La mère horizontale
de Carole Zalberg

critiqué par Lucien, le 5 janvier 2008
( - 69 ans)


La note:  étoiles
Maternités verticales
Carole Zalberg poursuit son petit bonhomme de chemin en écriture. Après Chez eux et Mort et vie de Lili Riviera, deux titres publiés chez Phébus, voici qu’elle nous donne La Mère horizontale, un roman accueilli par Albin Michel et par Amélie Nothomb en personne, qui écrit à propos de ce dernier né : « Tout sonne juste dans ce roman horrible et bouleversant mais jamais désespéré. » Un bel adoubement pour Carole à qui l’on souhaite à présent celui du public. Elle le mérite assurément.

Paradoxe : la mère « horizontale » dont il est question dans le titre, c’est Sabine, la mère de Fleur, cette femme avilie par l’alcool que sa petite fille semble n’avoir jamais connue que par « des souvenirs horizontaux : couchée, étendue, jetée à terre. Échouée. » Et pourtant, cette « Mère horizontale » n’est qu’un maillon d’une lignée, d’une verticalité : celle qui la relie à d’autres femmes, ascendantes et descendantes. Au-dessus de Sabine, sa mère, Emma, sa grand-mère, Adèle. Au-dessous, sa fille, Fleur, et puis l’enfant qui pousse dans le ventre de Fleur, ce fruit de la cinquième génération qui sera peut-être encore une fille, une femme. Peut-être pas. Cette nouvelle vie est l’occasion de repartir à zéro, d’échapper à « cette lignée de femmes folles et malheureuses ». Maternités verticales, oui, et le mot « Karma » s’impose pour dire les conséquences que toute vie a sur ses descendants. Les égarements soixante-huitards d’Emma sont en germe dans la froideur indifférente d’Adèle. La décadence éthylique, l’incapacité à « être une mère autrement que par la peau » de Sabine sont le fruit des dérives d’Emma. Et Fleur qui pousse sur ce terreau… Oui, on est tenté d’évoquer la loi du Karma : nos actes nous suivent de vie en vie. Tenté, aussi, d’emprunter le petit caillou rose qui dort dans un sac à main pour une image : chaque vie féminine de ce livre comme un ricochet de la vie précédente. Et la série de ricochets qui continue, à moins qu’un véritable amour l’interrompe : celui que Julio donne à Fleur, celui qu’elle sera capable de donner à l’enfant qui va naître.

Que dire encore sinon que ce livre est remarquablement géré dans l’exploration des époques qui se succèdent et façonnent aussi les êtres, bien sûr, de l’après seconde guerre mondiale à nos jours, mais aussi dans la narration où alternent le « je », la subjectivité de Fleur et une troisième personne plus objective pour dire en alternance, et en flash-back, la triste dérive de Sabine.

Et puis, la petite musique de Carole dans ces phrases courtes, classiques, efficaces où rayonnent, comme les « yeux merise » de Sabine petite fille, comme le caillou rose échappé aux ricochets, de ces phrases perles où brille quelque chose comme le talent. Et l’on se surprend à dire : « Encore, Carole ! Encore ! »
Touchant 7 étoiles

C'est un roman touchant à plusieurs titres.
Tout d'abord parce qu'il traite d'un sujet oh combien sensible pour chacun d'entre nous : la mère ; la mère et son éducation, la mère et ses influences sur notre construction, notre vie d'adulte, la mère et sa mère, la mère et la mère de sa mère, la mère et sa vie de femme.
Par ailleurs, la mère de ce livre n'est certes pas une mère parfaite -car nulle ne l'est- mais elle est réellement une mère "défectueuse" (elle boit, elle aime les hommes plus que ses enfants, elle a, elle-même, des problèmes avec sa mère, …). Cette mère rend d'autant plus attachante sa fille, narratrice principale du roman, que celle-ci est très mature, philosophe et réfléchie quant à la situation.
L'écriture elle-même est émouvante car elle est effectivement sobre et juste, sans détours mais sans être trop brutale ou crue ; oui, juste.
J'ai tout de même regretté parfois la confusion des personnages amenant à ne plus savoir si telle situation arrivait à la fille, la mère ou la mère de la mère, d'autant plus que le récit navigue constamment au travers du temps et des différentes générations.

Maylany - - 44 ans - 25 février 2009