Solea
de Jean-Claude Izzo

critiqué par Grass, le 25 septembre 2007
(montréal - 47 ans)


La note:  étoiles
la fin de Montale
C’est avec Solea que se termine la trilogie Fabio Montale, entamée avec Total Khéops en 1995, suivi de Chourmo en 1996. Au travers de ces trois romans noirs, Jean-Claude Izzo nous fait connaître Fabio Montale, un flic de Marseille qui sera vite démis de ses fonctions, sans pour autant se sortir de la merde. Ses enquêtes tournent toutes autour de la Mafia Marseillaise, du racisme omniprésent dans cette ville cosmopolite, des problèmes de gangstérisme chez les jeunes des cités.

Loin d’être un justicier, Montale est avant tout un humain nostalgique et romantique. Les trois romans voguent dans cette sphère où règnent les vieux souvenirs, le bon temps passé, les amours perdues. Avant de se lancer dans la police, Montale, avec ses vieux amis Manu et Ugo, s’adonnait à braquer les dépanneurs, les pharmacies. Maintenant que Manu et Ugo ont été descendus par la Mafia et que Lole, celle qui leur brisa le cœur à tour de rôle, est partie loin de son passé, Montale vit seul dans un baraque près de la mer, avec pour seules évasions les terrasses de Marseille, son bateau, et Honorine, sa vieille voisine qui veille sur lui comme une mère.

Montale est le plus beau des paumés, avec sa bouteille de Lagavulin toujours à portée de main, avec cet amour qu’il porte au bon vin, à la nourriture d’Honorine, et à sa ville, Marseille, personnage omniprésent de la trilogie. Marseille et ses lumières, avec son port au sud et ses cités au nord, où convergent Italiens, Algériens, Espagnols, Français et biens d’autres encore. Montale, comme sa ville, évoque un passé trouble mais réconfortant, et fait face à la saleté du présent la tristesse plein les yeux, sans pour autant laisser cette tristesse nuire à ses plans vengeurs.

Les histoires de Montale sont dures, pas de doute là-dessus. Mais on y trouve de grands passages, notamment sur l’amour et l’amitié, que de nombreux romans d’amour arrivent à peine à égaler. Écoutez-ça :

« -- Il a de la famille ?
-- Non, mentis-je, j’étais son seul ami.
Maintenant, il n’y avait plus une seule personne à Marseille que je pouvais appeler. Bien sûr, il restait pas mal de gens que j’aimais bien, comme Didier Perez et quelques autres. Mais aucun à qui je pouvais dire : « Tu te souviens… » L’amitié, c’était cela, cette somme de souvenirs communs que l’on peut mettre sur la table en accompagnement d’un beau loup grillé au fenouil. Seul le « Tu te souviens » permet de confier sa vie la plus intime, ces contrées de soi où règne le plus souvent la confusion. »

Montale navigue sans cesse dans ces contrées denses, seul parmi ses nombreuses amitiés, incapable d’aimer alors que les femmes occupent presque toute sa pensée. Toujours ce désir de tranquillité alors que le destin s’acharne et le pousse hors de son hamac avec vue sur la mer.
Jean-Claude Izzo a créé le personnage policier que j’ai eu le plus de difficulté à laisser aller, jusqu’à présent. Un personnage qui laisse sa marque nonchalante, probablement à l’image de son auteur, décédé en 2000.
Commencer la série avec Solea serait vous faire beaucoup de mal. C'est pourquoi je ne vous dirai rien de l'histoire en tant que telle. Et si vous en êtes rendu à ce livre après les deux autres, je ne vous pas pourquoi vous essayez réellement de vous convaincre en lisant cette critique.
en solo 10 étoiles

Le troisième volet de la "trilogie marseillaise" de Jean-Claude Izzo est le plus sombre, le plus pessimiste aussi sur le sort de l’humanité, au crépuscule du siècle passé. La mafia, ou faudrait-il plutôt dire aujourd’hui "les" mafias, tant l’esprit mafieux s’est emparé de la politique et de l’économie mondiale, est au cœur du récit. Babette, une amie (ou un peu plus que ça) de Fabio Montale, a mené une enquête approfondie sur les liens entre mafia et finance internationale, tissés au travers de l’évasion fiscale, du blanchiment de l’argent sale et de multiples opérations aussi juteuses qu’occultes, avec des complicités au sein même de l’appareil d’état. L’enjeu est de taille et la mafia, avec ses grandes oreilles, a vite fait d’être tenue au courant de ces investigations. Fabio va tout faire pour protéger Babette et la mettre à l’abri, mais il va accumuler les imprudences en croyant faire le bien, et va mettre en grand danger la plupart de ses amis. Un polar haletant, dont on ne parvient pas à se détacher et qui vous poursuit bien au-delà de la dernière page. Jean-Claude Izzo a lâché là ses dernières munitions, avant l’inoubliable "Soleil des mourants", ode à la misère, qui clôturera sa trop courte carrière littéraire.

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 8 février 2023


Relire l’excellente critique de Grass 9 étoiles

Déjà dans Total Khéops, le fond m’était apparu gris souris, malgré ce séducteur de Montale, alors je me doutais bien que la suite et l’épilogue tourneraient en série noire, et que même au pays de la grande bleue, le poulpe n’aurait nul besoin d’aider l’auteur, à jeter son noire d’encre sur son récit.

Pierrot - Villeurbanne - 72 ans - 25 mars 2016


Izzo nous manque vraiment 10 étoiles

Je renvoie à ma critique de Total Khéops, les qualités des trois tomes étant très proches et celle de Grass très pertinente pour Solea.

Falgo - Lentilly - 85 ans - 16 février 2011