Derniers rappels
de Alex Robinson

critiqué par Grass, le 19 octobre 2007
(montréal - 47 ans)


La note:  étoiles
Encore! Encore!
C’est encore avec une certaine tristesse que je referme un album d’Alex Robinson. Une tristesse qui laisse un peu dépourvu et qui nous fais dire « et maintenant, je fais quoi? »

Voyez-vous, c’est qu’Alex Robinson fait dans la BD. Dans le roman graphique, en fait. Loin des albums cartonnés de 48 pages, Robinson nous sert des BD fleuve où il nous présente des personnages dont on aura du mal à se défaire par la suite. Dans son premier livre, De Mal en Pis (un pavé de plus de 600 pages qui semble ne jamais finir, le plus volumineux roman graphique publié à ce jour), Robinson nous présentait une galerie de personnages ordinaires et attachants dont les histoires venaient à se croiser de différentes manières. Pour Derniers Rappels, le procédé est sensiblement le même, à l’exception que l’histoire avoisine le tragique et le noir.

Ray Beam a eu une carrière fulgurante et brève avec son groupe The Tricks. Quatre albums seulement avant que le groupe ne se dissolve et que Beam se retrouve seul. Son premier album solo est un immense succès, et nous voilà quatre ans plus tard, avec Beam qui, à grands coups de drogues, d’alcools et de putes, en est venu à oublier c’est comment qu’on fait des chansons. Et dehors, les fans et les critiques l’attendent avec impatience, alors que son gérant fait des pieds et des mains pour faire croire à tout le monde que l’album s’en vient. Maintenant incapable de gérer quelque responsabilité que ce soit, Beam croit voir en Lily, une fille ordinaire qu’il croise par hasard, la solution à tous ses problèmes. Cette fille l’inspire et ce sera grâce à elle que Ray Beam reviendra à la face du monde. Mais les choses ne sont pas si faciles : « Mais j’étais quand même un peu agacé : si elle devait changer ma vie, qu’est-ce qu’elle attendait? »

Autour de l’histoire de Ray Beam gravitent celle de Steve, le technicien informatique licencié qui a arrêté de prendre ses médicaments, fan fini de Ray Beam, celle de Phoebe, une jeune fille venue du Nouveau-Mexique qui débarque en ville pour trouver son père dont elle a ignoré l’existence toute sa vie, celle de Nick, expert en fausses signatures qui travaille dans un magasin d’articles sportifs autographiés, celle de Caprice, la petite ronde mignonne comme tout avec qui je suis tombé en amour, et celles, plus brèves, de tous les autres personnages en relation avec ceux nommés plus haut.

En cinquante courts chapitres à rebours, Robinson donne la parole tour à tour à chacun des personnages. Les niveaux de langage maîtrisés, les expressions faciales claires et efficaces ainsi que la dynamique narrative de la mise en page font en sorte qu’il est pratiquement impossible de stagner sur la lecture de ce livre. Les dessins sont soignés, sensibles, remplis de détails et relancent sans arrêt le lecteur en proposant de nouvelles approches. Sans aucun doute, Robinson est un Geek de la plus pire espèce. Y’a qu’a voir les collectionneurs d’articles sportifs et les fans de musique un peu trop ambtieux qui peuplent cette histoire, sans compter tous les freaks de comic books que l’on retrouve dans De Mal en Pis. Pour sûr que Robinson sait de quoi il parle. Mais il sera Geek comme il voudra, si c’est pour nous donner encore longtemps des albums comme ça, moi je lève mon chapeau.

Ah, je ne terminerai pas sans vous dire que ce livre coûte cinquante dollars et que vous ne le trouverez peut-être pas si facilement en magasin. Vous aurez peut-être plus de chances de le trouver en anglais, ce qui vous fera (en plus d’une belle économie) passer à côté des trop nombreuses coquilles de l’édition française. À ce prix-là, c’est un peu désolant.

Et ceux qui chiâleront sur le prix, je vous rappelle subtilement que plusieurs d’entre vous n’hésitent pas à payer quinze dollars pour une soirée au cinéma. Faites vous-même le calcul du ratio investissement/heures de plaisir/ce qu’il reste après tout ça. Je dis pas que c’est une aubaine, là, mais pensez-y quand même.