Les morts du Karst
de Veit Heinichen

critiqué par BMR & MAM, le 9 mars 2008
(Paris - 64 ans)


La note:  étoiles
Voyage en classe polar
etite leçon d'histoire récente chez nos voisins transalpins.
Plus précisément en Istrie, cette péninsule coincée entre Italie et ex-Yougoslavie (la Croatie et la Slovénie désormais).
Là où Trieste fait face à Venise.
Une région malmenée pendant ce dernier siècle, ballotée entre les fascistes de Mussolini, les nazis d'Hitler et les communistes de Tito.

[...] Comme on le dit si bien : dans cette région on ne sait jamais quel passeport on aura le lendemain.

De cette histoire mouvementée subsistent des traces dans la mémoire des habitants : celles des massacres au cours desquels des milliers de personnes furent pourchassées et massacrées, tantôt par un camp, tantôt par un autre.
Le relief karstique de l'arrière-pays recèle, comme le Vercors ou la Chartreuse chez nous, de nombreuses failles : les foibe en patois local. Et les pratiques de cette époque sauvage voulurent que les indésirables y soient précipités, bon débarras. Que ce soit les croates pour les fascistes ou, plus tard, les italiens pour les communistes, prémices des nettoyages ethniques modernes.
Ce passé douloureux sert de toile de fond au polar de Veit Heinichen, un allemand qui vit à Trieste : Les morts de karst, on ne peut être plus clair.

[...] La seule chose qui rappelait aujourd'hui cette période, c'étaient des polémiques et, de temps à autre, l'affreuse découverte d'une foiba encore inconnue dans laquelle avaient fini les victimes : on les y jetait mortes ou vivantes, puis on lançait des grenades et, le plus souvent, un chien noir censé incarner le mal. Rares étaient ceux qui survivaient au massacre. Jusqu'à présent on avait recensé trente foibe en Istrie et sur le karst triestin. Le nombre supposé des morts allait de cinq cents à ving mille. Aussi bien des italiens que des croates et des slovènes.

Comme dans beaucoup de polars modernes, les événements du passé ont encore des échos dans les drames actuels. Et c'est dans ce contexte que le commissaire Proteo Laurenti va mener son enquête.
Encore un flic plus à l'aise dans ses investigations professonnelles que dans sa vie privée.

[...] Dans la rue il pesta à voix haute. Sa femme enlevée par un agent d'assurances, son fils fréquentant un bistrot de fascistes. Et puis quoi encore ? On ne pouvait vraiment pas dire qu'il était dans une bonne phase.

On n'a pas été tout à fait convaincu par le personnage de Laurenti, une sorte de version italienne à mi-chemin entre l'Adamsberg de Fred Vargas et le Wallander de Henning Mankell, mais ce bouquin a l'évident mérite de nous dévoiler tout un pan d'histoire-géo méconnu et peu enseigné (ou alors on dormait près du radiateur).
Ça mérite un second épisode.