Grosse faim : Nouvelles 1932-1959
de John Fante

critiqué par BMR & MAM, le 17 février 2008
(Paris - 64 ans)


La note:  étoiles
Un recueil posthume de nouvelles de l'un des grands écrivains américains de ce siècle.
Voici un recueil de nouvelles (le style de prédilection de John Fante) : Grosse faim, un recueil posthume.
Dix-sept nouvelles qui explorent les différentes périodes de l'oeuvre de Fante : depuis son enfance d'immigré italien dans le Colorado ...

[...] Les poivrons étaient maintenant coupés, prêts pour la friture. Mama mit la casserole de Cathy sur le gaz et alluma la flamme. La casserole de Cathy n'était absolument pas une casserole, et elle n'appartenait pas à Cathy. C'était un gros fait-tout en fonte que Cathy, la soeur de Mama, lui avait offert en cadeau de mariage quanrante ans plus tôt, mais durant toutes ces années tout le monde l'avait appelé la casserole de Cathy. La petite maison de Mama était remplie d'objets ainsi baptisés. Car les années de sacrifice auxquelles s'était résumée la vie de Mama Andrilli lui avaient ôté tout sentiment de possession. En vivant auprès d'elle, on avait bientôt l'impression fausse que tous les objets et ustensiles avaient été empruntés.

... jusqu'à sa vie d'écrivain maudit à Los Angeles ...

[...] Je tombe toujours amoureux de femmes qui vivent à dix mille kilomètres de moi. C'est une malédiction. Vraiment très bizarre. C'est parce que j'ai une trouille bleue dès que j'approche trop des femmes. J'arrive plus à parler ni même à respirer correctement. Je bafouille et je me comporte comme un imbécile. C'est une chape de plomb. Elle s'endort tout au fond de ma bouche. Dès que cette femme est partie, ma langue se réveille et dit tout ce qu'elle aurait du dire avant le départ de cette femme.

On voit bien là ce qui a pu séduire Charles Bukowski qui a beaucoup contribué à la popularité de John Fante.
Saveurs salées 8 étoiles

Lorsque l'on lit un ouvrage de John Fante, on ne peut pas s'empêcher de penser qu'il a un talent fou ce bougre pour raconter des tranches de vies avec un style inimitable. Les nouvelles qui composent ce recueil révèlent, chacune à leur façon, sa maîtrise incomparable de la narration qui lui permet de transformer des scènes de vie, en apparence banal, en véritable épopée humaine. Il expose à la lumière crue, au réalisme souvent brutal, toutes les facettes de la nature humaine à travers sa plume plongée dans l'écume des vies fracturées, restituant toutes les saveurs piquantes et salées des relations complexes entre les individus.

Là où en apparence il n'y a rien de signifiant, il construit un univers qui fait sens en dépassant largement le cadre nombriliste de l'auto-fiction par l'ajout d'une sensibilité aux vertus thérapeutique.

Heyrike - Eure - 56 ans - 18 octobre 2014