Monsieur de la Ferté
de Pierre Benoit

critiqué par Antinea, le 18 septembre 2007
(anefera@laposte.net - 45 ans)


La note:  étoiles
La guerre malgré eux
Août 1914, la guerre entre la France et l’Allemagne est déclarée. Le lieutenant de la Ferté, en place au Gabon, colonie française, doit conduire ses hommes dans la jungle équatoriale en vue de contrer une probable attaque du Cameroun, colonie allemande. Ses effectifs sont en grande partie des tirailleurs sénégalais mais aussi des subalternes européens, caporaux, adjudants et sergents. Parmi eux, l’adjudant Couprie jalouse son supérieur et tente de lui mettre à dos les autres gradés. Au milieu de cette épaisse jungle où résonnent « les tambours parlants » indigènes, parcourant des kilomètres dans la moiteur de l’air, les piqûres des mouches tsé-tsé et les morsures des sangsues, de la Ferté fait avancer ses pelotons, non sans peine. Dans l’ombre, une colonne ennemie avance, menée par le lieutenant Angel Von Wernert. La guerre qu’ils se font, au nom de leurs pays bien éloignés, va les rapprocher.
A l’image de précédents livres critiqués ici, ce roman de Pierre Benoît peut paraître un peu « colonialiste » si l’on sort les propos et le vocabulaire utilisés par l’auteur de leur contexte. Cependant, la compassion du lieutenant pour ses tirailleurs sénégalais et pour Nyem, le pygmée malin et mystérieux qui le guide, montrent bien le respect du gradé pour ses pauvres soldats.
« Monsieur de la Ferté » est un peu différent des autres écrits de Pierre Benoît, car il n’y a pas d’héroïne. Le A qui commence d’habitude les noms des femmes de Pierre Benoît est ici porté par le lieutenant allemand, et ce n’est pas un hasard : l’homosexualité d’Angel von Wernert est à peine masquée. De la Ferté, lui, garde une part de mystère. Il est intelligent, attire beaucoup les femmes, mais, à la différence de ses amis de régiment, il n’est pas marié. Il est différent des autres, il le pense lui-même. Il est plein de respect pour son ennemi avec qui il entretient des relations courtoises qui frisent l’absurde en ces temps de guerre. Une relation homosexuelle platonique (on ne va pas plus loin que le touché des mains) est suggérée entre ces deux hommes que pourtant tout doit séparer.
Un livre avec une plume toujours aussi fluide et riche, un régal, avec en plus cette touche de « non-dit » sur un sujet très actuel, sur fond de guerre coloniale.
Guerre coloniale 7 étoiles

Monsieur de la Ferté est un officier français en Afrique qui reçoit la mission périlleuse de faire mouvement avec ses divisions à travers la brousse (nous sommes entre les deux guerres) . Il sera confronté aux troupes ennemies allemandes, dirigées par l'officier Angel von Werner. Entre les deux officiers, qui partagent la même noble vision de l'honneur et du sens du devoir, se développe une relation plus forte construite sur une attirance physique subtilement suggérée par l'auteur. Un peu comme dans Mademoiselle de la Ferté, qui suggérait une attirance homosexuelle féminine, Pierre Benoit traite ici d'une forme particulière d'amour entre hommes, basée sur une attirance physique et un sens élevé de l'honneur et du devoir.

Comme à son habitude, on peut dire que l'auteur mène bien son roman et que son récit rondement mené tient le lecteur en haleine. Pourtant, je n'ai pas retrouvé le charme du roman presque éponyme, Mademoiselle de la Ferté, dont le cadre naturel (les Landes) m'avait plus attiré que cette histoire de soldats dans la brousse.

Saule - Bruxelles - 58 ans - 1 juin 2012


La guerre 8 étoiles

Ceci est mon premier roman de Pierre Benoit.
Une histoire d’amitié virile en plein milieu des combats entre un officier anglais et allemand.
Bonne description de la progression des troupes au sein d'une nature très hostile et l'ambiance bien représentée.
Un livre que l'on a difficile de quitter.


Koudoux - SART - 59 ans - 2 juillet 2011


Prospective. 10 étoiles

Amateur des romans de Pierre Benoit, aussi variés que passionnants, Monsieur de la Ferté est sans doute un récit visionnaire. En effet écrit en 1934, l'auteur anticipe le monde de demain qui au final est celui d'aujourd'hui. A l'aube de la première guerre mondiale, il apparait que pour lui elle recèle le ferment d'une guerre suicidaire et auto destructrice de l'Europe au sens large et de la race blanche en particulier. Durant tout le siècle précédent l'occident chrétien puis la société séculière européenne a été le modèle et le moteur social, artistique, religieux, etc;;; pour les autres peuples. Plutôt de garder ce cap les nations "civilisatrices" animées par un stupide orgueil se sont affrontées et déconsidérées aux yeux des peuples qu'elle cherchaient à mener là où elles étaient arrivées. Pierre Benoit nous laisse supposer ce que serait aujourd'hui le monde s'il avait fait l'économie des deux "boucheries" du 20ème siècle. Rêvons ce qu'il pourrait être pour nous et pour tous. Il rejoint le merveilleux roman d'Eric Emmanuel Schmitt intitulé la part de l'autre qui offre une autre vision du siècle en modifiant quelques-unes de ses funestes causes. Loin d'être désagréable, son style toujours aussi limpide nous permet de progresser dans la jungle tropicale et de vivre aux côtés des hommes qui luttent contre la nature difficile des éléments mais aussi d'eux-mêmes.
A lire et à faire lire de toute urgence ce récit d'une constante actualité qui permet de comprendre bien des choses.

Angel54 - - 70 ans - 11 septembre 2010