Des villes dans la plaine
de Cormac McCarthy

critiqué par Jules, le 4 octobre 2001
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Un très grand livre !
Ce livre est le troisième de ce que l'auteur a appelé “La trilogie des confins". Elle comprend donc « De si jolis chevaux », « Le grand passage » et celui-ci. Nous y retrouvons John Grady, le héros du premier volume. J’insiste sur le fait que chaque livre est une œuvre en soi.
Nous sommes au Nouveau-Mexique en 1952. Une bande de cavaliers arrive dans une petite ville et se rend directement au bordel. Ils sont tous ouvriers agricoles dans un vaste ranch pas trop loin. Alors que chacun se choisit bien vite une des femmes disponibles, John Grady reste au bar et se refuse à faire un choix. Il boit tranquillement un whisky et attend ses copains.
Soudain, dans le vaste miroir du bar, il aperçoit une jeune femme aux longs cheveux noirs, à l’air timide, qui ne doit pas avoir plus de dix-sept ans. Il se refuse à l'aborder et ils finissent tous par quitter le bordel.
John Grady, toujours aussi passionné de chevaux et très grand connaisseur, s’occupe surtout de l’élevage et du débourrage des jeunes bêtes. Son choix est toujours respecté par son patron qui l’estime beaucoup.
Cette jeune femme va lui hanter l’esprit et il retournera au bordel à plusieurs reprises, montera avec elle, mais uniquement pour se parler. De visite en visite, il découvrira la vie de cette femme et en tombera éperdument amoureux. Ils prépareront un plan d'évasion et John Grady ira jusqu'à vendre son merveilleux cheval pour pouvoir partir avec elle. La suite est à découvrir par vous, si vous le souhaitez.
On pourrait dire que ces livres sont des romans « western » C’est faux ! Ils se passent à une époque donnée, dans un monde donné, que l’auteur estime en voie de disparaître. Il n'y a pas que ce monde qui est en voie de disparition pour l’auteur, c’est également la morale et la vision qu’ont ces hommes de la vie qui va céder la place aux populations anonymes des villes et aux hommes d'affaires, froids et calculateurs.
McCarthy a une écriture saisissante et qui lui est bien particulière. Elle va à l’essentiel, est bien souvent faites de dialogues très courts, qui correspondent à la psychologie de ces hommes. Il n’aime pas les virgules et, un peu comme Hemingway, préfère utiliser le « et » entre chaque mouvement ou action. Cela a pour effet d'augmenter le rythme de ses phrases. Si ces hommes ne parlent pas pour ne rien dire, cela ne les empêche pas de se poser des questions sur la vie et sa finalité.
Il rencontre le « protecteur » de la jeune femme et l'auteur écrit : « L’homme lui sourit, la lèvre narquoise. Comme s’il y avait eu entre eux deux un secret. Quelque chose sur la jeunesse et le grand âge et leurs droits et la légitimité de ces droits. Et leurs servitudes. Sur le monde passé, le monde à venir. Leur commune fragilité. Et surtout la profonde certitude que beauté et deuil ne font qu'un. »

Un peu plus loin, John Grady dit : « Le monde de nos pères réside en nous. Dix mille générations et davantage. Une forme sans histoire n'a pas le pouvoir de se perpétuer. Ce qui n’a pas de passé ne peut avoir d'avenir. »
Ceci est un livre écrit par un des tout grands écrivains de notre époque. Il en est de même pour chaque livre de la trilogie. J’avoue cependant avoir un faible pour « Le grand passage » qui me semble le plus complet des trois, celui dans lequel l'art de McCarthy, sa force dans l’écriture et la pensée, vont le plus loin.
Magnifique conclusion 9 étoiles

Ce troisième volet de la 'trilogie des Confins' est une conclusion superbe. Sans être le meilleur des trois, ni le meilleur de McCarthy, c'est quand même vraiment prenant !

Bookivore - MENUCOURT - 42 ans - 2 juin 2009


Magnifique de beauté 8 étoiles

Après De si jolis chevaux (splendide) et Le grand passage (merveilleux), j'ai plongé dans le troisième volume de la trilogie Des villes dans les plaines.
Ce roman m'a énormément touché et je vais être bien en peine pour l'expliquer.
Il y a en premier les grands espaces mais aussi les personnages, et ils sont magnifiques ces personnages.
Il y a ceux qui appartiennent à une autre époque et qui savent que les histoires étaient plus belles et plus Humaines mais sans pour autant y voir une nostalgie pleurnicharde et ringarde car l'existence n'était pas toujours facile, où l'on mourait d'un seul coup de revolver sans savoir pourquoi et où la rudesse des hommes et de la nature se faisaient plus fortement ressentir. Mais lorsque l'on échappait à ces chaos existentiels on ne pouvait qu'être reconnaissant envers ce monde de beauté et aux étoiles qui veillaient sur votre repos.
Et il y a les jeunes qui vivent les derniers instant de cette époque eux aussi sans regrets nostalgiques pour celle ci, qu'ils savent révolue et qui appartient aux anciens tout comme les souvenirs dont ils sont les dépositaires.
Et ce combat pour atteindre l'inaccessible bonheur, pour déraciner la souffrance qui sommeille dans les entrailles des êtres perdus dans ce monde où violence et désarroi sont pour beaucoup les seules réalités tangibles. John Grady va lutter contre l'évidence d'une fatalité dont l'issue finale sera la révélation de la seule vérité qui s'impose, le monde a changé ......................... et l'époque des marchands d'âmes a commencé. Et il y a Billy Parham qui a tout fait pour survivre dans cet univers obsolète et qui se retrouve un jour avoir 78 ans et errer à travers les espaces pour enfin s'échouer dans une famille pleine de bonté qui va tenter de l'accompagner dans son ultime voyage, et ces mots:
Betty, dit-il. Oui. Je ne suis pas ce que vous croyez que je suis. Je ne suis rien. Je me demande pourquoi vous vous occupez de moi. Eh bien, monsieur Parham, je sais qui vous êtes. Et je sais pourquoi.(…)
Moi aussi je crois savoir qui il est, et pourquoi ….….….….

Heyrike - Eure - 57 ans - 5 novembre 2002