Dictionnaire amoureux de la Russie
de Dominique Fernandez

critiqué par Shelton, le 27 juillet 2007
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Vos valises sont-elles faites ?
Voici une lecture idéale pour l’été, pour l’invitation au voyage. Oui, l’été c’est fait pour lire, mais c’est aussi, souvent, du moins pour ceux qui en ont les occasions et les moyens, le temps du voyage. Pour les autres, tous les autres, le livre peut permettre ce dépaysement, cette rencontre avec l’autre…
Dominique Fernandez nous invite à mettre les voiles pour la Russie, pas la Russie de Poutine, mais la Russie éternelle, celle qui est hantée par l’âme slave. Il nous propose un dictionnaire amoureux de la Russie qui commence par un article que j’ai trouvé passionnant et émouvant sur la poétesse Anna Akhmatova. C’eut pu être une femme banale, une poétesse aux textes de quatre sous, mais il a fallu que le régime la harcèle, la brime, la transforme en victime pour que ces textes s’épaississent et deviennent l’expression de la douleur incarnée… Requiem sera son meilleur travail… « Ce noir malheur fait ployer les monts, et de couler le grand fleuve cesse ; mais toujours solides les prisons, avec le bagne pour horizon et l’insondable détresse »… Il faudra attendre longtemps pour que Anna connaisse l’estime, la reconnaissance qu’elle mérite. C’est à partir de 1962 qu’elle revient sur le devant de la scène, qu’elle est citée et saluée par Soljenitsyne, mais elle meurt en 1966, en même temps que Staline… Dominique Fernandez ne se limite pas aux écrivains, il évoque aussi les lieux, les villes, les monuments, les personnages… Vous constaterez que les pages racontant Raspoutine sont excellentes et basées sur les documents les plus récents.
Vous pourrez craindre, du moins certains d’entre vous, les plus de huit cents pages qui composent cet ouvrage mais elles se lisent si bien, avec tant de bonheur et de plaisir, de curiosité et de romantisme slave, que je suis certain que tous ceux qui aiment ce grand pays aimeront ce texte simple et plein d’amour pour la «slavitude»…
C’est pour moi un véritable coup de cœur d’autant plus que c’est dans ce pays que Shelton a choisi d’aller en voyage de noces avec une certaine Mrs Jones, mais c’était, il y a déjà quelques années... Moscou, Le lac des cygnes par la troupe du Kremlin, Saint-Pétersbourg, l’Hermitage dans toute sa beauté, la Néva avec encore un peu de glace… Oui, on retrouve tout cela dans le bouquin de Fernandez avec ces écrivains, ces musiciens, ces artistes qui ont fait rêver l’Europe… et le font encore.
Amoureux, ça veut dire subjectif 8 étoiles

Il est tout sauf consensuel, tant mieux. Pourquoi a-t-il choisi d’inclure un chapitre sur Nicolas Poussin, sur Malaparte ou Carlo Levi ? Pourquoi a-t-il écrit sur le blocus de Leningrad mais pas sur la bataille de Stalingrad ?

Le chapitre sur la danse est trop court, j’aurais aimé lire plus sur Diaghilev, Nijinski et Noureev. La section sur la littérature soviétique m’a étonnée. Fernandez essaie d’expliquer son échec en faisant un détour par la théorie de Freud.

Lire ce dictionnaire, c’est écouter un ami très cultivé disserter sur la culture russe. Des fois je l’approuve, des fois nous sommes en désaccord. Il m’a donné envie de découvrir Gorki et Eisenstein et il m’a éblouie avec sa culture musicale. Dictionnaire amoureux, ça veut dire subjectif !

Béatrice - Paris - - ans - 4 juin 2010