Autoportrait au radiateur
de Christian Bobin

critiqué par Leïa, le 10 octobre 2001
(Montréal - 47 ans)


La note:  étoiles
Décevant!
Cette autobiographie ne m'a pas touchée comme j'aurais aimé qu'elle le fasse. Et ce, pour deux raisons : premièrement, j'avais eu d'excellents commentaires sur ce livre. Plusieurs copines me l'avaient même fortement recommandé.
Deuxièmement, avec mes lectures précédentes de Bobin, j'avais eu la chance d'apprécier son style, sa poésie et son humour. Dans ce livre, malheureusement, les jolis jeux de mots surviennent principalement à la fin. Malgré tout, c'est un bouquin qui se lit bien et qui demeure agréable. Je suis cependant en désaccord avec ceux qui affirment que ce livre est le meilleur de l'auteur. J'ai préféré L'équilibriste, plus touchant et poétique à mon goût.
Fragments de vie 9 étoiles

Christian Bobin nous dit qu’il aime les fleurs, les enfants et les femmes. Les hommes lui sont indifférents. Il ne les remarque même pas. Mille petites choses font son bonheur du jour. Il s’émerveille d’une belle lumière, de l’odeur du foin coupé, de la beauté d’un pétale de tulipe tombé sur un guéridon ou du vol d’une libellule. Ce qui le remet au monde ? Deux verres d’entre-deux-mers, la fumée d’une ou deux cigarettes et une page d’un poète suédois, une seule, pas deux. Il vit seul, lit beaucoup et écoute du Mozart dont les œuvres lui évoquent toutes sortes de choses dont le chuchotement des rivières ou le balbutiement des nouveaux-nés…
« Autoportrait au radiateur », en dépit de son titre, n’est pas vraiment un livre d’autofiction. Pas un roman non plus. Le lecteur cherchera en vain une intrigue construite, une histoire rondement menée ou des personnages hauts en couleurs. Il ne parle que de lui-même et de rares proches, et encore sans en dire grand-chose. Et ce n’est pas non plus un véritable journal bien qu’il en respecte la forme apparente en commençant son texte début avril 96 pour l’achever fin mars 97. Ce texte aurait pu être le récit d’une année de vie d’un écrivain ordinaire, mais ce n’est pas vraiment le cas. Le lecteur en apprend très peu sur le narrateur hormis sa solitude, son détachement d’à peu près tout, ses difficultés devant la page blanche et sa tristesse de la perte d’une « amie de cœur ». La force et le charme de cet ouvrage reposent sur un style minimaliste assez inimitable, basé sur la technique du « fragment », de la bribe, du détail en apparence insignifiant. La spiritualité, qu’il différencie soigneusement de la religiosité, tout comme une certaine forme de philosophie restent importantes. Avec Bobin, qui en appelle à plusieurs reprises à Thérèse d’Avila, nous ne sommes pas dans le pari de Pascal, mais dans la simple et belle évidence de Dieu. Une prose unique, poétique et aérienne qui mérite le détour, même si ce charmant ouvrage n’atteint pas les sommets de son chef-d’œuvre, « Le Très-Bas ».

CC.RIDER - - 66 ans - 6 septembre 2024


Poignant 8 étoiles

« Jeudi 5 septembre 1996

Aujourd'hui j'ai cru te voir. Tu marchais sur un trottoir, devant un immeuble près du mien. Même silhouette, même franchise de l'allure, même allégresse du pas. Cela a duré quelques secondes, puis ton fantôme s'est évaporé, laissant la place à une jeune femme qui ne te ressemblait en rien, à part peut-être la coupe de cheveux. Cette inconnue ne saura jamais avec quelle violence elle est passée dans mes yeux, ressuscitant une seconde l'espérance de te voir, pour l'anéantir à la seconde suivante. J'ai pourtant regardé cette passante avec gratitude. Quand on s'est croisés, je lui ai souri, la remerciant secrètement de t'avoir une seconde cédé sa place de vivante. Ensuite mon coeur s'est à nouveau tourné vers l'invisible – là où la place de chacun est entière, et où il n'est plus nécessaire que quelqu'un s'efface pour que quelqu'un d'autre apparaisse. »

La compagne de Christian Bobin disparaissait à l'âge de 44 ans en août 1995, je crois. L'autoportrait au radiateur n'est pas le plus accessible des Bobin – si tant est que Bobin soit accessible – mais son contexte rend certaines pages poignantes, dont celle que je reproduis, d'une longueur inhabituelle – je doute que quiconque s'offusque de ce détail, face à un texte d'une telle puissance.

Je ne recommanderais certainement pas cette oeuvre – que j'ai du mal à appeler « roman » – pour aborder Bobin, mais, à titre personnel, rarement un texte m'a touché de cette manière, crue, forte, brutale, et toujours douce.

Miriandel - Paris - 63 ans - 24 juillet 2004


Célébration du banal 6 étoiles

Moi aussi, Leïa, j'ai été un peu déçu par ce livre de Christian Bobin, reçu en cadeau voici quelques années. Et c'est le seul que j'aie lu à ce jour, sans doute à cause de cette mauvaise impression.
Je ne sais ce qui provoque en moi cette sorte d'allergie. En effet, Bobin se rapproche ici d'auteurs que j'aime bien et qui, chacun à sa manière, célèbrent les beautés simples du quotidien : le Delerm des "plaisirs minuscules", Colette Nys-Mazure. Point commun avec cette dernière, aussi : la foi sous-jacente, l'espoir religieux qui jaillit dans chaque description.
C'est peut-être cet aspect qui m'a rebuté à la première lecture. La trop grande précision des allusions au catholicisme (Thérèse de Lisieux, Saint Jean de la Croix...) Peut-être aussi la présentation sous forme de journal, même si l'auteur précise : "Je n'écris pas un journal mais un roman. Les personnages principaux en sont la lumière, la douleur, un brin d'herbe, la joie et quelques paquets de cigarettes brunes." Jusqu'à quel degré de banalité peut descendre le roman? Et puis, ces tentatives pour sublimer le banal - émerveillement devant les tulipes, et ces aphorismes qui ne décollent pas : "Ce que je trouve est mille fois plus beau que ce que je cherche" ; "Ce que je connais, je ne l'écris pas. Ce que je ne connais pas, je l'écris." Bon, ben... je crois que j'aurais intérêt à relire ce Bobin.

Lucien - - 69 ans - 22 mars 2002