L'Oeil du Purgatoire
de Jacques Spitz

critiqué par B1p, le 31 juillet 2007
( - 51 ans)


La note:  étoiles
Le jour où l'homme se vit poussière
« L’Oeil du purgatoire » vient d’être adapté en bande dessinée par Jean-Michel Ponzio sous le titre « Dernier exil », et l’excellence du résultat m’a tout naturellement poussé à découvrir l’œuvre originale.
La bande dessinée y est extrêmement fidèle, allant jusqu’à reprendre textuellement certains passages du roman, ce qui m’a fait craindre le pire pour l’intérêt de la lecture, au moins jusqu’à la moitié du roman.
Mais, heureusement, on serait tenté de dire que la bande dessinée se termine alors que le roman ne fait que commencer.

Un peintre quadra largement misanthrope tente de coucher ses humeurs sur la toile tandis qu'il désespère de plus en plus de la vie et du genre humain. Au cours de ses balades le long des quais de la Seine, il croise un vieux fou qui dit être un génie. Autant par curiosité que par désœuvrement, il tend une oreille aux délires du vieux, à ses conceptions du passé, du présent et du futur avant de retourner à son atelier et de tenter péniblement de coucher quelque chose d'intéressant sur ses toiles. D'autant plus difficile que sa copine l'abreuve de paroles là où il ne voudrait entendre que le silence.
Mais tout cela, toute considération rationnelle de l’existence disparaît dans le chef du héros à partir du moment où il est victime d’un mal étrange, évolutif, et qu’il est de plus en plus spectateur de la marche du monde et de son irrémédiable déchéance.

Dans la préface de l’édition que j’ai eue sous la main, on dit que l’intérêt des romans de Jacques Spitz est de partir du genre fantastique pour tresser des contes philosophiques pouvant subjuguer par leur poésie, un peu comme du Barjavel. « L’œil du purgatoire » n’est certes pas un poème, mais il est certain qu’à partir de la moitié du bouquin le récit se détache d’un roman classique pour laisser entrevoir quelque chose de plus métaphysique : « L’œil du purgatoire » devient l’expression de l’angoisse d’un homme de plus en plus en décalage avec le monde. Mais plus que ça, au fur et à mesure qu’on avance dans le récit, c’est le monde et sa finitude, l’insignifiance de l’Homme face à la marche du temps qui finit par subjuguer. Car la disparition de l’Homme sera suivie par la disparition des étoiles, et tout, un jour ou l’autre, sera réduit en poussière.

C’est très beau. C’est triste aussi car l’impuissance de l’homme entraîne sa déchéance. Mais la beauté de l’écriture et sa modernité (le texte n’a pas pris une ride) pousse le lecteur à aller jusqu’au bout.

Une lecture que je recommande chaudement !
Littérature blanche de la science-fiction 9 étoiles

L'oeil du purgatoire est un roman qui explore les limites de la SF. C'est une fiction certaine, mais inclassable parmi les sous-genres conventionnels. Bien qu'ensemencée par un facteur biologico-scientifique ôtant la propension mystérieuse du récit, l'intrigue invite le lecteur à suivre l'errance introspective du héros dans le monde réel et dans un univers « fantastique » improbable : le futur proche.

A titre de comparaison, les fleurs d'Algernon est l'oeuvre la plus analogue qui me vient à l'esprit. Je pense aussi à le palais des rêves de Kadaré ou le mur invisible de Haushofer qui, usant d'un ferment futuriste ou imaginaire pour constituer le cadre de leur action, développent un biotope littéraire brillant.

Bien que par moment troublé par une prose relativement ancienne (1945), Spitz nous offre, avec L'oeil du purgatoire, un court ouvrage plein d'humour, acerbe, psychologique, maniant la nuance des sentiments comme un art et la subtilité en une géniale abstraction.

Lolo6666 - - 51 ans - 23 mars 2020


Très bon livre à conseiller. 9 étoiles

Très , très bon livre
Je le conseille vivement.
Cordialement.
Gael do Rozario.

Gaeldorozario - - 45 ans - 29 décembre 2010