La voie cruelle
de Ella Maillart

critiqué par Sahkti, le 31 mai 2007
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Avancer pour se dépasser
"Nous étions toutes deux des voyageuses : elle, voulant avec chaque départ oublier sa dernière crise émotionnelle (et ne voyant pas qu'elle souhaitait déjà la suivante); moi, cherchant toujours au loin le secret d'une vie harmonieuse."

A l'aube de la seconde guerre, Ella Maillart et son amie Christina, qui n'est autre que Annemarie Schwarzenbach, embarquent dans leur Ford en direction de l'Afghanistan. Genève-Kaboul. Voyage difficile. Parce que la guerre est proche, parce qu'elles sont femmes, parce que nous sommes en 1939 loin des routes touristiques... et aussi parce que Christina souffre d'une dépendance irréversible aux drogues et à la mélancolies. Ce voyage, à but thérapeutique, ne rencontre pas vraiment la guérison tant attendue, mais il est porteur d'une grande richesse pour les deux femmes. Ella Maillart en tire une formidable leçon de vie que l'on peut apprécier dans ce livre.
Ella Maillart n'en est pas à son premier voyage, elle la goût de l'aventure et de la découverte dans le sang. Ce périple prend une connotation particulière, en raison de la présence de Annemarie à ses côtés. Rien n'est simple.

Ce récit est dur. Pas uniquement à cause des difficultés rencontrées par les deux femmes tout au long de leur voyage, mais aussi en raison du profond décalage qui existe entre elles. L'une vit et l'autre souffre, l'une aide et l'autre s'enfonce, l'une espère et l'autre attend...
Il y a énormément de tendresse dans le récit d'Ella Maillart mais aussi, comme toujours chez elle, ce sens de la précision et de la description. L'émotion est présente mais ne peut prendre le dessus, place au voyage et aux impressions.
C'est certainement ce qui rend ce livre si attachant, au-delà de la réussite de ces deux femmes à une époque où il fallait être plus que téméraire pour entreprendre une telle démarche. C'est ce regard porté sur le monde, sur la vie, sur les autres; cette manière de brandir les vastes étendues et d'autres cultures dans l'espoir de faire oublier ses soucis et de s'ouvrir à autrui, plus loin, plus grand, histoire de s'oublier soi au profit du beau et de l'inattendu. C'est de l'espoir, mais de l'espoir triste, on n'en ressort pas tout à fait indemne.