Yalo
de Elias Khoury

critiqué par Sahkti, le 27 juillet 2007
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Beyrtouh, encore et toujours
"Or la guerre avait fait couler les mots comme elle avait fait couler le sang, et les gens ne croyaient plus rien, ni les mots, ni le sang."

Une ville qui ne me lâche pas, une guerre qui hante ses écrivains.
Daniel, surnommé Yalo, est un homme sauvage qui a vécu la guerre et a vécu dans un Beyrouth meurtrier. Une violence et une tension qui ont petit à petit mené sa mère vers la folie. Yalo a été élevé avec son grand-père syriaque ainsi qu’un prêtre éduqué par un cheikh kurde. Difficile de trouver sa place et ses racines face à un tel mélange, dans un pays qui ne se reconnaît plus lui-même. Alors Yalo s’enfuit à Paris mais un avocat le ramène au pays et l’embauche comme gardien de sa propriété. Voilà Yalo devenu soldat privé, surveillant sans cesse, armé jusqu’aux dents, oubliant la douceur au profit d’instincts bestiaux qui le poussent à voler et à violer.
Yalo n’est plus celui qu’il était, il s’oublie dans la fureur jusqu’au jour où il tombe amoureux de Chirine, une femme qu’il a violentée, qui le séduit et le repousse, et ainsi de suite jusqu’à la trahison. Yalo est enfermé, interrogé, bousculé, il ne sait plus qui il est et se sent, face à ce vide, incapable de répondre aux questions. Solitaire, ne supportant plus la douleur de vivre, Yalo se met à écrire dans sa cellule, il veut raconter sa vie, retrouver son passé et le coucher sur papier. Mais celui-ci ne cesse de fuir, Yalo perd sa propre trace, c’est infernal. Il se sait condamné à perpétuité et pourtant, il voudrait ne pas mourir anonyme, il doit savoir qui il est.

Combat beau et pathétique à la fois d’un homme qui n’a plus d’espoir mais cherche à retrouver un semblant d’identité avant de partir définitivement. Elias Khoury fait passer avec beaucoup de force et de poésie la souffrance qui est celle de Yalo et le combat qu’il mène, on s’attache à ce personnage pourtant peu recommandable. Yalo veut écrire son histoire, il aimerait qu’elle se termine bien, surtout pour sa maman, même si celle-ci perd la tête, c’est un cadeau, une sorte de testament. Beaucoup d’émotion dans ces lignes de Khoury, d’humilité aussi. Les mots deviennent magiques et envoûtants même lorsqu’ils traduisent l’horreur. Car il ne faut pas oublier que le Liban est en guerre, que celle-ci, comme toutes les guerres, est moche et meurtrière, que des hommes y ont perdu leurs illusions, des femmes leurs enfants et que tout cela conduit le plus souvent à un déracinement complet et une perte de ses repères. Yalo, c’est le symbole du chaos mental propre à toutes les guerres.
Le labyrinthe de l'âme humaine 9 étoiles

Beyrouth , la guerre civile bat son plein.
Yalo , un jeune libanais sommé d'avouer les faits est soumis à un interrogatoire brutal.
Les enquêteurs le torturent et exigent de lui des aveux écrits. Yalo , sous la plume de son double Daniel livre sans concession une confession autobiographique et familiale, rédemption ultime vers sa renaissance.
Un livre labyrinthe qui se glisse dans les méandres de l’âme humaine.
Un beau livre.

Lalige - - 50 ans - 19 janvier 2014