Le soi-disant
de Yves Pagès

critiqué par Aliénor, le 23 février 2008
( - 56 ans)


La note:  étoiles
Instantané d'une époque
Romain, jeune garçon de onze ans « moins des poussières », voit sa vie bouleversée le jour où son collège s’enflamme, emprisonnant de nombreux collégiens dont sa sœur.
Pour cause de fugue durant les jours qui suivront le drame, Romain est soupçonné d’avoir une responsabilité dans cet incendie.

Rassurez-vous, ce livre est très drôle. Se basant sur un fait divers de triste mémoire – l’incendie du collège Pailleron en février 1973 – Yves Pagès en a tiré un roman savoureux où il est surtout question de dépeindre une époque. Le portrait des parents est ainsi particulièrement intéressant, surtout celui de la mère féministe.
Le narrateur est Romain lui-même, qui n’a de cesse de voir sa sœur sortir vivante de l’hôpital afin de pouvoir recommencer à se chamailler avec elle. Et c’est bien la voix d’un jeune adolescent que l’on entend à travers l’écriture de l’auteur.
Le résultat est une réussite. Un livre à lire et à recommander.
Mauvaise conscience 9 étoiles

Le Soi-disant se dit Romain, Romain Anselme, « onze ans moins des poussières », élève de 6e au CES Edouard Pailleron, de triste mémoire, qui, pour ceux qui ne s’en souviendraient pas, s’embrasa un jour d’hiver, en 1973, et s’effondra comme un château de cartes, causant la mort de vingt personnes, majoritairement des enfants. L’événement sert de matrice à une fiction intérieure, monologue infantile d’une mauvaise conscience : lorsqu’on découvre Romain, il feint de lire avec la plus grande attention le livre d’un certain Emmanuel Kant que le hasard lui a mis entre les mains, « Fondements de la métalchimique des sœurs » ou quelque chose comme ça, avant que son attention ne soit attirée par le ciel brusquement obscurci et qu’il ne sorte sur le balcon d’où il finira par apercevoir entre deux nuages de fumée les étoiles en fuite du pull-over bien reconnaissable de sa sœur aînée, qu’il croyait au conservatoire. (Les victimes réelles de l’incendie étaient en effet les jeunes élèves d’un cours de solfège que la mairie avait exceptionnellement hébergé au collège, dans la soirée, pour cause d’exiguïté des locaux du conservatoire.) Un trou dans le récit et dans l’emploi du temps de Romain retient notre attention – et celle de la police lorsque qu’il se rend de lui-même au commissariat après avoir figuré pendant trois jours sur la liste des présumés disparus, ignorant encore si sa sœur a survécu. Du coup, soupçons.
C’est que le Soi-disant est aussi un raconteur de bobards. C’est sans doute l’aspect le plus intéressant du roman : la nécessaire remise en question de ce qui est raconté. D’autant plus qu’on « y » croit – grâce à la manière de l’auteur d’incarner l’enfant, perpétuellement tiraillé dans ses sentiments. La complexité de ceux-ci à l’égard de la sœur aînée, dont il ignore longtemps l’état, et dont l’adolescence la rend opaque à ses yeux, est particulièrement bien rendue. La langue aussi est joliment travaillée. A aucun moment l’auteur ne tente l’impossible imitation d’un discours vraiment enfantin – d’ailleurs le récit est rétrospectif et le narrateur n’est évidemment plus celui qu’il a été –, mais le langage reste marqué d’un caractère ludique, qui participe au plaisir de la lecture. Moins qu’une histoire, c’est bien le cheminement d’une conscience que l’auteur cherche à rendre, loin de toute objectivité, au discours peu fiable ; et que le narrateur soit le presque exact contemporain de l’auteur – et tiens, coïncidence, du lecteur aussi – ne fait qu’en rajouter au plaisir de cette mystification / démystification.

Feint - - 61 ans - 12 mars 2008


Causer pour causer 4 étoiles

Après 100 pages, l’auteur oublie qu’il doit nous livrer une histoire. De toute façon, il a déjà révélé tout ce que nous devions savoir sur cet incendie. La suite n’est que remplissage de pages avec les divagations d’un gamin au vocabulaire beaucoup trop développé pour qu’il soit crédible. C’est un moulin à parole, opiniâtre, surexcité, coincé entre son monde de bande-dessinée et celui des adultes. Quelque chose de trop français selon moi. Jeux de mots et expressions colorées se mêlent à un fouillis d’anglicismes. À trop vouloir faire drôle et désinvolte, les émotions ne passent plus.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 55 ans - 11 mars 2008