Le puits de Jacob
de Pierre Benoit

critiqué par Antinea, le 4 août 2007
(anefera@laposte.net - 45 ans)


La note:  étoiles
La terre promise
A l’aube du vingtième siècle, dans les bas-fonds de Constantinople, la petite Agar Mosès tente de survivre. Elle est orpheline, juive d’origine et trimbale sa misère à la manière d’un Oliver Twist aux portes de l’Orient. Sous le regard indifférent d’une population pourtant marquée par un récent génocide, la pauvrette écorche ses mains pour s’assurer de quoi manger et subit les sévices de la rue. Mais Agar n’est pas bête, elle le sait. Elle est aussi très belle. Une maquerelle fait d’elle une danseuse exotique. Les cabarets qu’elle fréquente, plus ou moins corrects, lui assurent une subsistance moins difficile mais tout aussi affligeante que la précédente. De ville en ville, Agar, sous le nom de Melle Jessica, fait le tour du Proche-Orient, vendant son art et ses atouts pour le champagne et la maigre recette que lui assure son triste métier. Jusqu’au jour où dans la salle, un petit homme aux lunettes noires, idéaliste et laid vient lui faire une proposition d’un tout autre ordre que celles auxquelles elle était habituée jusqu’alors : l’emmener dans la colonie juive qu’il dirige, le puits de Jacob, partie infime de ce projet fou de ramener tous les juifs du monde sur leur terre d’origine.
Une fois de plus, l’héroïne de Pierre Benoit est une femme superbe maltraitée par les hommes. Peut-on y voir un élan féministe ? Peut-être bien, mais la femme de Pierre Benoît se doit de respecter quelques critères pour être ainsi défendue : allier beauté et intelligence. Agar est indépendante, débrouillarde - par nécessité - mais reste féminine, futile parfois, s’égarant à l’occasion vers le clinquant et les apparences. Mais elle est intelligente et idéaliste, rêveuse aussi. La recherche éperdue du bonheur lui fera rencontrer bien des obstacles, ces hommes, toujours « amoureux » d’elle, qui n’ont pas d’autre but que leur propre plaisir, pauvres êtres à la limite du ridicule que Pierre Benoît singe avec adresse et peut-être sans intention.
Avec son héroïne juive au métier séculaire, son sujet polémique - le retour en Palestine, l’établissement des premières colonies -, et son vocabulaire sans concession - les mots « sionisme » et « race » -, « Le puits de Jacob » pourrait tomber mal-à-propos dans le contexte d’aujourd’hui. Mais lors de sa parution, entre les deux guerres, ce roman de Pierre Benoît ne pouvait pas plus choquer que les articles franchement ségrégationnistes qui fleurissaient dans les journaux. Cependant, l’auteur ne porte pas de jugement, ne tente de faire passer aucun message qui envisage qu’on le soupçonne d’antisémitisme. Il se contente de poser là son décor, d’Istanbul à Paris, en passant par le mont Carmel, des bouges aux cabarets, en traversant l’abondance des plaines cultivées de Palestine en prenant les yeux d’une femme souillée par la vie. Cette terre promise, c’est le droit de vivre autrement que dans la fange, c’est le droit à la dignité, le respect de la femme.
La terre rendue ! 8 étoiles

LE PUITS DE JACOB de Pierre Benoît "Albin Michel 1925" 314,- pages

Agar Mosès naquit 1896 dans un ghetto dans la banlieue de Constantinople (anciennement BYZANCE rebaptisée ISTANBOUL en 1926).
Vite orpheline, elle mendie mais apprend les langues. Elle est jolie, intelligente et apprend vite les lois de la rue et de la débrouille.
On la retrouve à Salonique puis à Beyrouth et enfin à Alexandrie comme danseuse dans un boui-boui. Et voilà la rencontre providentielle avec Isaac Cochbas, administrateur de la colonie juive Le Puits de Jacob, Elle est de naissance hébraïque, lui aussi et il la convainc vite malgré son apparence disgracieuse ce qui s'appellera plus tard un kibboutz, (ou colonie selon la presse).
Son nom est LE PUITS DE JACOB.
Le puits de Jacob est un puits profond donné par Jacob aux Samaritains et évoqué dans la Bible, au chapitre 4 de l'Évangile selon Jean qui relate la rencontre de Jésus avec Photine. Ne pas confondre ce puits avec celui où Jacob rencontre sa future femme Rachel.
Il est est situé à Sychar une ville de Samarie
Là y vit une communauté où Agar s'appelle désormais Rebecca et s'y intègre vite.
Rebecca et Isaac se marient et elle décide de se consacrer à la survie de la communauté. On travaille dur et les revenus du groupe sont au plus bas et demande un passage pour récolter de l’argent auprès des frères hébreux !...
Mais l'état de santé d'Isaac Cochbas se dégrade et c'est Rebecca qui devra aller lever des fonds auprès du baron Rothschild.
A Paris, ville lumière, rien ne se passe comme prévu, mais Rebecca n'oubliera jamais ses amis du Puits Jacob et se dépossédera de ses biens pour que vive la colonie.
Il ne faut pas croire qu’elle s’efforçait d’oublier que le prix d’un de ces soupers en cabinet particulier eût suffi à faire vivre un jour les quatre-vingts malheureux du Puits de Jacob. Elle y songeait, au contraire, depuis le caviar jusqu’au champagne final. Mais comme certains plaisirs seraient vulgaires s’ils n’étaient pas rachetés, multipliés, par la certitude de la damnation !

Un roman plaisant à lire pour tout qui ne dénigre pas le peuple hébreu. Une histoire romanesque plaisante qui décrit aussi bien la misère des pogroms que la naissance des colonies sur des tas de pierre de personne ne revendiquait à l'époque.
Historiquement la Palestine (sous mandat de la Grande Bretagne) recevait mandat par Le Conseil de la Société des Nations pour la reconnaissance des liens historiques du peuple juif avec la Palestine et des raisons de la reconstitution de son foyer national en ce pays. Et cela date de 1923 !

Bonne lecture

Monocle - tournai - 64 ans - 25 octobre 2024


Pierre Benoît en terre promise 8 étoiles

Ce roman est épuisé, mais j'ai trouvé une édition en livre de poche d'occasion, une édition de 1925, un peu jaunie et à l'odeur caractéristique des vieux livres.

Pierre Benoît revenait d'un séjour en Orient où il avait rencontré des juifs qui désiraient créer un état juif et établissaient des colonies en Palestine. Ayant pris de sympathie la cause sioniste, il écrivit ce roman très caractéristique de son style. Il y a tout ce qu'on aime trouver chez l'auteur, l'exotisme, une femme fatale, belle et courageuse, qui a le sens du sacrifice. Des amours impossibles, des amants flamboyants. Tout ça fait un peu roman d'aventure pour jeune adulte, mais en même temps il y a beaucoup de références culturelles aussi. Ajoutons à cela que tout ça est parfaitement ficelé et on n'aura aucun remords à se plonger avec délice dans ce livre.

Saule - Bruxelles - 59 ans - 29 mai 2012


Une pépite livresque. 10 étoiles

L'aventure de cette femme est captivante et nous fait admirer le combat des premiers sionistes du début des années 20 pour permettre au peuple juif de retrouver ses racines originelles. Seuls des esprits incultes pourraient considérer ce livre comme antisémite, bien au contraire, avec délicatesse Pierre BENOIT nous démontre combien la quête sioniste semble légitime car inspirée par une subjectivité spirituelle. S'il évoque la Race juive, c'est au sens laudatif le plus noble, hélas ce concept n'est même plus apprécié par nos contemporains déformés par une méconnaissance conceptuelle.
Agar/Jessica, l'héroïne principale est bien plus noble qu'elle n'y paraît; elle symbolise la fusion de l'Israël terrestre et céleste. Peu le perçoivent et beaucoup des fils du Peuple Elu faillissent à leur mission mais une élite sait ce qu'elle représente et balise son chemin.
La fin du récit est un retour initiatique et symbolique de ces "Enfants de Dieu" vers la Terre qui leur est donnée éternellement par Celui dont ils n'ont pas le droit de prononcer Le Nom ! Roman incontournable à lire au premier et au second degré. Oui vraiment Pierre BENOIT est un très Grand !

Angel54 - - 70 ans - 15 janvier 2012