Quelques ombres
de Pierre Charras

critiqué par Tistou, le 28 janvier 2008
( - 68 ans)


La note:  étoiles
8 nouvelles
Huit nouvelles de Pierre Charras, sans trop de concessions dans l’ensemble, plutôt amères voire carrément noires. Telle la cinquième, intitulée « Pas d’école », dont je vous garantis qu’il vaut mieux être dans une bonne forme psychologique pour encaisser ! Noir de chez noir, j’ai pensé à une certaine nouvelle de Topor, dont je ne me souviens plus du titre mais qui m’a laissé un vide béant, tout pareil. Ca doit toucher un endroit particulièrement sensible !
Donc « Pas d’école » remarquable et désespér(ée)ante.
La dernière, « Le vent mauvais », se détache du lot également. Davantage traitée comme une scène de pièce de théâtre avec indications du décor et du jeu de l’acteur éventuel. Sous couvert du monologue d’un homme qui partirait ( ?) c’est un violent réquisitoire des abominations humaines qui ont marqué le XXème siècle (et de celles qui s’annoncent, peut-être) ;

« Le monsieur du troisième étage est très poli. Toute sa famille aussi. Le locataire du deuxième les croise dans l’escalier.On se dit bonjour. On sourit. On ne se connait pas, mais la maison représente un lien. On appartient à un même groupe. Ca va bien.
Aujourd’hui, le locataire du deuxième a décidé d’acheter un chapeau. Il en a aperçu un très joli en vitrine, l’autre jour. En arrivant au magasin, il voit que le chapeau est toujours là, mais que, devant la porte, il y a un homme en uniforme beige, avec une casquette à visière de cuir et un brassard rouge à croix noire. Il tient une grande pancarte sur laquelle on peut lire en gros caractères : « Allemands, méfiez-vous ! N’achetez pas aux Juifs ! » Le locataire du deuxième pense que tout ça, c’est des bêtises. Mais il n’entre pas dans le magasin. Il hausse les épaules et s’en va un peu plus loin, dans une autre boutique. Il parvient même à se convaincre que le chapeau qu’il achète est mieux que le premier. »

Et de haussements d’épaule en petits renoncements, Pierre Charras nous démonte l’histoire et met à nu les rouages d’un régime de terreur. Elle n’est pas toujours grandiloquente la terreur !
C’est habilement fait. Les autres nouvelles ont leur intérêt propre. Deux sont un peu plus faibles, mais ça reste un recueil très recommandable. Du genre qui ne vous rend pas bête !