Chez Thomas Bernhard à Steinhof
de Israël Eliraz

critiqué par Sahkti, le 2 avril 2007
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Au coeur de la pensée
"Le temps ne passe pas mais le mouvement se fait."

Steinhof, Autriche. Un institut psychiatrique dans lequel Thomas Bernhard a séjourné. C'est là que tout se passe. L'histoire commence à 17h45, elle se termine à 17h45. Entre les deux, les pensées et digressions de Thomas Bernhard, son rapport au monde, sa folie et sa haine. Une haine qui prend toute la place et lui permet de vivre, de survivre. Temps infime et pourtant étendu grâce aux mots de Israël Eliraz, à ses poèmes courts, fugaces fragments des pensées d'un homme qui se raccroche à des repères du quotidien, à un brin d'herbe, à un aide-soignant, à des souvenirs, à son enfance ou à ce père qu'il n'a pas connu et dont il invente l'existence, mélancolique et amère, au fil des pages.
Une histoire linéaire composées d'entrefilets poétiques. La typographie aérée et élégante se promène sur le papier crème, à l'image du lecteur qui déambule au gré des errances de l'esprit de Thomas Bernhard.
Israël Eliraz déploie beaucoup de sensibilité et d'humanité pour poser le personnage de Thomas Bernhard et aborder avec lucidité cette haine et cette folie qui l'habitent. Eliraz fait preuve d'un sens du recul indispensable pour pouvoir se glisser complètement dans la tête de son protagoniste; c'est doux et fort à la fois, on regarde Thomas Bernhard différemment après cette incursions, pendant un fragment de temps infime, dans ses pensées les plus secrètes.

"rien ne remplace le bois
dans la cuisine où
nous avions déséquilibré les
masses naturelles des
pots et des feux
Il dit qu'il préfère
toujours les couleurs
posées en aplats
et qu'à Steinhof il n'y a
que des idées démodées
concernant la détresse
(page 13)"