Si tu mourais...
de Florian Zeller

critiqué par Jean Meurtrier, le 20 avril 2007
(Tilff - 49 ans)


La note:  étoiles
La vodka du diable
Anne Wender vient de perdre son mari Pierre, écrivain, dans un accident de voiture alors qu’il se rendait à Nice. Elle tente de faire son deuil en rangeant le bureau de son époux disparu, espérant que cela puisse l’aider à tourner la page. Au contraire, elle découvre à cette occasion des notes sur une pièce de théâtre en gestation. C’est l’histoire d’un écrivain marié qui vit une idylle avec une jeune et belle comédienne. Ce genre d’aventure est tendance dans le petit monde artistique de la bourgeoisie parisienne.
Le scénario mettant en scène un personnage principal si conforme à feu son mari déterre les doutes latents qu’elle couvait à son propos peu avant sa mort. L’aurait-il trompée? Afin de répondre à cette question, elle fait appel à ses souvenirs, et à Daniel aussi, le meilleur ami de Pierre. Ce dernier tente de la rassurer, ce qu’il ne réussit qu’à moitié. Anne persévère, elle veut éventrer ce qu’il lui apparaît comme un mensonge flagrant à l’actif de Pierre.
Elle décide de contacter l’actrice Laura Dame qui est mentionnée dans les notes relatives à la pièce. Elle la soupçonne d’être la maîtresse de son mari. On la sent prête à pardonner, mais elle tient à savoir. Cependant la vérité n’éclate pas si facilement. Les lacunes de cette enquête stimulent l’imagination d’Anne. Elle verse doucement dans une paranoïa alimentée par la peur de l’abandon. Si seulement Pierre était présent pour s’expliquer…
Cette pièce au titre digne de Marc Lévy approche des thèmes comme la mort, le mensonge ou la vérité fuyante. Mais avant d’aborder le fond, je tiens à manifester mon agacement à propos de l’inattention récurrente des protagonistes, volontaire ou non, qui encombre les dialogues de répétitions et de brèves interrogations. Il s’agit parfois d’esquives pour éviter des sujets embarrassants, mais des fois ce serait plutôt Alzheimer… ou simplement du remplissage. Quoi qu’il en soit, ce phénomène trop fréquent surcharge les échanges. Jouée, la pièce est peut-être plus digeste que lue.
La reconstitution des faits est confuse en raison des pseudo-vérités qui se suivent et se contredisent. S’il est difficile de percevoir ce que pensent les personnages, ces derniers n’en sont pas pour autant complexes. Daniel est d’ailleurs particulièrement insipide. En comparaison, l’univers des «Grandes occasions» de Bernard Slade m’a paru autrement plus riche avec seulement deux acteurs.
Zeller joue jusqu’au bout la carte du doute, avec des scènes hésitant entre le flash-back, le souvenir et l’imagination. On va et on vient dans le temps sans crier gare, au travers de saynètes souvent ponctuées par une réplique aussi percutante qu’improbable. Mais derrière ces effets en vogue, c’est le grand néant. Anne parvient toutefois à être touchante quand son acharnement se mue en détresse. Mais c’est trop tard.
Pour l’anecdote, j’ai repéré une citation qui ne trouve pas d’écho en moi: «La vérité, ce sont des mains et des yeux qui brûlent en silence». Je suppose que c’est une «private thought» qui m’est inaccessible.
Alors, Zeller, est-ce juste une belle petite gueule androgyne, un sourire figé et des cheveux savamment ébouriffés? J’imagine qu’il y a un réel talent au-delà de l’image. Cependant, cette pièce écrite sans inspiration ne m’incite pas vraiment à découvrir le reste de son œuvre.