Sous les yeux de l'Occident
de Joseph Conrad

critiqué par Adrien637, le 15 décembre 2007
( - 58 ans)


La note:  étoiles
Intéressant...
Ce serait la réponse de Joseph Conrad à Crime et Châtiment. Il appert qu’il n'aimait pas Dostoïevski ni la nation russe, étant d'origine polonaise. Dostoïevski n'aimait pas non plus les Polonais, il faut dire.

Sur le plan d'une rivalité littéraire, le Russe peut poursuivre sont sommeil bien tranquille, non pas que Sous l'oeil de l'Occident ne soit pas un grand roman, mais il n'est quand même pas à même sur le même pied que celui qui est parfois déclaré le plus grand de tous les temps.

Un étudiant d'origine orpheline, mais de grande intelligence et au brillant avenir, trouve un soir chez lui, caché, l'assassin d'un ministre de la répression tsariste survenue des heures plus tôt. Il se voit demander d'aller avertir le cocher devant, avec son équipage, se rendre à un endroit et une heure précise pour assurer la fuite de ce jeune révolutionnaire qu'il connaît à peine, mais dont il inspira la confiance. Il tente de s'acquitter de cette tâche malgré sa colère, sachant le danger qu'il court, sans y réussir cependant. Dans l'impasse, craignant pour lui-même, il prendra des décisions dont il devra peser les conséquences morales.

Tel est l'argument de départ qui met le héros dans cette situation de remord, d'intolérable duplicité, similaire à celle de Raskolnikov, par rapport à la mère et la soeur de Victor Haldine, celui qu'il ne sut pas aider dans son sacrifice à la cause de la liberté, mais aussi par rapport à la communauté des exilés révolutionnaires, rassemblés dans la ville de Genève ou se déroule l'essentiel de l'action.

Conrad rejette la Russie dans clan oriental et souligne abondamment le clivage avec l'Occident. L'âme russe apparaît terrible et énigmatique, reflétée dans le comportement étrange de ceux qu'elle habite, tourmentés par des conflits inaccessibles. L'Occident et sa raison qui nous est familière, est incarné par le narrateur, un Anglais professeur de langue. Les derniers mots du récit seront à propos de l'un des révolutionnaires, que l'Anglais dira fou, mais qu'un personnage russe dira inspiré.

À la passion révolutionnaire, répond la répression tsariste, qui ne sont que les deux côtés d'une même médaille, cette âme russe, vouée à une fatalité, atteinte par une "malédiction" (sic). Plutôt que les élans fraternels et mystiques, l'Occident ne recherche qu'une privauté individualiste et tranquille, élément où Joseph Conrad se sent parfaitement confortable.

Le roman comporte de nombreuses scènes fortes où les situations et les confrontations de personnalités parlent et ont un sens. L'étudiant doté d'ambitions personnelles et légitimes rencontre un révolutionnaire prêt à mourir pour une cause. Le jeune homme compromis dans la trahison, confronte la soeur de sa victime, dont il tombe amoureux.

Cependant, de très longs dialogues viennent plomber quelque peu la lecture qui au total, en vaut largement la peine.