Dis à ma fille que je pars en voyage
de Denise Chalem

critiqué par Jean Meurtrier, le 4 septembre 2007
(Tilff - 49 ans)


La note:  étoiles
Conciliabules en cellule
Dominique, incarcérée depuis 7 ans, est contrainte de partager sa cellule avec une nouvelle venue, Caroline Prato. Tout oppose les deux femmes et pourtant elles vont rapidement devenir complices. Dominique, la petite cinquantaine est une forte tête, grossière, peu soigneuse et un poil raciste, conséquence de sa vie en banlieue. Caroline, petite bourgeoise âgée de 35 ans se montre coquette, méticuleuse et cultivée.
Dominique aide Caroline à supporter l’univers carcéral et ses combines, rackets, mauvais traitements... Cependant, aux yeux de Dominique, la prison propose également des avantages (ne plus faire le trottoir pour vivre par exemple) au point qu’elle en vient à redouter le jour de sa sortie.
Au fil des semaines, les deux détenues se confient l’une à l’autre. Caroline raconte le motif de son emprisonnement. En tant qu’expert-comptable elle a commis d’énormes fraudes au profit de sa société, dirigée par un homme dont elle était amoureuse, et qui l’a pourtant trahie. De son côté, Dominique a tué son mari puis s’est livrée à la justice. Motif invoqué : monsieur ronflait.
Les nombreuses scènes de cette pièce, véritables tranches de vie carcérale étalées sur 6 mois, s’enchaînent naturellement. Les personnages relativement typés sont crédibles, tout comme l’évolution de leur relation.
Cette pièce m’en a rappelé une autre qui se déroule dans une prison pour femmes : «Quelle santé» de René Bruneau. Le message, pas très original mais essentiel, est identique : plus que la nature humaine, ce sont les circonstances qui poussent au crime. Malheureusement, elles ont moins d’intérêt aux yeux d’un tribunal qu’une preuve de culpabilité. Inversement, les salauds ne sont pas nécessairement ceux qui purgent une peine. Solange, une des surveillantes, se montre d’ailleurs particulièrement sadique.
Bien que (ou peut-être parce que) cette oeuvre ne nous force pas à faire transpirer nos neurones en mélangeant plusieurs niveaux d’interprétation, sa lecture limpide nous offre du plaisir de bout en bout, sans temps mort.