Sous le volcan (Au-dessous du volcan)
de Malcolm Lowry

critiqué par Fredolvq, le 13 juin 2007
( - 73 ans)


La note:  étoiles
cendres...
Je suis en train de relire Sous le Volcan, pour la cinquième ou sixième fois. Cette fois-ci dans l’édition que Grasset a publiée. Je l’avais d’abord lu dans la traduction que Nadeau proposait chez Buchet Chastel, avec un autre titre, Au-dessous du Volcan, qu'on trouve encore peut-être en folio, et qui m’a toujours paru plus poétique, plus belle mais… moins claire ! … Et un peu de clarté, ce n’est pas mal venu dans ce brouillard infernal, au milieu des nuées fumeuses (évidemment !), de cette brume de cendres et de vapeurs éthyliques que déverse généreusement sur ses lecteurs la prose volcanique (évidemment !) et étouffante de Lowry. Oui ! Avec Lowry, on étouffe. On manque d’air. Tout est saturé. Pas d’interstices, de failles par lesquels notre imagination pourrait s’échapper, nous distraire un peu de cet univers où la moindre cigarette, celle par exemple que fume et que gravement considère, Hugh, tout en se baladant à cheval sur les flancs paradisiaques du Popocatépetl, en compagnie d’Yvonne, cet univers donc, où la moindre cigarette semble vouloir se consumer à l’image de cette stupide humanité ! Ici tout est signe, symbole, avertissement. Voyez, encore Hugh qui s’adresse cavalièrement à Yvonne lors du passage d’un gué… - Votre cheval ne veut pas boire, ne tirez pas sur vos rênes, il veut juste se contempler dans le fleuve… Et elle, énervée, de répondre qu’elle sait, …Oui elle sait, mais elle tire quand même. Ah ! C’est bien les femmes, surtout les « stars » de cinéma, elles savent ! Elles savent, mais elles tirent quand même. Pauvre consul, pobrecito caballero, qui ne cherche pas tant à boire qu’à se découvrir enfin dans le miroir magique et fluide de son mescal… - Oh ! Miroir, mon beau miroir, suis-je vraiment le plus seul, le plus misérable, le plus définitivement maudit ? Suis-je bien le prince des damés ? …Oui, cher consul, c’est toi le plus beau… les chants les plus désespérés, n’est-ce pas ? Mais, non, Jeff, pardon, je veux dire Geoffroy, t’es pas tout seul ! Vois comme elle se démène, comme elle tire sur ta longe. Vois comme elle essaye de t’extirper de ce trou, de te sortir de cet enfer. Vois comme pour toi, et pour elle, vois comme elle se débat. Ta Mathilde… zut, bien sûr, c’est l’alcool ! … Ton Yvonne t’est revenue. Tout est signe, symbole, avertissement. Même, l’inoffensive pancarte interdisant de marcher sur les pelouses de ce jardin public, figure de l’Eden cela va soit, est une menace d’exclusion, un avis mortel à la population consulesque. -« Il vous plaît ce jardin ? C’était le vôtre ! Vos enfantillages vous en ont exclu ! » Tout est saturé, pas de faille, pas d’interstice, notre lecture est totalement prisonnière d’un texte compact, fermé. Ah ! On est loin justement, de « l’œuvre ouverte » de l’autre Echo (j’ai pas pu m’en empêcher !) et de l’indéterminé comme catégorie du savoir. On est loin des jeux gratuits, grotesques, et savants d’Oulipo. On est loin du Zen approximatif de Delerme. Ici foin de petite gorgée… on boit au goulot goulûment. L’interactivité, l’œuvre créée de conserve, entre un lecteur créateur tout puissant et un auteur qui poliment s’efface, c’est pas la tasse de thé (beurk !) de Lowry. Pas de blanc qu’il faudrait que nous remplissions à sa place. Lowry généreusement donne tout. Le créateur c’est lui. Il nous faut seulement le suivre… Ce n’est pas d’abord notre imagination rêveuse qui est ici requise, mais notre attention soutenue… Si possible notre intelligence. L’auteur a même le culot d’insister pour qu’on le relise si d’aventure quelques passages paraissent obscurs. Voir la lettre qu’il fait parvenir à son éditeur où il explique la construction de son livre, et démontre qu’il a raison. Il a raison ! Donc je relis Sous le volcan ! Quelques passages ont dû me sembler obscurs. Je vais tenter de suivre encore le consul. C’est un bon marcheur, on dirait que l’ivresse le porte. J’ai peur de n’être pas à sa hauteur. De n’être qu’un très petit buveur. Et puis j’appréhende le chemin, je sens qu’il va être chaotique. J’ai peur aussi que le consul ne fasse le mauvais choix et comme à plaisir ne s’égare sur la route de Parian. Et toutes ces stations dans les cantinas, on dirait qu’il a du mal à grimper son Golgotha. Il a deviné depuis longtemps qu’il va mourir. Mais quelle originelle culpabilité a pu conduire à de tels excès… Ah, je sens que je vais jeter l’éponge (sans vinaigre !) et avant que le coq n’ait pu chanter trois pages j’aurai laissé le consul à sa solitude par trop contagieuse. Et puis je lui en veux par avance, je sais que dans un élan de bonté irréfléchie, il va libérer cette cavale imbécile, affolée, qui tuera Yvonne dans un éclair. Oui il mérite son sort, ce pauvre ivrogne prétentieux, dont on lance maintenant le cadavre dans le fossé, comme on ferait d’un chien, et qui ne saura même pas que son amour meurt, certes loin de lui, mais par sa main et dans le même temps. Oui! Au moment même où on le tue et balance dans le ravin, en dessous du volcan, sans autre forme de procès, la star, elle, est aspirée vers le ciel, vers les Pléiades, qui à peine se lèvent à l'horizon. Assomption d'une huitième étoile. Je lui en veux, je ne le plains pas… comment peut-on pardonner le meurtre d’Yvonne. Car moi je l’aime cette femme, moi je l’aurais sauvée. Je nous aurais sauvés.
No se puede vivir sin amor.


...suite et fin!


Bon, voilà, c’est fait. Comme prévu, le consul a atteint son but. On vient de proprement l’assassiner, de jeter son cadavre dans le fossé, au flanc du volcan, et pour faire bonne mesure, on a lancé derrière lui, la carcasse du chien paria qui depuis l’aube le suivait comme son ombre, misérable ange gardien, néanmoins solidaire. Juste avant de mourir, le consul a croisé le regard désolé, plein de pitié, d’un vieillard. Cette pitié lui est d’abord, bien sûr, adressée, mais certainement aussi à tous les acteurs, du drame qui se déroule sous les yeux du vieil homme, assassin compris ! Car, n’est-ce pas, c’est pitié de constater la violence obligée, insane, stupide des hommes… Tout ce mal que l’humanité s’inflige à elle-même. Malédiction. Le gusta este jardin… Ah ! De cet Eden nous sommes bien définitivement bannis. Mais ce regard aperçu au dernier moment, c’est aussi la clé de l’énigme que tente de déchiffrer le consul depuis toujours… Qui suis-je ? Qui suis-je ? Qui suis-je ? … Ce regard, c’est évidemment celui de l’Humanité, blessée, souffrante, impuissante, mais compatissante, mais fraternelle. C’est grâce à cet ultime échange, en contemplant ce vieux visage, que le consul enfin sait qui il est. Dernière pensée étonnée du consul… « j’étais donc un homme ! » On croirait lire une illustration des thèses de Levinas a propos du visage d’autrui. Malcolm Lowry, qui nous a baladé en enfer pendant quatre cents pages, explique à son éditeur qu’il faut voir dans cette ultime découverte de soi une note d’espoir… Quel salaud ! Entre parenthèse, savez-vous à quoi l’on reconnaît que l’on vient de lire, vraiment, un chef d’œuvre ? A ce que tout ce que vous entreprenez de lire pendant des semaines vous tombe des mains, à la déprime qui s’en suit.
F.L.
La chronique de Froissart 10 étoiles

Il serait pour le moins présomptueux, et probablement ridicule, de prétendre apprendre quoi que ce soit aux « initiés » à l’occasion de la réédition en Poche chez Gallimard de cette œuvre monumentale, magistralement traduite de l’anglais par Stephen Spriel avec la collaboration de Clarisse Francillon et de l’auteur lui-même. Cette présentation ne s’adresse donc qu’aux lecteurs de notre magazine qui n’auraient pas eu encore l’inappréciable loisir de vivre l’expérience inoubliable que constitue cette journée à passer « au-dessous du volcan ».

L’exercice est d’ailleurs rendu particulièrement ingrat par le fait que le texte de la présente édition est encadré par une préface lumineuse de Maurice Nadeau et, en postface, par une analyse précise et érudite de Max-Pol Fouchet.
Si on y ajoute cette autre préface rédigée en 1948 par Malcolm Lowry lui-même, il ne reste guère d’espace critique à un modeste rédacteur de chroniques littéraires, qui se trouvera contraint, au milieu de quelques modestes commentaires personnels, de reprendre entre guillemets convenus et convenables quelques particules élémentaires des décryptages brillamment opérés par Nadeau et Fouchet, et une phrase ou deux de la présentation de l’ouvrage par l’auteur.

Le personnage central est Geoffrey Firmin, consul de Grande-Bretagne au Mexique, en résidence « dans un lieu où il n’y avait ni intérêts anglais ni Anglais, d’autant moins, à y réfléchir, que l’Angleterre avait rompu ses relations diplomatiques avec le Mexique ». Au moment où commence le récit de cette journée unique et particulière de 550 pages, soit le jour de la Toussaint de l’année 1938, Geoffrey, alcoolique invétéré, qui s’est démis de ses fonctions consulaires aléatoires, accessoires voire inexistantes, mais qui est resté dans la petite ville mexicaine, perdue, poussiéreuse, fantôme de Quauhnahuac, et qui semble porter sur ses épaules le poids d’une faute qui est à peine évoquée ici ou là dans le fil du récit, est sur le point de revoir et recevoir son épouse Yvonne, ex-actrice de cinéma, qui souhaite reprendre la vie conjugale après une rupture et un exil d’un an, alors que le couple est officiellement en instance de divorce.

Le même jour entre en jeu, de passage dans la résidence consulaire, le demi-frère de Geoffrey, Hugh, auteur compositeur de chansons sans succès, marin au long cours malgré lui, qui fut durant une période, courte heureusement, antisémite forcené, et qui aime Yvonne d’un amour resté platonique.

Hugh a, ou a eu, un ami, qui réside également dans la ville. Jacques Laruelle, compagnon de jeunesse du Consul, a été l’amant d’Yvonne à Quauhnahuac, où il était venu retrouver Geoffrey. Le premier des douze « chapitres » est totalement consacré à la surprise et au désarroi, à la crise de jalousie, au dépit voire au dégoût qu’il éprouve lorsqu’il apprend, ce matin-là, l’arrivée d’Yvonne.

« Mais, hombre, Yvonne est retournée ! C’est ce que je ne comprendrai jamais ! Elle est retournée à cet homme ! »

C’est pour échapper semble-t-il à la situation évidemment scabreusement dramatique qu’entretenait un an auparavant leur liaison qu’Yvonne avait pris brutalement alors ses distances, rompant ainsi simultanément avec l’époux et l’amant.

Ce sont quatre acteurs qui évoluent sur la scène à ciel ouvert de ces lieux eux-mêmes désespérés et sans perspective, à l’ombre constante et menaçante du volcan Popocateptl, et, de manière plus intermittente, du volcan Ixta, interprétant une pièce d’une longueur anticonventionnelle dans le cadre, paradoxalement classique, de l’unité de temps, de lieu et, certainement, d’action, ce qui fait de ce texte envoûtant un « roman théâtre » unique en son genre.

Texte envoûtant, oui, absolument mais incompréhensiblement envoûtant.

Un « roman » de 550 pages quasiment sans aucune de ces péripéties haletantes qui par convention littéraire « font » les bonnes histoires, sans aucun de ces rebondissements susceptibles de tenir le lecteur en haleine, sans aucun de ces grands coups d’éclat qui ont pour fonction de raviver l’appétit, sauf tout à la fin :

- lors de la mort du Consul, mort tragique, atroce, misérable, absurde, qui pourrait se résumer à celle d’un ivrogne dans une rixe à la sortie d’un bistrot, et qui serait en soi, dans une lecture toute superficielle, assimilable à l’un de ces faits divers sordides récurrents dans les journaux régionaux,

- et, juste avant dans la linéarité du texte mais à la même heure, pas très loin de là, lors de la scène fantastique, nocturne, au fond des bois, à l’issue de laquelle le lecteur présume, sans que le narrateur le confirme, que meurt également Yvonne, sous l’assaut d’un cheval fantôme, au même moment donc que son mari.

Un « roman » de 550 pages au fil des premières 500 pages de quoi il ne se passe quasiment rien en matière d’événements dynamiques, voilà qui pourrait être d’un ennui mortel. Mais non ! On est pris, dès le début, dans un double cheminement : les protagonistes se déplacent, incessamment, et leurs pensées, leurs visions, les paysages qu’ils contemplent ou qui s’imposent soudain à leur regard, le temps qu’il fait et qui change, l’éclairage mouvant du jour, les couleurs, les bruits, les décors intérieurs (maison, estaminets, autobus), les mots qu’ils échangent, intensément, les accompagnent dans leurs déplacements à pied, à cheval, en autobus, en solitaires, à deux, à trois. Le lecteur effectue avec chacun un long voyage introspectif qui se poursuit durant les rares moments où les personnages s’immobilisent physiquement soit dans une des pièces de la maison du Consul ou de celle de Laruelle, soit dans un jardin, soit sur les gradins d’où on suit les diverses phases d’une série de rodéos, soit encore, le plus souvent, dans les bars et cantinas qui jalonnent les itinéraires ponctués de multiples libations, bière, tequila, mescal, whisky… surtout pour ce qui concerne Geoffrey qui combat en outre le risque d’atonie auquel l’expose son excès permanent d’alcool par de pleines goulées de strychnine.

Car l’alcool est en réalité l’élément primordial du récit, le moteur de l’action (ou de l’inaction, comme on voudra). Geoffrey Firmin ne peut, mais surtout ne veut, pas se passer de boire, de boire à outrance, certain qu’il est, a contrario des idées reçues, que la boisson est le seul remède qui lui permette de rester lucide, qui lui évite de perdre la raison dans une existence qu’il considère comme irrationnelle, dépourvue de sens.

Max-Pol Fouchet : « Il y a, chez le Consul, une soif infrangible. Non d’alcool. Mais d’ontique, de statique, d’être L’alcool, pour lui, n’est pas vice : il est le moyen d’une connaissance. Par l’alcool, il espère sortir de lui-même, sortir d’une temporalité dirigée par le péché préalable, sortir de l’historicité et de la conscience historicienne. Par l’alcool, il voit, il se fait voyant, dans l’acception rimbaldienne du terme… »

En premier lieu de cette sensation d’un non-sens existentiel prend place, autre ressort du récit, l’amour qu’il éprouve pour Yvonne, laquelle, il le sait, n’a jamais cessé de l’aimer. L’histoire, s’il en est une, tient en cette relation brisée que tous deux aimeraient sincèrement renouer tout en étant foncièrement conscients, malgré leur rêve, qu’ils savent utopique, d’une renaissance, d’un recommencement originel dans une cabane au Canada, que leurs chemins ne peuvent plus, définitivement, se rejoindre, ce qui sera hélas tragiquement, physiquement démontré par le dénouement (terme ici qui prend un sens littéral) que constitue la course haletante, inachevée d’Yvonne à travers bois vers Geoffrey qui l’attend dans la taverne où il est sur le point d’être assassiné.

‘’Ne te reste-t-il donc plus de tendresse ou d’amour pour moi ? » demanda soudain Yvonne, presque piteusement en se tournant vers lui, et il pensa : « Si, je t’aime, il me reste pour toi tout l’amour du monde, mais cet amour me paraît si loin de moi, et si étrange aussi, je pourrais prétendre l’entendre, un bruit sourd et un sanglot, mais loin, très loin, un son triste, perdu, et qu’il s’approche ou s’éloigne, je ne saurais le dire. » ‘’

Pour le Consul, boire serait donc à la fois la raison de vivre et le moyen, par le suicide quotidien morbide que constitue un éthylisme volontairement renouvelé d’heure en heure, de mettre un terme à une vie devenue insupportablement pesante ?

Maurice Nadeau : « Au centre du tourbillon, dans cette zone de calme où l’air paraît raréfié parce qu’il est aspiré de tous côtés, se tient le Consul. Il souffre, il délire, il cherche à se fuir, il appelle au secours… »

A chacun de découvrir, de ressentir, sans forcément pouvoir se l’expliquer, quel est le sens profond d’un tel roman, en quoi l’écriture en est extraordinairement piégeante, en quoi ses personnages sont prodigieusement attachants, en quoi s’exprime et s’imprime puissamment dans l’âme du lecteur la fonction poétique caractérisant de multiples pages, en quoi la minutie avec laquelle sont décrits les moindres détails des décors tant naturels que domestiques insère, enserre si intiment le lecteur dans un contexte déprimé, en quoi l’auteur a su, page à page, créer et maintenir une sorte d’atmosphère qui émane si magiquement de la lecture qu’il soumet ledit lecteur entièrement à son omnipotence de démiurge.

On a coutume, à juste raison sans doute, de comparer Au-dessous du volcan avec A la recherche du temps perdu. De fait, Lowry opère une belle jonction romanesque entre les deux œuvres lorsque Laruelle se souvient, comme d’une certaine madeleine, d’une séquence de sa jeunesse française, qu’il rattache abruptement dans une rêverie solitaire à une virulente résurgence de sa passion pour Yvonne :

« … cette première fois où, seul, marchant dans les pâquis au sortir de Saint-Prest […], il avait vu s’élever lentement et merveilleusement et dans une infinie beauté au-dessus des chaumes semés de fleurs sauvages, s’élever lentement au soleil […] les deux flèches jumelles de la cathédrale de Chartres… »

Un lien intertextuel plus anecdotique est créé facétieusement par l’auteur avec l’une de ses autres propres œuvres, lors de l’apparition inopinée et fugace du personnage Quattras, le noir dézingué qui danse et chante dans l’asile d’aliénés où se déroule Lunar Caustic, roman récemment recensé dans notre magazine.

Les quelques considérations personnelles ci-dessus exprimées ne peuvent certainement pas suffire à expliquer le pouvoir qu’exerce cette œuvre, qui, comme celle de Proust, possède ses admirateurs inconditionnels et ses détracteurs définitifs.

Maurice Nadeau : « Il existe une étrange confrérie : celle des amis d’Au-dessous du volcan. On n’en connaît pas tous les membres et ceux-ci ne se connaissent pas tous entre eux. Mais, que dans une assemblée, quelqu’un prononce le nom de Malcolm Lowry, cite Au-dessous du volcan, les voici qui s’agrègent, s’isolent, communient dans leur culte. Ils plaignent les non-initiés et si, d’aventure, ils ont affaire à un adversaire ou à un sceptique, ils l’accablent. »

« On gloserait à l’infini à propos d’une œuvre aussi riche et aussi profonde… »

Malcolm Lowry : « Ce roman […] a pour sujet les forces dont l’homme est le siège, et qui l’amènent à s’épouvanter devant lui-même. Le sujet en est aussi la chute de l’homme, son remords, son incessante lutte pour la lumière sous le poids du passé, son destin. L’allégorie est celle du jardin d’Eden, le jardin représentant ce monde dont nous risquons d’être rejetés un peu plus encore qu’au moment où j’écrivais ce livre. […] Tout a long des douze chapitres, le destin de mon héros peut être considéré dans sa relation avec le destin de l’humanité. »

L’initiation est hautement recommandée.

Patryck Froissart
Plateau Caillou, le 6 novembre 2022



L’auteur :

Né dans le port anglais de Birkenhead en 1909, décédé à Ripe en 1957, Malcolm Lowry s’engage à dix-huit ans comme steward pour aller jusqu’en Chine, et il interrompt ensuite ses études à l’université de Cambridge pour s’embarquer comme chauffeur sur un cargo. Ce goût des voyages, dont le court roman Ultramarine (1933) est le reflet, le mènera en France, aux États-Unis, au Mexique, au Canada. Mais sa plus grande aventure sera celle de son roman Au-dessous du volcan (Under the Volcano, 1947).

FROISSART - St Paul - 77 ans - 30 janvier 2023


Un enfer dans un cadre paradisiaque 8 étoiles

Le cadre enchanteur du Mexique appelle à la rêverie, d'autant plus que le protagoniste peut jouir de la confortable situation de consul, mais tout tourne vite à l'enfer, dans ce pays où la mélancolie et l'ivresse, dans tous les sens du termes, sont hissées au rang de valeurs. Les sentiments et états d'âme y sont exaltés, portés au paroxysme, les malentendus ne le sont pas moins, comme la perception de soi-même du personnage principal qui se dissimule sa propre médiocrité et tente de la noyer quand il en prend connaissance.
Ce roman s'avère effectivement déroutant, autant qu'intrigant, tanguant d'un rythme lent à une forme d'exaltation de la cavalcade des faits et pensées, avec moult flashes-back. Cette série de malentendus, espoirs et déceptions est relatée avec puissance et une palette impressionnante de nuances.

Veneziano - Paris - 46 ans - 23 juin 2018


sous le volcan 10 étoiles

Juste un détail (qui n'en est pas un) :
"Quelqu'un jeta un chien mort après lui dans le ravin".

"Comme un chien ! " dit-il, c'était comme si la honte dut lui survivre".

Bien que le livre de Lowry soit beaucoup plus optimiste puisque "No se puede vivir sin amar"

Zorggy - - 77 ans - 6 décembre 2016


Voyage en enfer. 8 étoiles

Ce pourrait être un roman sur l'ennui d'européens un peu perdus au fin fond du Mexiques, un aperçu des tripots et cabarets de la région et des moeurs locales, une analyse sur les ravages de l'alcool sur l'individu et sur l’effritement de sa personnalité, un roman sur la solitude, sur la tristesse, sur la mort.

Beaucoup plus fondamentalement, il s'agit d'un séjour de l'individu en enfer, qui est ici le monde tel que perçu par les personnages, désespérément seuls, livrés à leurs errements et à l'aiguillon de leur mémoire.

Tout rappellera l'enfer de Dante ici, mais le narrateur se retrouve dans cet enfer seul, sans Virgile pour le guider et cet enfer s'avère être d'abord celui qu'il se crée pour lui-même.

Fa - La Louvière - 49 ans - 30 septembre 2014


A relire.. 8 étoiles

Lu sous la " pression" d'un ami, ce qu'il ne faut sans doute jamais faire pour un tel livre. J'en ai retiré une impression de frustration, de rencontre ratée.
Ce serait vraiment un livre pour une lecture-ou relecture- commune, c'est un roman dans lequel on se perd complètement si on ne lit pas avec attention chaque phrase , Malcom Lowry a mis une quinzaine d'années à l'écrire, on sent que tout a son importance.
Bien sûr, on retient les grands thèmes, la culpabilité qui consume, l'amour passionné mais l'impossibilité du couple. La période, une journée de 1938, jour de la fête des morts.
Et bien sûr, l'alcool..

Le Consul baisa enfin les yeux. Combien de bouteilles depuis lors? Dans combien de verres, dans combien de bouteilles s'était-il caché, seul depuis lors? Soudain il les vit, les bouteilles d'eau de vie, d'anis, de xérès, de Higland Queen, les verres, une babel de verres- immense, telle la fumée du tain aujourd'hui- dressée jusqu'au ciel, puis croulant, les verres culbutant et se fracassant, tombés des Jardins du Generalife, les bouteilles brisées, bouteilles d'Oporto tinto, blanco, bouteilles de Pernod, d'Oxygénée, d'absinthe , bouteilles éclatées, bouteilles au rebut, tombées avec un bruit mat sur le sol des parcs, sous les bancs, les lits, les sièges de cinémas, cachées dans les tiroirs des Consulats, bouteilles de Cavados, lâchées et cassées , ou éclatées en miettes, jetées au tas d'ordures, lancées dans la mer, la Méditerranée, la Caspienne, la mer des Caraïbes, bouteilles flottant sur l'Océan, maccabées écossais, sur les Highlands de l'Atlantique- et maintenant il les voyait, les sentait, tous, depuis le tout début- bouteilles , bouteilles, bouteilles, et verres, verres, verres, de bitter, de Dubonnet, de Falstaff, de Rye, de Johnny Walker, de Vieux Whiskey Blanc Canadien, les apéritifs, les digestifs, les demi, les doubles, les remettez-ça-garçon, les glas Araks, les tsuen taks, les bouteilles, les bouteilles, les belles bouteilles de tequila, et les gourdes, gourdes, gourdes, les millions de gourdes de magnifique mescal.. Le Consul restait assis sans bouger. Sa conscience s'assourdissait dans le fracas de l'eau. Elle geignait et battait dans la brise spasmodique autour de la charpente de bois de la maison, elle massait, dans les nuages d'orages vus par dessus les arbres, depuis les fenêtres, ses vigies. En vérité, comment pouvait-il espérer se retrouver, tout recommencer quand, quelque part, peut-être dans une de ces bouteilles perdues ou brisées, dans un de ces verres qui gisait, à jamais, l'unique clé de son identité? Comment pouvait-il retourner voir à présent, chercher à quatre pattes dans les éclats de verre, sous les éternels bars, sous les océans?

Lu avec difficulté, en m'arrêtant souvent- ce qu'il ne faut pas faire, je crois.
C'est un texte difficile, que Malcom Lowry définissait comme une Divine Comédie ivre.
J'y reviendrai. Peut être.Si j'en ai le courage, c'est épuisant comme lecture!

Une citation de William Blake à la dernière page

You never know what is enough
unless you know what is more than enough.


J'ai bien conscience que c'est une oeuvre puissante, qu'on ne peut balayer d'un lapidaire commentaire.. C'est pour cela que le système de notes me gêne encore une fois.
Avoir du mal à rentrer dans un tel livre concerne le lecteur et non le livre...

Paofaia - Moorea - - ans - 2 décembre 2013


Quand la beauté et le génie font une valse 10 étoiles

C’est le livre d’une histoire d’amour qui sombre dans le mescal. C’est une idylle aussi belle et incompréhensible que le Mexique aux yeux d’un homme dont l’ivresse est tout autant ce pays et ses couleurs que son désespoir et sa solitude. C’est la chute d’un homme au travers duquel l’humanité chancèle, titubant au cœur d’un jardin merveilleux jusqu’à la nuit, où elle s’effondre dans la boue et la trivialité.
J’ai commencé la lecture de ce livre le cœur serré. Je m’y ennuyais, prêt à m’arrêter en chemin, poursuivant ma route uniquement guidé par l’influence de sa réputation et de quelque chose de plus impalpable, une impression, une odeur. Je regardais cette grande masse liquide comme une eau dormante et ennuyeuse, mais, de temps à autre, quelque chose passait sous la surface et me disait : tiens bon.
Et puis ce que je pressentais est arrivé, à la page 155, lorsque le consul bondit soudain sur ses pieds, j’ai été frappé par un éclair, un éclair intense, comme un premier shoot d’héroïne.
J’ai vu dans cet éclair toute la beauté de ce livre, de ce poème, toute sa force de pénétration. Ce n’est pas un livre qui parle à l’âme, c’est un livre qui regarde en nous jusqu’au vertige. Il fouille notre pulpe intime pour faire de chacun de nous un témoin de la beauté et de la cruauté de notre monde, et de l’amour, et de la mort.
Sa magie m’accompagne depuis de longues années et il ne se passe pas un seul mois sans que j’y songe, comme s’il était toujours sur mon chevet et que j’allais encore m’enivrer à la coupe de ses beautés. Je ne divague pas, le romantisme m’écœure, mais il faut bien, face à ce miroir inverti de nous-mêmes, faire preuve d’humilité et dire : ce livre est une merveille comme il en existe peu. Il me bouleverse.
S’il fallait convaincre encore, je dirais de prendre un exemplaire Folio édition 2004 et de lire page 554 à partir de : « La pluie tomba plus dru tout à coup… » jusqu’à ce que le livre vous tombe des mains, arrachant à vos lèvres un Mon Dieu… Alors, il y aura aussi page 252 ( le chat et l’insecte), page 265 (le consul dans la salle de bain) et puis toutes les pages à partir de 155.
J’ai commencé sa lecture le cœur serré, je l’ai achevé le cœur douloureux, répétant comme un mantra que je n’ai pas de mot (Magnifique, prodigieux, sublime, inégalable, sont-ils des adjectifs tout à fait suffisant ?) pour en saluer l’intense beauté.
http://souslevolcan.over-blog.com/

Leloupbleu - - 50 ans - 5 février 2012


Un des plus grands livres du XX° siècle 10 étoiles

Une caractéristique: les autres lecteurs disent l'avoir lu et relu. Je ne l'ai que dans la première traduction et il est passé plusieurs fois entre mes mains. Je me suis même essayé au texte anglais. Et à chaque lecture, il "tient", contrairement à d'autres bouquins qui ne supportent pas une deuxième approche.
Quand je plonge dans..le volcan, je ressens comme jamais - ou comme dans la vie, parfois - cette difficulté d'être celui que l'on croit ou veut être, d'accomplir une destinée qui échappe parce que l'on se trouve le mauvais chemin et qu'il semble qu'elle se déroule, précisément, sur celui qui s'écarte à gauche ou à droite, en dessous ou au dessus.
La poignante tristesse qui émane de ces êtres désaxés, incapables de se trouver malgré le désir qu'ils en ont, nous renvoie en nous-mêmes non pas pour nous perdre mais pour nous éclairer sur ce qui, dans la vie, est essentiel à la vie.
Je signale aux admirateurs (membres de la confrérie) de ce livre, s'ils ne l'ont pas déjà repéré, un commentaire du philosophe Clément Rosset ("Le réel, traité de l'idiotie", pp. 9-15, Editions de Minuit, 2004) qui porte sur ce roman un éclairage qui relie Lowry à Sophocle dans un essai de compréhension de la destinée "de la plus prodigieuse des créatures".
Pour finir, bien sûr, je mets 5 étoiles, mais c'est de 10 ou 15 dont il faudrait pouvoir disposer dans ce cas.

Falgo - Lentilly - 85 ans - 25 septembre 2008


Un roman essentiel à tout amateur de grande littérature 10 étoiles

Un chef d'oeuvre absolu, à lire et à relire. Moi aussi, je préfère la première traduction (et le premier titre, "Au-Dessous Du Volcan"), mais il n'empêche : rien ne ternira ce magistral roman.

Bookivore - MENUCOURT - 42 ans - 7 avril 2008