Duras, Marguerite
de Dominique Noguez

critiqué par Kinbote, le 19 août 2001
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
L'Edith Piaf de la littérature
Dominique Noguez nous replonge , à la faveur de son livre sur Duras, dans ces années 80 où toute une génération d’auteurs et de lecteurs, à la suite du succès de « L'amant », fut atteinte de durassôlatrie.
Et c’est un plaisir car, même si Noguez pointe les défauts, manies et avanies (« elle puait du moi comme on pue de la gueule » écrit-il ) de celle qu’il traite d’Edith Piaf de la littérature ( tout ce qui compte aujourd’hui l’a peu ou prou côtoyée), il rappelle ses vertus, un ton, une écriture inimitable ("qui ne pouvait qu’être imitée"), une puissance romanesque rare. Noguez entreprend tout d'abord de percer le mystère de l'écriture durassienne, avec son goût pour l’abstraction, l'hyperbole, la redondance. Il relève ses apports au cinéma dans son cycle d’India song, principalement la dissociation de l’image et du son.
La seconde partie, sobrement intitulée « Marguerite », est faite de fragments du journal de Dominique Noguez concernant le « Grantécrivain » dont il fut un temps très proche, avant sa célébrité, pour finir par ne plus la voir ( parce qu'il se permettait parfois d'exprimer des réticences sur certains aspects de son œuvre) mais par rêver d'elle, un peu comme à une mère, et à espérer des retrouvailles au cours desquelles un vrai dialogue s’installerait enfin entre l'admirateur et son idole. C’est le constat d'une amitié manquée et qui touche par ses absences, ses élans réprimés. En annexe, on trouve une interview qui nous rend la parole de celle qui excellait dans cette discipline, pour autant, écrit Noguez, qu’un magnétophone fût branché à proximité pour enregistrer ses propos. Il rappelle par deux fois ce précepte touchant d'une femme qui était par ailleurs excellente cuisinière et une femme matérielle (relire à l’occasion « La vie matérielle » de Duras) : « Quoi qu’il arrive, si bas qu'on soit, faire chaque jour son lit ».