Suzanne ou le récit de la honte
de Christina Mirjol

critiqué par Sahkti, le 13 novembre 2007
(Genève - 50 ans)

La note: étoiles

Je dérange donc je suis

Suzanne a 52 ans, elle bosse chez Keller depuis douze ans. Puis un jour elle est virée, sous prétexte d’avoir perdu un dossier capital. Infâme machination intérieure, pense-t-elle ; elle ne compte pas en rester là.
Alors Suzanne se pose sur un banc et ne bouge plus, elle a décidé de protester pacifiquement et en silence. Les gens qui passent la regardent, curieux, puis l’histoire s’ébruite. Arrive un journaliste, la police, toutes sortes de personnes qui s’amusent, s’inquiètent, approuvent ou non. Le mari de Suzanne continue à s’occuper d’elle en venant lui parler, la nourrir ; son fils par contre refuse totalement de voir sa mère se conduire de la sorte.

Etrange histoire, qui peut paraître drôle et est en même temps effrayante. D’abord parce que Suzanne incarne ce que les machinations peuvent avoir de sournois et de cruel, mais aussi parce que ce récit pose intrinsèquement la question du regard de l’autre et de sa puissance. Suzanne devrait-elle capituler sous prétexte qu’elle s’expose, qu’elle dérange, que certains s’offusquent et que tout cela ne se fait pas ?
Christina Mirjol soulève le problème, à sa manière. Que ferions-nous à la place de Suzanne ? Comment lutterions-nous contre cette forme d’arbitraire qui s’exprime chaque année par des centaines de cas similaires d’exclusions abusives ?
Pas simple de répondre de prime abord et l’auteur doit bien s’en douter. Pas pour rien qu’elle nous présente un récit insolite mettant en scène une femme qui l’est tout autant.
Je me suis amusée à lire ce roman. L’écriture de Christina Mirjol est assez agréable, même si convenue et puis j’ai aimé le propos, cette histoire, savoir jusqu’où Suzanne était prête à aller pour défendre son honneur et rétablir la justice.