Spiritus
de Ismail Kadare

critiqué par Sahkti, le 1 août 2007
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Le communisme, et après?
Spiritus ressemble à un conte, décomposé en trois actes: Chaos, Révélations et Vestiges.
Un équipe enquête sur les horreurs du communisme et les traces que ce régime a laissé dans les esprits des habitants ayant eu à supporter de telles années de souffrance. Nous sommes en Albanie, la délégation d'enquêteurs est à la recherche de phénomènes dits surnaturels qui auraient vu le jour dans les pays jadis soumis au joug communiste. Des phénomènes, il y en a eu, nombreux, mais un a retenu plus particulièrement l'attention de la population, du pouvoir en place et maintenant de ces hommes venus examiner les faits sur place. Nous nous trouvons en présence d'un message d'outre-tombe demandant à l'Occident, la France notamment, de venir au secours de l'Albanie et de son peuple. L'émoi est vif...

Une fois de plus, Kadaré utilise la forme du conte, de la fable, pour évoquer les problèmes de son pays. Cette fois, nous voguons entre le post-communisme et les années noires de Hoxha. Le lecteur se trouve confronté à la censure (la pièce "La Mouette" est interdite), au culte quasi divin voué au dictateur dans la peur et le désespoir, l'absurdité d'une bureaucratie étouffante, les espoirs déçus d'un peuple qui s'en remet à des mondes imaginaires et aux esprits dans le but de quérir une amélioration de la situation.
Tout en finesse, avec subtilité, poésie et aussi une bonne dose d'humour grinçant, c'est de la sorte que Kadaré dresse un bilan guère glorieux de l'état de l'Albanie après la chute du chef sanguinaire qui a régné sans pitié sur une population épuisée. La vision n'est pas réellement pessimiste mais elle n'est pas joyeuse, il n'y a ni fête ni sentiment de liberté, le pays est écrasé par la misère et la peur et les traditions ont la vie dure.
J'ai aimé ce roman, tout en lui reprochant de temps à autre quelques longueurs. Kadaré prend son temps pour pénétrer l'âme de ses personnages et il est intéressant de se glisser dans la peau d'un chef de sécurité ou agent de renseignement lorsqu'il se trouve face au miroir de la bêtise humaine et qu'il prend conscience de la folie d'un système.