Comme une mère
de Karine Reysset

critiqué par Amanda m, le 17 mars 2008
( - 57 ans)


La note:  étoiles
Déflagrations
Emilie est une jeune paumée, une gamine déboussolée qui accouche sous X puisqu’elle est incapable de faire face à cette maternité non désirée. Judith accouche le même jour, dans la même maternité, dans la même salle d’un enfant qui ne vivra pas. Après des années de grossesses inabouties. D'espoirs anéantis.

Désespérée, démolie, Judith enlève Léa, l’enfant d’Emilie. Elle sait qu’Emilie a de toute façon l’intention d’abandonner son enfant. Elle qui a tant d’amour en elle, tant d’amour à donner, à offrir, à déverser, à hurler..

Emilie, Judith, Léa. Deux femmes et une enfant. Trois vies, trois existences fragiles et ténues, vouées à des chemins séparés qui vont se croiser, se rencontrer, se retrouver, mêlées par un lien invisible et tenace, indissoluble.

Nous allons suivre ces deux femmes que tout oppose. Emilie l'écorchée, éraflée par la vie, et Judith, la femme cassée, qui sombre dans une torpeur mélancolique. Emilie retrouvera son enfant, tentera de se construire un avenir, elle n'est plus seule, elle a Léa ; mais Judith les retrouvera. Elle n'a plus rien, elle veut juste revoir, une dernière fois, cette enfant qu'elle a sérrée si fort, qu'elle a aimée avec désespoir.

Karine Reysset nous offre ici un récit à deux voix empreint de sensibilité et de délicatesse. Son récit est une marée montante d’amour et de baisers sucrés, ceux que l’on dépose sur les joues veloutées de nos enfants, un récit qui nous étreint de la chaleur de ce lien indescriptible, indestructible qui unit une mère et son enfant.

Elle raconte avec pudeur et respect la folie, l’effondrement, la destruction auxquels peut mener la perte d’un enfant. Judith va reporter sur Léa tout cet amour dont son cœur déborde violemment. Emilie, elle, se verra submergée par un sentiment qu’elle n’attendait pas, qu’elle rejetait, question de survie. L’arrachement brutal, imprévu, imprévisible, balaie ses intentions et les remplace par un amour insubmersible. Avec ses difficultés, ses doutes, ses peurs.

C’est un roman qui émeut, qui est joliment écrit, avec sensibilité et simplicité.

Et puis il y a Saint Malo, ses remparts, sa thalasso, son Sillon, on sent presque la brise marine et salée sur nos visages. On marche sur la plage ou les remparts, on sent les embruns, on entend les goélands...

Et les dernières pages, qui se lisent avec effroi, avidité, espoir, inquiétude, soulagement…
Mal de mères 4 étoiles

Emilie a 18 ans, et un passé déjà lourd de galères, d'abandons. Judith, 36 ans, n'arrive pas à mener une grossesse à terme. Leurs destins vont se croiser dans une maternité où Emilie bien décidée à accoucher sous X, est submergée par une vague d'amour à la vue de sa petite Léa. Judith le sera aussi et quelques secondes suffiront pour que se nouent les drames qui bouleverseront leurs vies.

La comparaison est difficile quand on a lu les témoignages de Anne-Dauphine Julliand (Deux petits pas sur le sable mouillé) ou de Agnès Ledig (Juste avant le bonheur). La larme semble un peu facile à mon goût, l'intrigue difficilement crédible et les scènes un peu trop larmoyantes.
Et même la visite touristique guidée de Saint-Malo et de sa célèbre plage du Sillon n'a pas apporté plus de crédibilité au roman.
L'écriture est fluide rendant la lecture rapide et facile. Un coup de cœur de ma bibliothécaire que je n'ai pas partagé. Deviendrais-je difficile ?

Marvic - Normandie - 66 ans - 22 mars 2015


L'inépuisable souffrance féminine 8 étoiles

Emilie est trop jeune et trop seule pour être maman, elle décide alors d’accoucher sous X et d’abandonner sa petite fille Léa, juste avant de commencer une nouvelle vie en suivant une formation aux soins à la thalasso de St Malo. Judith, elle, est une mère plus mûre, abîmée par la vie aussi, puisque toutes ses précédentes grossesses se sont terminées par une mort fœtale. Alors quand naît à terme enfin et hélas décède son petit garçon, c’est le basculement dans la folie éperdue. Voici pour le début du roman. Une mère qui perd son bébé, une autre qui ne veut pas du sien, un rapt d’enfant… ça ressemble presque trop à la réalité des informations télévisées.

Ces mères vont bien sûr continuer de s’entrecroiser, dans la reconstruction pour l’une, dans la dépression dramatique d’une quête impossible pour l’autre, et ce serait presque le banal d’un roman sans surprise (finalement, tout se déroule un peu comme dans un conte de fées) si ce n’était l’écriture souple, précise et juste de Karine Reysset.

C’est un livre qu’on lit d’une traite ou presque, et j’hésite encore entre le banal et le sublime. Simple, mais efficace. Magie des mots qui ne laissent pas indifférente une femme quand l’amour maternel est si bien décrit, drames de la vie qu’hélas bien souvent nous connaissons d’un peu trop près.

Il y a du Karine Fougeray dans ce roman (la maternité, St Malo), il y a du Véronique Olmi aussi (bord de mer), de belles références féminines sur la souffrance des mères.

Laure256 - - 52 ans - 8 avril 2008