Ce livre est considéré comme une oeuvre majeure de Lao She et je suis d'accord avec cette affirmation. Nous suivons dans ce récit les débuts dans la vie de Tianci, un enfant trouvé adopté par une famille de commerçants propères. Il a de la chance ce Tianci car son père adoptif est un homme bon et honnête, conciliant et doux. Sa mère par contre est plus sévère et rigide et les relations entre eux seront tendues mais non totalement dénuées d'affection cependant. Tianci s'installe donc dans sa nouvelle vie avec toute la vigueur dont il est capable. Son entrée à l'école ne se fera pas sans heurts car on découvre qu'il est un enfant naturel et il devra subir l'ostracisme de ses petits camarades. De plus, son physique n'est pas ce qu'il y a de plus avantageux ce qui lui vaut des quolibets et des moqueries supplémentaires. Donc l'école pour lui étant pénible, sa mère décide de l'en retirer pour lui assigner un maître privé. Bon, je ne vais pas tout raconter mais en gros, Tianci vit une enfance privilégiée sans manquer de rien, avec de la bonne nourriture en abondance et des vêtements de bonne qualité. Mais, il perdra cette vie facile et devra affronter la dure réalité lors de la mort de ses parents. Comment s'en sortira-t-il ? Que fera-t-il pour survivre, lui qui se considère comme un bon à rien et une nullité ?
Rarement je n'ai eu autant de plaisir à suivre les péripéties d'un personnage aussi attachant que ce Tianci. J'ai même éprouvé un pincement au coeur lorsque j'ai dû refermer le livre. J'aurais voulu que l'histoire continue encore et encore. Ce livre ne comporte que deux cent quatre-vingt-quatre pages pour mon édition mais j'ai l'impression d'avoir refermé un livre de six cents pages tellement c'est dense comme récit. Par le biais de son personnage, Lao She nous brosse un remarquable tableau de la société chinoise des années trente. On y reconnaît le déséquilibre de la richesse qui caractérise toute société humaine que ce soit d'hier ou d'aujourd'hui. Les pauvres côtoient les riches et chacun s'accomode de sa vie du mieux qu'il peut. J'ai beaucoup aimé la vision que donne Lao She de la pauvreté. Il n'a pas dépeint uniquement le côté sordide comme bien d'autres écrivains mais au contraire, il nous donne presque envie d'être démuni tellement la joie et la solidarité sont présentes dans cette communauté.
Mais Lao She s'attarde également sur les bassesses humaines comme le comportement de la belle famille de Tianci à la mort de l'un et l'autre de ses parents. L'importance de l'argent et de la position sociale sont aussi très bien exposés.
Il y aurait beaucoup à dire sur ce chef d'oeuvre de Lao She mais il faut le lire pour se faire une idée de l'immense talent de ce grand écrivain chinois qui nous offre ici un récit d'une intensité telle que je l'ai quitté avec regret et avec le sentiment d'avoir parcouru un chemin lumineux tracé par la plume d'un homme que le ciel a pourvu d'un don d'écriture exceptionnel.
Dirlandaise - Québec - 69 ans - 22 juin 2008 |