La douce colombe est morte
de Barbara Pym

critiqué par Malic, le 13 octobre 2007
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Dernier amour
Leonora, une femme plus toute jeune, est belle, cultivée, elle a l’habitude d’être admirée. Elle mène une vie agréable dans le confortable appartement londonien qu’elle meuble avec tant de goût. Dans une salle des ventes, en quête d’un de ces beaux objets dont elle aime s’entourer, elle fait la connaissance d’Humphrey, un antiquaire et de son neveu James, avec lesquels se noue une relation d’amitié. Humphrey a des visées sur Leonora mais c’est entre celle -ci et le jeune homme que s’installe une relation privilégiée. Mais James, jeune homme séduisant et sans grande personnalité, est également attiré par Phoebe, une jeune fille de son âge et plus tard pas l’Américain Ned. Il va s’en suivre un ballet de sentiments qui n’ira pas sans mensonges, trahisons et cruauté.

On retrouve ici l’attention de Barbara Pym à décrire les menus faits et gestes de la vie quotidienne mais Leonora n’est pas une de ces vieilles filles au physique ingrat ou « quelconque » si fréquentes dans son œuvre. Elle est belle, elle a beaucoup de classe et sans être vaniteuse, elle est malgré tout très consciente de son charme et n’en est que plus décue de ne pas avoir trouvé cet amour romantique auquel elle a toujours aspiré, semblable en cela aux autres héroïnes de l’auteur.

Si l’ironie est présente dans ce roman, la tonalité générale est tout de même beaucoup plus mélancolique et grave que dans les précédents. On comprend que pour Leonora, avec les premières rides, c’est une page qui se tourne et que James représente sans doute sa dernière chance. Sa dernière aventure sentimentale avant une solitude du coeur à laquelle elle se résignera à sa manière digne et hautaine plutôt que comme ses amies Liz et Meg qui se réfugient l’une dans la compagnie de ses chats, l’autre dans celle d’un ersatz de gigolo.

Absence très remarquée dans « La douce colombe est morte », celle de la religion, qui fait tout juste une apparition dans une conversation de Miss Caton, l’employée du magasin d’antiquité et une autre par le biais d’un beau pasteur rencontré dans le train et qui n’est rien d’autre pour Leonora qu’une occasion de flirter un peu. Du coup on ressent aussi l’absence de cette sorte de sérénité, qui imprègne les romans de Barbara Pym.

A remarquer aussi la façon dont Barbara Pym traite l’homosexualité et qui semble plutôt neuve pour l’époque : Lorsque James passe d’une jeune fille à un garçon, c’est simplement une nouvelle aventure sentimentale, sans aucun commentaire ni de l’auteur ni de ses personnages.

Un beau roman mélancolique,


Titre original : The sweet dove died

Extrait:

“James voyait en Leonora une confidente plutôt qu’une mère, quelqu’un à qui il pouvait dire ses espoirs et ses ambitions, tels qu’ils étaient, ainsi que la plupart des évènements de sa vie quotidienne. Bien sûr, il ne pouvait pas lui confier absolument tout, et elle aimait le taquiner sur les « parties » auxquelles il allait et sur les gens qu’il devait rencontrer — votre vie secrète », disait-elle, comme si en en faisant un sujet de plaisanterie elle avait rendu impossible qu’il la trompât jamais. « Il faut que nous vous trouvions une gentille amie », disait-elle quelquefois, presque comme si elle le pensait vraiment. »
Une douce colombe ? 9 étoiles

Eleonara est une femme d'âge mur, élégante, riche et qui a de beaux restes. Célibataire, mais ce n'est pas faute d'avoir eu des occasions comme elle aime à le rappeler, car sa jeunesse fut riche en épisodes romantiques (qu'elle serine un peu trop souvent à ses connaissances). Alors qu'elle se trouve à un tournant de la vie, ce moment où la pensée de la mort prend de la consistance, elle rencontre un beau jeune homme en mal d'amour maternel sur lequel elle jette son dévolu.

Ce roman de Barbary Pym est plus sombre que les autres que j'ai lu. En général les personnages de Barbary Pym attirent la sollicitude du lecteur par leur solitude, parfois leur petitesse qui attire la bienveillance, mais Eleonora inspire l'antipathie à cause de son égoïsme et de son mépris pour les autres. C'est un personnage étrange : elle est plus attachée à son mobilier victorien (c'est bizarre cette obsession du mobilier chez B. Pym) qu'à ses amis, elle vit dans un vide affectif malgré sa beauté et malgré les prétendants âgés et riches qui se bousculent pour l'inviter dans des restaurants coûteux. Elle aime parler de ses anciens amants et de son passé romantique, mais en même temps elle donne l'image d'une femme asséchée et on se dit que son passé sensuel n'était peut-être pas si flamboyant qu'elle ne le laisse sous-entendre.

On retrouve dans ce livre les ingrédients habituels de B. Pym : la solitude, la pensée de la mort qui affleure beaucoup de ses personnages, le mobilier omniprésent et les petits instants de la vie quotidienne, mais comme le souligne Malic il y a un absent de taille, c'est la religion. Et comme Malic je trouve étonnant de voir comme Barbara Pym aborde l'homosexualité de manière "naturelle" dans ce roman. Je pense que ce livre a été écrit à une époque de liberté sexuelle qui ne cadre pas tellement avec l'impression que donne le reste du roman (ce fameux cadre un tantinet désuet qui est la marque de fabrique de Pym). Pour le reste le charme, l'ironie et et l'atmosphère particulière de l'univers Pymien sont au rendez-vous et ce livre est incontournable, même si personnellement j'ai préféré "Une demoiselle bien comme il faut" et "Un brin de verdure".

Saule - Bruxelles - 58 ans - 25 novembre 2007