L'île de béton
de J. G. Ballard

critiqué par B1p, le 15 avril 2007
( - 51 ans)


La note:  étoiles
dans l'enceinte périphérique
Au début des années 70, l'avènement des périphéries et de leurs colossales masses de béton inspire à James Graham Ballard un triptyque où l'Homme est broyé, au sens propre comme au sens figuré, par le gigantisme, la froideur et le caractère purement fonctionnel d'un environnement remanié dans lequel il circule, inconscient de l'autre et à peine conscient de lui-même, comme une particule élémentaire (on n'est pas encore chez Houellebecq, mais celui-ci n'a finalement pas inventé le concept) qui aurait perdu toute velléité d'interaction. L'humain semble avoir perdu toute identité pour se réfugier dans l'adoration de structures, qui au lieu de lui permettre de mieux vivre semblent plutôt en passe de le dominer.

Il en résultera 3 romans : « Crash ! », « I.G.H. » et « l'Ile de Béton ».

Un homme a un accident au volant de son bolide lancé sur les bretelles du périphérique. Enjambant les rails de sécurité, sa Jaguar va s'écraser dans un terrain vague d'où il n'aura de cesse, par la suite, de vouloir s'échapper. Mais les voitures, camions et autres motocyclettes tournoyant autour de lui ont, en quelque sorte, créé une île abandonnée de tous. Les vestiges d'un vieux village, de vieilles ruines, un dépotoir n'intéressent pas les citadins qui se pressent frénétiquement autour du lopin de terre noire, mus par leur délire schizoïde de modernité. Et le naufragé devra apprendre à survivre, rejeté à chaque fois qu'il essaiera de s'extraire de cet enfer morne, qui par les bolides trop rapides pour le voir, qui par ses blessures de plus en plus profondes à mesure que le temps fait place à la fièvre et à la désolation.

« l'Ile... » n'est ni l'élément le plus fort ni le plus abouti de la « Trilogie de Béton ». Il débute comme débutait « Crash ! » et le héros est architecte, comme ceux propres à inventer d'écrasants « I.G.H. ».
Mais il faut reconnaître que le récit reste scotchant. On suit le fil conducteur comme on le ferait d'une vulgaire nouvelle, mais par sa longueur et son caractère atypique, « l'Ile de Béton » force finalement l'admiration. Et il reste en mémoire un mélange de terre et de désolation, une odeur de poussière et une espèce de réminiscence émouvante d'humanité comme seuls peuvent en produire les êtres qui doivent affronter un avenir que tout le monde semble vouloir leur refuser, y compris eux-même, peut-être.

"Tout en souriant, bien calé, il s'adossa à la vitre arrière sans bien comprendre pourquoi il se sentait merveilleusement soulagé. Il leva la boîte de plastique, y fit tourner le liquide. Evidemment, il allait en réchapper, aucun doute maintenant. La voiture était emboutie, il était blessé, oui, mais il avait fallu être paranoïaque pour croire un moment qu'il allait rester prisonnier dans cette île."
Ce terrain vague oublié. 5 étoiles

Pas moyen de me souvenir comment ce livre m'est tombé dans les mains !
j'avais noté le titre qui était cité dans une précédente lecture et je cherche encore à comprendre pourquoi.
Lu en une nuit, ce très court roman raconte l'histoire de Robert Maitland qui, suite à un accident de voiture se retrouve coincé dans un îlot triangulaire entre trois routes express. Pas moyen de s'échapper et la vie du Robinson des temps modernes s'organise, des rencontres se font et se défont.
Publié en 1974 (version francophone), le texte original a pris de fameuses rides mais je m'étonne qu'il n'ait pas été choisi comme scénario pour le cinéma.

Monocle - tournai - 64 ans - 31 mai 2016


Excellentissime 10 étoiles

Deuxième volet de la 'trilogie de béton' commencée par "Crash !" et achevée par "I.G.H." (trois romans indépendants), "L'Île De Béton" n'est effectivement pas le sommet de la trilogie, mais c'est mon préféré. Une histoire incroyable, invraisemblable et épatante sur un naufragé moderne, piégé sur un terrain vague cerné par des bretelles d'autoroute, impossible de quitter les lieux... Court, mais franchement excellentissime, c'est super bien écrit et probablement un des meilleurs Ballard. Pas le sommet de la trilogie, mais tout de même fantastique, quoi !

Bookivore - MENUCOURT - 42 ans - 8 août 2011