L'enterrement de Monsieur Bouvet
de Georges Simenon

critiqué par Mieke Maaike, le 30 mai 2007
(Bruxelles - 51 ans)


La note:  étoiles
Une enquête avant l'enterrement
Par une matinée d'un été torride à Paris, Monsieur Bouvet, un vieil homme habitué des flâneries entre les boutiquiers des quais, s'effondra sur le bord de la Seine, répandant autour de lui un paquet d'images d'Epinal qu'il tenait dans un carton. « Le vieux mourut, sans rien dire, sans une plainte, sans une contorsion, en regardant ses images, en écoutant la voix de la marchande qui coulait toujours, le pépiement des moineaux, les klaxons dispersés des taxis ». Un étudiant américain le prit en photo et le portrait du vieillard étendu sur les pavés entouré de ses images fut publié dans la presse. La police, en sous-effectif pour cause de congés estivaux, eut l'intention de ne dresser qu'un constat de décès d'un vieil homme ordinaire qui vivait seul, paisiblement, dans une maison tenue par une concierge dévouée. Mais la diffusion du portrait de Monsieur Bouvet dans la presse va attirer une série de personnages qui réveilleront petit à petit le passé mouvementé du vieil homme.

Dans ce policier, Simenon ne déroge pas à son style fait de descriptions minutieuses des petits événements du quotidien et de la psychologie des gens ordinaires: un Paris écrasé par la chaleur, la concierge attachée au vieil homme solitaire, son mari alcoolique, le petit enquêteur consciencieux tentant de cacher son intimidation face aux personnes d'une classe sociale supérieure, la mystérieuse femme âgée qui tient silencieusement son petit bouquet de violettes...

Une petite tranche de l'humanité entre le décès d'un vieillard et son enterrement.
Monsieur Bouvet 8 étoiles

De temps en temps lire un Simenon c’est un peu comme un rappel de vaccin anti-tétanos.
Monsieur Bouvet (publié en 1950) fait partie d’une bibliographie imposante. Le grand georges était fécond (dans tous les sens du terme).
Au départ un vieil homme tranquille meurt sur les quais de la Seine près des échoppes des bouquinistes. Tout pourrait être dit mais l’histoire se donne vite des allures de roman d’espionnage. Simenon est sobre dans ces concepts, il n’y a jamais un mot de trop dans son écriture et pourtant les acteurs s’additionnent chacun son tour pour former un ensemble cohérent.
Même quand Maigret n’est pas là, la littérature de l’auteur a du mal à se départir des policiers. A la sortie de la guerre les sujets sont limités : allemands, collabos, résistance, fierté nationale et… police.
Plus d’un demi siècle plus tard, la formule fait encore recette.
Un livre plaisant.

Monocle - tournai - 64 ans - 3 février 2018


On en redemande des pareils ... 9 étoiles

Paris, fin des années ’40, René Bouvet, un vieux bibliophile bien connu sur les quais, est surpris par la mort au moment où il feuilletait des gravures. Il habitait un petit appartement quai de la Tournelle. Une certaine Mme Marsh se présenta à l’inspecteur Beaupère qui s’occupe plus particulièrement des recherches dans l’intérêt des familles. Elle prétend que Bouvet s’appelait en fait Marsh et qu’il était son mari. Beaupère retrouve la sœur du soit disant Bouvet / Marsh, une certaine Mme Lamblot. Leur père, Désiré, était à la tête d’une entreprise lainière bien connue dans toute la France. Et ce n’est pas tout car Bouvet, alias Marsh s’appelait, durant la guerre, Corsico.

Pas tout à fait un policier, ni un roman « dur » mais plutôt une sacrée histoire d’aventure, bien agréable à lire, avec beaucoup de petites gens, dont des clochards, que Simenon aime tant à décrire dans son œuvre gigantesque.



Extrait :


Une brasserie à femmes. Il connaissait cela aussi, qui, dans le nord de la Belgique, remplace les maisons de tolérance, de grosses filles à chair rose servant de la bière aux clients et buvant sur leurs genoux avant de les emmener dans la coulisse.
- Vous êtes restée longtemps ?
- Assez longtemps.
- Combien d’années ?
Elle ferma les yeux pour compter, et ses lèvres remuaient.
- A peu près seize ans.
Dans la même ! Sans doute avait-elle perdu sa place quand elle était devenue trop grosse, même pour les Anversois, ou défraîchie.
(…)
- A Paris, j’ai tenu le lavabo dans un café de la Bastille, puis quand on m’a trouvée trop vieille, je me suis mise à faire des ménages.
Elle en faisait toujours. Pour les pauvres. Pour d’autres vieilles femmes comme elle, pour des malades qui n’avaient personne pour les aider.

Catinus - Liège - 73 ans - 16 mai 2015


Que ferions-nous sans Simenon ! 9 étoiles

Il arrive qu'on soit dans l'obligation de conduire sa belle-mère avec sa fille pour « faire les soldes » ou les achats de fin d'année.
Il est important alors de se munir d'un très bon livre. Il faut choisir un livre amusant à lire afin de ne pas perdre sa bonne humeur, un livre intéressant et bien écrit afin de ne perdre son temps et enfin, un livre qui vous incite à tourner les pages sans exiger trop de concentration parce qu'on sera amené à le lire dans le brouhaha d'une boutique où ces dames choisissent leurs fringues.

C'est dans ces circonstances que j'ai lu l'Enterrement de Monsieur Bouvet et je me suis régalé.

Comme toujours dans ses romans, Simenon a choisi un personnage tout à fait ordinaire. Monsieur Bouvet vivait seul, ignoré de tous, et sans faire de bruit. A la première page du roman il meurt, comme ça, tout simplement, sur un quai de la Seine en feuilletant des gravures et sans déranger personne. Un policier demande : qu'est-ce qu'il a ? et on lui répond : il est mort !

Et puis une enquête est menée, des personnages de la vie de monsieur Bouvet apparaissent et, petit à petit, on découvre qui était monsieur Bouvet, quelle fut sa vie, ses activités, ses relations, ses amis...

L'Enterrement de monsieur Bouvet est un excellent Simenon mais tous les Simenon sont excellents. Simenon ne déçoit jamais. Il a l'art de donner de l'épaisseur à des personnages qui ont l'air d'être choisis pour leur banalité ; et il a l'art aussi de raconter une histoire bien troussée, à partir de petits événements de la vie de tous les jours. Tout ça avec une facilité apparente qui donne au lecteur l'envie de se mettre à l'écriture tellement ça paraît simple. Mais à peine le lecteur s'est-il mis à écrire qu'il s’aperçoit combien il est difficile d'écrire simplement et c'est alors qu'il se rend compte à quel point Simenon est un artiste.

Et puis, Simenon a écrit des centaines de romans et c'est une réserve inépuisable qui viendra toujours à point quand une corvée belle-mère nous attend.

Saint Jean-Baptiste - Ottignies - 88 ans - 26 novembre 2012