La France invisible
de Stéphane Beaud, Joseph Confavreux, Jade Lindgaard

critiqué par CC.RIDER, le 21 octobre 2007
( - 66 ans)


La note:  étoiles
Les pans cachés de la société
s’y sont mis à trois, un universitaire sociologue et deux journalistes pour produire ce pavé (647 pages) qui cherche à décrire la misère sociétale française. Ils se sont attachés à essayer de décrire les zones d’ombre, les angles morts, les lieux d’invisibilité de la société et ceux-ci se sont avérés fort nombreux. Eh oui, la vie de la France d’en bas, ce n’est pas forcément ce qu’on nous montre sur nos petits écrans ou ce que l’on lit dans nos journaux favoris. La liste de ces exilés intérieurs, de ces parias, de ces exclus est fort longue. Chaque cas de figure a droit à son chapitre. La France invisible c’est donc : les accidentés et intoxiqués au travail, les banlieusards, les délocalisés, les démotivés, les discriminés, les disparus, les dissimulés, les drogués, les égarés, les éloignés, les enfermés, les expulsables, les expulsés, les femmes à domicile, les gars du coin, les gens du voyage, les habitants des taudis, les handicapés, les intermittents de l’emploi, les jeunes au travail, les oubliés de la santé, les précaires du public, les pressurés, les privatisés, les prostitué(e)s, les rénovés, les érémistes, les salariés déclassés, les sans-emploi, les sans domicile, les sous contrôle, les sous-traités, les stagiaires, les surendettés, les travailleurs de l’ombre et les vieux pauvres. Ce qui fait du monde. On parle de 7 millions de personnes qui vivraient en dessous du seuil de pauvreté soit plus de 10% de la population. La réalité est certainement supérieure à ce chiffre déjà fort inquiétant par lui-même.
Pour chaque catégorie d’exclus des témoignages humains honnêtes et souvent poignants sont proposés. C’est la partie la plus intéressante du bouquin. Pour conclure, une rapide interview d’un « spécialiste » de la catégorie sociale en question qui résume la situation de façon plus ou moins pertinente. La seconde partie, qui représente à peine 200 pages en fin de livre, m’a semblé moins intéressante. Elle s’intitule « Connaissances et représentations du monde social ». Là, plus question de témoignages. On passe la parole aux universitaires, aux chercheurs, sociologues, technocrates et verbeux en tous genres qui se mettent à théoriser à qui mieux mieux sur la problématique en question. Le lecteur-lambda accroche moins, mais cela peut se révéler parfois intéressant.
D’une façon générale, ce livre a le mérite de corriger pas mal de préjugés et d’idées reçues telles que : la proportion de précaires est plus élevée dans le public que dans le privé alors que tout un chacun croit que c’est l’inverse. De plus en plus de personnes ne demandent pas les prestations sociales auxquelles elles pourraient prétendre par manque d’information, de culture, clochardisation ou au contraire refus de devenir assisté. La plupart des SDF a une adresse, certains ont même un travail, la moitié des adolescents qui se suicident sont homosexuels, les licenciés qui retrouvent un emploi ont presque systématiquement une baisse de revenus. Les femmes au foyer sont souvent des chômeuses dissimulées. Un ouvrier non qualifié a deux fois plus de risques de décéder avant 60 ans qu’un ingénieur, etc…
Un livre passionnant et dérangeant pour qui s’intéresse aux problèmes de société.