Le premier sexe
de Éric Zemmour

critiqué par Ciceron, le 11 janvier 2008
(Toulouse - 76 ans)


La note:  étoiles
Tu seras une femme, mon fils
Livre de chevet, à lire toutes affaires cessantes. Pamphlet cuisant, mais Zemmour prend un malin plaisir à provoquer et même déplaire à ses têtes de turc, au moyen de théories incorrectes jubilatoires.

Le principe qui domine notre société suggère la supériorité évidente des “valeurs“ féminines, la douceur sur la force, le dialogue sur l’autorité, la paix sur la guerre, l’écoute sur l’ordre, la tolérance sur la violence, la précaution sur le risque de sorte qu’il est fortement conseillé aux hommes de révéler leur part de feminité. Ils s’y emploient d’ailleurs avec application.

La femme n’est donc plus un sexe, mais un idéal.

Et à quoi ressemble l'homme idéal aujourd’hui? Il s'épile, s’achète des produits de beauté, porte des bijoux et rêve d'amour éternel. Bref, il croit dur comme fer aux valeurs féminines.

L'homme idéal est une vraie femme. Il a rendu les armes. Le poids entre ses jambes est devenu trop lourd.

Aujourd'hui, les jeunes générations ont intégré cette confusion. Les fils ne rêvent que de couple et de féminisation longue durée. Ils ne veulent surtout pas être ce qu'ils sont : des garçons.

Tout ce qui relève du masculin est un gros mot. Une tare. Mais la révolte gronde. Les hommes ont une identité à reprendre. Une nouvelle place à conquérir.

In fine, je retiens particulièrement une des conclusions de Zemmour : en se féminisant, les hommes se strérilisent, ils s’interdisent toute audace, toute innovation, toute transgression. Ils se contentent de conserver.

A méditer.
Excellent livre polémique 8 étoiles

Tout le monde (ou presque) connaît ZEMMOUR et ses critiques tranchantes, notamment dans l'émission de Ruquier (on n'est pas couché) le samedi soir.
J'ai voulu connaître son style d'écriture et je n'ai pas été déçu. Il a une écriture limpide et enlevée.
Éric Zemmour sait. Il sait tout ce qu'on ce que va lui reprocher, les réactions épidermiques qu'il va provoquer. Il commence donc par prévenir les arguments faciles de ses détracteurs potentiels: il existe bien DES hommes et DES femmes, il y a du féminin en l'homme comme il y a du masculin en la femme, etc. Il n'est pas question de remettre en doute ces vérités basiques. Quant à la féminisation de l'homme moderne (qui constitue le point de départ de cet essai), qui aujourd'hui pourrait la nier?
Zemmour, lui, a (depuis longtemps) choisi son camp. A tous les niveaux -intime, social, politique, culturel -, la féminisation de l'homme est une catastrophe qui,à brève échéance, va précipiter celui-ci dans "la soumission, l'humiliation voire le malheur".
L'argumentaire de Zemmour est habilement construit. Il commence par relever les évolutions les plus superficielles entraînées par cette mutation, c'est-à-dire le physique (l'homme moderne s'épile, se passe des crèmes, porte des bijoux, etc.) et le déplacement des valeurs (des valeurs masculines comme la domination, la pugnacité, la lutte cèdent la place aux valeurs féminines comme le consensus, le dialogue, l'écoute). Dans cette première partie, Zemmour affirme que l'homme "est en train de devenir une femme comme les autres". Il parle -à juste titre, à mon avis, qui est aussi celui d'éminents sociologues/ethnologues soit dit en passant- de cette tendance comme d'une "rupture historique".
Il enchaîne ensuite avec une théorie assez intéressante sur le mannequinat et ses modèles maigres, dépourvues de toute sensualité et de toute rondeur, en un mot: androgynes. Comme on le voit, une théorie nourrie de concepts freudiens. D'ailleurs, il est amusant de constater que bien que se gardant de la prétention d'avoir quelque autorité dans le domaine, Zemmour fait fréquemment référence à Freud, Lacan et autres psychanalystes de renom pour analyser la tendance qu'il décrit. Ce qui ne l'empêche pas de citer dans le même temps des personnalités comme Laure Manaudou, Éric Cantona ou Karl Lagerfeld.
Après avoir longuement critiqué le phénomène des "papa-pampers", le polémiste s'attaque -de manière assez...frontale -aux conséquences sur la sexualité qu'il implique. Dans cette partie, le discours de Zemmour s'apparente presque mot à mot à celui d'un Houellebecq. Certaines considérations sur le porno et la prostitution sont assez bien vues.
Enfin, la dernière partie aborde le domaine de la politique -pas moins "féminisée" que les autres secteurs - où Zemmour oppose Hollande et Sarkozy, sans oublier d'expliquer en quoi Ségolène Royale est représentative de la femme moderne. Il parle aussi d'Islam et de catholicisme, de Juifs et d'immigrés -toujours en identifiant valeurs féminines et masculines et en analysant les "modes" selon lesquels elles se confrontent.
A titre personnel, j'apprécie ses analyses dans les débats et j'avoue que je n'ai pas été déçu par ce livre.

Fabrice ROUDERIES

Fabrice ROUDERIES - - 50 ans - 9 juin 2009