Toutes voiles dehors
de Gilbert Cohen-Solal, Clifford Henry Benn Kitchin

critiqué par Dirlandaise, le 12 octobre 2007
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Une jeune femme libre
Miss Clame est une londonienne de trente ans qui se veut libre et indépendante. Elle habite avec deux autres jeunes femmes Mavina et Deevie. Les parents de Miss Clame lui ont laissé de quoi vivre donc elle n’a pas besoin de travailler. Elle passe donc ses journées à rêver et son imagination ne connaît pas de limites. Bien sûr, elle a de nombreuses relations parmi les gens de la bonne société londonienne et elle fait de nombreux séjours chez les uns et chez les autres. Miss Clame est secrètement amoureuse du beau Geoffrey Remington, qui éprouve envers elle qu’un intérêt plutôt limité, étant plutôt attiré par la fille des Green-Travers. Au cours d’un séjour chez un couple d’amis, les Homfray, une effroyable nouvelle vient anéantir tous les espoirs de bonheur de Miss Clame.

Bien que ce roman ne soit pas une comédie, j’ai beaucoup apprécié l’humour sarcastique de Kitchin et sa façon de dépeindre les mœurs d’une certaine classe aisée de Londres. Tout au long du récit, nous suivons Miss Clame dans ses péripéties et nous partageons ses soucis quotidiens, ses angoisses, ses rêves et surtout, nous assistons à sa constante recherche de changement de vie qui ne réussit jamais à se concrétiser comme le souhaiterait la jeune femme. Elle s’interroge beaucoup sur elle-même et souhaite de tout cœur changer de caractère et se demande si elle ne devrait pas choisir un bon moule et laisser de côté ses aspirations à une vie indépendante et fière afin de pouvoir s’intégrer plus harmonieusement à la société qui l’entoure. N’est-elle pas faite pour une vie de banlieue tout ce qu’il y a de banale ? Mais, elle estime qu’elle possède trop de connaissances et de culture pour se satisfaire d’une vie aussi étriquée.

Un très bon roman dans le style de Virginia Woolf dont la maison d’édition a publié ce livre pour la première fois en 1925. L’auteur était milliardaire et avide de la reconnaissance d’un public qui n’appréciera pas ce roman mais se jettera sur le suivant intitulé « Mort de ma tante ».

« Dois-je donc, se dit Miss Clame, me rendre aussi laide que faire se peut pour satisfaire ses goûts pervers ? Tous mes massages faciaux, toutes mes ondulations, mes transformations, mes mèches et mes coupes à la garçonne, tout cela aura-t-il été vain ? Une seule tenue stricte de velvétine noire est-elle donc plus rentable que toute ma garde-robe élaborée ? Peut-être m’a-t-il vue dès le départ comme un laideron, et eût-il été encore davantage attiré par moi si je n’avais eu la sottise de faire de mon mieux pour neutraliser ce charme déplorable. »

Le livre est suivi d’une postface d’Alberto Manguel qui dirige d’ailleurs cette collection d’Actes Sud.

La traduction est de Gilbert Cohen-Solal.