Eloge du désir
de Blanche de Richemont

critiqué par G., le 19 septembre 2007
(Rambouillet - 49 ans)


La note:  étoiles
le désir du désir d'être
Il est des livres qui bouleversent et qui continuent de bouleverser, marquant intimement le cours de notre existence. Un de ceux-là illumina, pour moi, un été humide, au point de me faire réaliser combien belle fut la rencontre d’un livre, cet été-là, comme belle peut être la rencontre d’une personne, au détour d'une rue, dotée d'une authenticité qui sonne juste, au creux de l'oreille. Car, je l'ai lue et comme bue, cette douce fraîcheur des mots choisis par une âme lumineuse et bienveillante, forte de ses conclusions et de ses décisions assumées. Après avoir exploré le désert en ayant mené une réflexion sensuelle et spirituelle sur lui, dans un essai publié en 2004 intitulé "Eloge du désert", Blanche de Richemont s'est plongée dans une réflexion poétique et philosophique sur la puissance et le sens du désir. Après des études de philosophie de l'Art et de nombreux voyages, cette quasi-trentenaire prolonge ainsi ses interrogations existentielles, riches de ses diverses expériences. Au coeur du désert, elle a découvert la puissance du désir. Il ne lui restait plus alors qu'à en faire l'éloge. Disposant d'une clarté pénétrante, elle nous livre un livre très personnel touchant un thème universel. La simplicité de l’écriture célèbre ce questionnement omniprésent portant sur le désir d'être : ce désir qui régit notre vie, qui nous révèle. Un désir vrai est fondateur. Constamment, se pose la question de la direction à prendre au moment de diriger la barque de notre existence. Cet élan, d'où nous vient-il ? Et surtout, vers où nous pousse-t-il ? L'essentiel n'est-il pas de vivre à notre image, pour ne surtout pas passer à côté de sa vie en se mettant de côté ? On le constate bien, à force de rencontres et de voyages, que vivre pleinement est primordial. Peut-on apprendre peu à peu à vivre de désir ? Blanche de Richemont, dans cet ouvrage, cherche à comprendre le mystère de cette force qui nous pousse à nous dépasser envers et contre tout. Rien de définitif n'est affirmé, si ce n’est qu’un désir authentique issu du corps et de l'esprit est l'expression de ce qu'il y a de plus sacré en nous. Il anime l’existence et lui donne tout son sens. Cet ouvrage me semble précieux pour la bonne et simple raison qu’il ravive le désir du désir, rappelant que la volupté nous élève. De surcroît, de nombreuses citations, ainsi que de nombreuses anecdotes se basant aussi bien sur sa propre expérience que sur celle de ses proches, enrichissent la teneur du propos, portée par une écriture limpide et enjouée, où l’auteur dévoile beaucoup d'elle-même. Une véritable mise à nu qui, par une magnifique apologie du désir, n’est pas sans rappeler que le désir naît le plus souvent d'un manque. De par ce fait, il était alors inévitable qu’à force de s'interroger sur le sens du désir, l’on aboutisse aussi à une subtile critique de la société, dès lors que celle-ci favorise la naissance de multiples désirs, sans toutefois favoriser la quête intime du désir. Si le désir se ressent, il peut aussi se comprendre ; c’est ce que ce livre m’a bien fait comprendre.
de l'avoir à l'être 10 étoiles

Ce magnifique essai nous rappelle que notre société de consommation, qui crée des désirs orientés vers l'avoir et le quantitatif, est une source de leurre, car nous oublions l'essentiel : l'être, et au-delà, le sens du sacré.
Je ne peux en parler mieux que G., mais citer quelques phrases que j'ai relevées et qui vous inciteront peut-être à jeter un regard à l'intérieur du livre, à déguster lentement :
"Nous sommes seuls responsables de n'avoir pas osé la vie dont nous rêvions. Le poids de la famille, du devoir, n'est jamais une excuse. Si nous nous sacrifions, c'est que nous le voulons bien. Nous avons toujours le choix. Seule la peur peut expliquer notre incapacité à revendiquer un désir fort en nous."
"L'ailleurs ouvre les yeux. J'ai découvert dans le désert la relativité de mes certitudes, la beauté de l'errance, la densité de la souffrance humaine. [...] Le nomadisme nous enseigne le voyage immobile. Il éduque le regard, il nous apprend à voir en déchirant le voile de nos habitudes. Chaque jour devient une traversée et non une fatalité. L'ailleurs est en nous."
"Toujours les certitudes étouffent. Elles rassurent mais réduisent le champ de vision. [...] Il n'arrive jamais rien à ceux qui ne s'aventurent pas hors de leurs repères."
"Comment avancer si nous ne croyons plus à l'impossible ? Comment nous construire si nous n'osons plus être inutiles, crier dans le vide, semer sur des macadams ?"
"Nous donnons trop d'importance à nos lamentations. On s'inquiète de nos souffrances quand il faudrait seulement les laisser nous traverser. Elles font partie de la vie. Elles ne sont pas si graves. C'est leur faire trop d'honneur que de les laisser nous désenchanter."
"L'artiste a un rôle à jouer dans la dynamique du désir. Son regard peut restaurer la féerie. En nous apprenant à voir autrement, il réenchante le réel et nous fait découvrir la possibilité d'une autre réalité. Une musique nous fait entendre autrement, un nu redonne des courbes aux formes, un poème réveille un coin d'âme."
"Sa vertu n'était que le masque de la peur d'oser : il se protégeait derrière les conforts sociaux, la carrière, la famille, l'argent. [...] Par souci d'être un homme respectable, il avait abjuré une part de lui pour entrer dans les lignes. Mais on n'échappe pas à soi-même."
"Le souci de faire comme tout le monde, de ne pas se sentir trop seul nous dévie souvent de notre voie."

Cyclo - Bordeaux - 78 ans - 5 avril 2013