement dans cette routine et cette vacuité que réside le tour de force du roman : on est immédiatement frappé par le conformisme de Babbit et du petit monde qui l'entoure. Il en va du personnage central (ni beau ni moche, ni riche ni pauvre) comme de celles et ceux qui rythment son quotidien (une femme qu'il n'aime plus, sans pour autant la détester; des enfants sympas mais sans plus, qui ne se planteront pas à l'école sans non plus y briller par leurs résultats), et de la petite (mais pas trop hein) ville de Zenith.

Une american way of life "bien mais pas top", dont va se moquer allègrement Sinclair Lewis. Jusqu'au jour où Babbit pète les plombs (avec modération, of course) parce qu'il finit par se rendre compte qu'il s'ennuie quand même pas mal.
Le bonheur dans le conformisme? 10 étoiles

NOM : George F. Babbit. AGE : 46. PROFESSION : agent immobilier. ADRESSE : Zenith, Etats-Unis. SITUATION FAMILIALE : marié et père de deux adolescents. SIGNE PARTICULIER : vit le « rêve américain ».

Nous sommes au début des années 1920, époque de prospérité pour les Etats-Unis et pour le paisible citoyen Babbit qui représente les classes moyennes américaines. Babbit est un Américain « standard » sur toute la ligne. Sa maison, un exemple de confort et de modernité, se situe dans une ville moyenne du Midwest, avec ses rues à angle droit, ses demeures quasi identiques et ses clubs qui réunissent des habitants aux valeurs semblables. Lorsqu’il se lève le matin, Babbit entre dans une routine des plus normales, enchaînant petit déjeuner en famille, trajet dans son automobile dernier cri, travail de bureau dans un gratte-ciel et détente autour d’un verre avec des collègues tout à fait ordinaires. Sécurité, aisance matérielle, respectabilité, tout semble sourire à Babbit. Et pourtant il s’ennuie. Secrètement, il rêve d’une autre vie, moins banale, plus fantaisiste. Peu à peu, cette magnifique mécanique se déglingue. Et voilà Babbit qui s’encanaille, commet des folies et ose enfin agir au gré de ses envies. Pire : il tient des propos socialistes, lui qui était un pilier du parti conservateur local. Simple crise de la quarantaine ou début d’une nouvelle vie ? En tout cas, cette remise en cause des conventions coûtera cher à Babbit.

Ce roman est une grande réussite. Il dépeint d’une manière réaliste et pleine d’humour l’ « American way of life » des années 1920. Pourtant on y trouve un message universel et une critique sociale encore très actuelle. La standardisation et la consommation de masse, nées aux Etats-Unis il y a près de cent ans, sont aujourd’hui poussées à l’excès. Quant à Babbit, c’est le portrait de nombreux quadragénaires, englués dans un quotidien médiocre. Le bonheur passe-t-il nécessairement par le conformisme et le matérialisme ? Si Babbit est devenu un archétype – l’Américain ordinaire-, il semble pourtant très vivant car ses doutes et ses aspirations sont aussi les nôtres.

Pierrequiroule - Paris - 43 ans - 2 novembre 2014


The American dream 6 étoiles

Babbitt est un agent immobilier qui a fondé, avec son beau-père, une entreprise dont les affaires sont florissantes. Dans la ville de Zenith – cité fictionnelle qui ne manque sans doute pas de modèles bien réels – cette réussite lui assure une place de choix dans la bonne société, celle de l’Amérique puritaine et républicaine de l’époque de la Prohibition. Sa vie bien réglée est un modèle du genre, faite de déjeuners dans un club de personnalités qui comptent, de réceptions où les invités se gargarisent de l’alcool qu’ils ont pu se procurer clandestinement, et de vie de famille rangée. Une épouse aussi docile qu’un chien, trois enfants sans problèmes… et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Mais Babbitt voit la cinquantaine approcher à grands pas, et il se demande si ses plus belles années ne sont pas en train de se diluer dans le respect des conventions. Il est parfois tenté de quitter les rails du rêve américain et de faire un pied de nez aux bonnes moeurs.

Avec humour mais sans méchanceté, Sinclair Lewis se moque tout au long de ce roman de cette haute société incarnée par un héros qui passe son temps à tergiverser. Qui se couche chaque soir plein de bonnes intentions mais les oublie au réveil. Sa volonté exprimée d’arrêter de fumer, sans jamais réellement essayer, est le meilleur symbole de son incapacité à s’extraire d’un carcan dans lequel il s’est glissé avec bonheur. A démolir une prison dorée dont il a construit chaque barreau, et à laquelle il tient en fait par dessus tout.
Cela rend parfois Babbitt très agaçant, mais le lecteur le considère avant tout avec amusement et sympathie, tout comme l’auteur. Car il comprend très vite que cet homme sera incapable de succomber à sa « tentation de Venise », tout quitter pour mener une vie de bohême.
Ce livre est une bien agréable et dépaysante plongée dans une vision de l’ « American way of life », ainsi que dans les tourments d’un homme somme toute très ordinaire.

Aliénor - - 56 ans - 3 mars 2011